LES FUTURISTES
Ceux qui ont eu la chance de se rendre à l’EICMA, c’est-à-dire le Salon de la moto de Milan, ont été accueillis par la gigantesque affiche de l’événement inspirée par le mouvement artistique italien, Futuriste. Initié par Filippo Tommaso Marinetti, il a eu une grande influence dans la Péninsule. Les Futuristes ne se contentaient pas de peindre et de sculpter, ils louaient aussi « l’amour du danger, la tradition du courage et de la vigueur ». Ils souhaitaient ardemment que l’Italie abandonne son économie basée sur l’agriculture pour se lancer dans l’industrie à travers les nouvelles technologies automobiles, motocyclistes et aéronautiques, ainsi que l’électronique de communication. Marinetti publia le manifeste Futuriste en 1909, proclamant que : « Le monde s’était enrichi d’une nouvelle beauté, la beauté de la vitesse. Une voiture de course avec son capot hérissé de tubes d’échappement comme des serpents crachant le feu… un moteur hurlant qui semble se transformer en mitrailleuse, c’est plus beau que la Victoire de Samothrace. »
C’est en partie grâce aux Futuristes que l’Italie est tombée amoureuse des belles mécaniques. Durant l’entre-deux-guerres, une firme comme Gilera a été inspirée par le culte Futuriste de la vitesse pour dessiner la Rondine (animée par un quatrecylindres double arbre) qui atteignit plus de 270 km/h. Les frères Ducati sont aussi tombés sous le charme et avant les deux-roues, la firme produisait des appareils électroniques dessinés dans le style Futuriste qui dominait l’architecture et le design dans les années 30 en Italie. Après la Seconde Guerre mondiale, le scooter Rumi et la Miller-Balsamo perpétuèrent ce courant jusque dans les années 50.
Marinetti est toujours admiré pour le rôle qu’il a joué, ce qui explique sans doute cette affiche. Sauf que les Futuristes ont un côté obscur. Marinetti et la plupart de ses disciples étaient fascistes et leur obsession pour la technologie les amena évidemment à admirer les engins militaires, particulièrement les avions. Ils pensaient que la guerre était le seul moyen pour apporter le progrès social. Leur manifeste déclarait même : « Nous devons glorifier la guerre, la seule manière de nettoyer le monde. »
Et en 1914, Marinetti annonça que la Grande Guerre était le plus beau des poèmes futuristes. Dans les années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale, il devint un proche de Mussolini et siégea au premier conseil fasciste. Il était aussi très misogyne, glorifiant le dédain pour les femmes. Comme sur certains stands de l’EICMA où, en 2021, certaines hôtesses courtes vêtues servent encore de faire-valoir à des motos ou à des accessoires. Il semblerait que le mouvement
« #MeToo » ne soit pas encore arrivé au Salon de Milan. Dans le futur, peut-être ?