Moto Revue

Le discours de la méthode

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Invité par la Fédération française de motocyclis­me à élire par Internet le « champion de l’année », c’est sans l’ombre d’une hésitation – et pas le moindre doute – que j’ai glissé dans l’urne virtuelle mon bulletin siglé Johann Zarco. Vous dites ? Il n’est pas usuel de dévoiler son vote ? Très bien, alors je vais même vous l’expliquer. Et je vous en parle d’autant plus facilement que je ne connais pas Johann Zarco personnell­ement, ou très peu, au contraire de quelques nominés – pour lesquels je n’ai donc pas voté – et qui sont pourtant des copains. Mais il faut assumer ses conviction­s, et la mienne pour le coup est que Zarco champion des champions 2016, ça sonne comme une évidence. Prendre le risque de refuser deux offres de guidons en MotoGP pour la saison 2016 après avoir remporté son premier titre mondial Moto2, décider de redoubler dans un championna­t que personne n’a jamais remporté deux fois, déjà, c’était particuliè­rement « couillu ». Ne pas paniquer après cinq premiers GP 2016 chaotiques, c’était encore un signe d’excellence. Puis réussir à s’épanouir dans un printemps et un début d’été (quasi) parfait, le signe d’un caractère de dominant. Quant à marquer le pas au retour des vacances sans donner l’impression de s’affoler – et, plus impression­nant encore, sans se parer d’excuses – mais en expliquant les choses honnêtemen­t pour parvenir à remettre la machine à gagner en route alors qu’une pression maximale pèse sur ses épaules, ça, c’est la marque d’un grand. D’un grand balèze même. Et ce qui me plaît chez Zarco, c’est que son succès, il l’a construit pas à pas. Avec Laurent Fellon, son incontourn­able mentor dont l’implicatio­n dans la réussite de Johann est aussi impression­nante que fondamenta­le, ils ont su ériger le travail en tant que vertu cardinale. Apprendre à marcher avant de chercher à courir, puis, quand on y parvient, apprendre alors à courir, puis savoir gérer son allure pour, au final, ne pas rater sa course. Si, en France, on a l’habitude de se pâmer devant les gens doués, leur accordant un crédit démesuré pour de beaux gestes et quelques réussites, il me semble qu’il est à la fois plus honnête, plus juste et plus beau de s’enticher du talent. Deux notions bien différente­s : le don tombe du ciel, le talent se cultive ici-bas. Et le talent de Johann aura été de poser l’équation de la réussite et d’en chasser, une à une, toutes les inconnues, se sachant – sans qu’il n’en prenne jamais ombrage – moins doué que certains, mais justement (et adroitemen­t) capable de mettre en place tous les éléments lui permettant de devenir un champion. Accepter de redoubler d’efforts, c’est la marque d’un grand talent, et d’un incontourn­able champion 2016. René Descartes, philosophe et mathématic­ien français, définissai­t dans Le Discours de la méthode la manière de conduire sa raison et de chercher la vérité dans les sciences. à sa manière, la paire Zarco/Fellon s’en inspire et lui rend hommage.

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