L’essai dynamique FOUDROYANTE
La puissance ne sert à rien lorsqu’il est impossible de l’exploiter, c’est pourquoi Ducati a revu la géométrie de sa Monster 1200. Il était devenu essentiel d’améliorer le comportement dynamique de la belle pour qu’elle retrouve toute son attractivité. Et les Italiens ne se sont pas loupés.
Il y a toujours un risque, lorsqu’on joue avec la limite, de basculer du mauvais côté. Ducati s’évertue depuis de nombreuses années à polir ses motos afin de les rendre plus accessibles à tous. Si la performance pure n’a jamais été remise en question – c’est l’essence même de la marque –, ce sont le caractère moteur et le comportement dynamique qui en faisaient les frais. Il n’était alors pas rare d’entendre les « Ducatisti » crier au scandale, se désolant de voir leurs machines préférées perdre leur âme, tandis que les nouveaux venus appréciaient de pouvoir prendre le guidon de telles motos sans subir les événements. Le twin de Bologne ne s’était pas pour autant transformé en quatre-cylindres en ligne, néanmoins, la première Monster 1200 apparue en 2014 est peut-être allée trop loin. Si la puissance pure était toujours au rendezvous, son imposant gabarit et sa géométrie l’ont passablement éloignée de la sportivité généralement recherchée avec une Ducati, qui plus est avec une Monster. La part belle avait été faite à la polyvalence et au confort… et ça n’a finalement pas fonctionné sur le plan commercial. La firme de Bologne opère donc ici un remarquable rétropédalage pour retrouver le dynamisme perdu de son gros roadster. Une démarche dont on ne peut que se réjouir tant ce nouveau cru s’emmène avec plaisir. Les premiers kilomètres effectués avec la Ducati Monster 1200 S – la version standard n’était pas à l’essai lors de cette présentation mais les différences sont minimes (cf. encadré p.41) – démontrent tout l’intérêt qu’ont eu les ingénieurs italiens à réviser la géométrie de cette machine. L’empattement réduit à 1 485 mm et l’angle de chasse refermé (23,3°) confèrent une vivacité et une agilité de premier ordre à la Monster. La diva italienne ne se fait pas prier pour partir à l’attaque de routes sinueuses, elle n’en fait même qu’une bouchée. Une légère poussée sur le guidon suffit à l’inscrire sur l’angle. Elle s’avère être en plus particulièrement sensible aux pressions sur les repose-pieds. Une aubaine facilitant la vie car, si le large cintre procure un effet de levier suffisant pour les changements d’angle, l’opération gagne en efficacité, en simplicité et en confort avec une telle incidence des jambes. La Ducati profite aussi amplement du profil
arrondi des nouveaux Pirelli Diablo Rosso III pour s’incliner avec dextérité mais sans précipitation inconvenante. On se prend alors au jeu d’une conduite plus contraignante faite de freinages appuyés et de brusques remises des gaz. La Monster n’en semble pas plus émoustillée qu’à la normale et vous pousse à continuer, puisque son comportement reste sain. Le système de freinage Brembo, composé d’étriers radiaux M50 et de disques de 30 mm, offre une puissance et un ressenti exemplaire. Surtout, il entre en action sans brutalité et reste dosable.
Une armada informatique pour contrôler les chevaux
Le train avant profite alors du subtil travail de la fourche inversée Öhlins, entièrement réglable. Celle-ci encaisse la charge du freinage sans figer la machine – ce qui permet de facilement garder les freins à la mise sur l’angle – et se détend ensuite avec douceur, sans déstabiliser l’ensemble. Un régal. Il n’y a guère que la sensibilité de l’ABS à la roue arrière, bien trop intrusif, qui nous dérange dans cette phase de conduite. D’autant que cette assistance, désormais gérée par la nouvelle centrale inertielle issue de la Panigale 1299, peut ajuster la pression à l’avant lorsqu’elle détecte une complication à l’arrière. Et sur le coup, cela surprend ! Toutefois, disposant de trois niveaux d’intervention, l’ABS peut aussi être tout simplement débranché. D’ailleurs, côté électronique, la Monster 1200 possède trois modes moteur (Sport, Urban, Rain) aisément sélectionnables au guidon, même en roulant. Eux-mêmes sont complètement paramétrables puisque le contrôle de traction et l’antiwheeling s’ajustent sur huit degrés d’action. Il faut pour cela se poser et s’enfoncer dans les méandres de l’ordinateur de bord TFT en couleur, particulièrement plaisant à l’oeil, qui, au passage, évolue en héritant – bien qu’un peu tardivement – d’un indicateur de rapport engagé et d’une jauge à essence. Si cette armada informatique peut paraître superflue, elle est en réalité bien utile lorsque l’on lâche la cavalerie. Le bicylindre Testrastretta 11° ne se faisant pas prier pour démontrer la force de ses 150 chevaux. La Ducati Monster 1200 S aime vous procurer d’intenses accélérations à condition de ne pas la solliciter sous les 3 000 tr/min. Dans ce cas de figure, elle broute et reste sur place le temps de prendre du régime. Son couple de tracteur (12,7 mkg à 7 750 tr/min) prend ensuite le relais et vous force à vous agripper jusqu’à l’horizon des 10 000 tr/min. En plus, il ne faut pas compter sur une demi-seconde de répit puisque les différents rapports de vitesse défilent sous l’action du Quick Shift up/down, de série sur la version S, ce qui évite de couper les gaz. L’impulsion sur le sélecteur de vitesses doit néanmoins toujours être franche, sous risque de faux point mort. De même, on préférera empoigner l’embrayage (un poil dur) dans quelques situations, notamment lorsque l’on roule sur un rythme plus souple et détendu. Non, la Monster 1200 S ne va pas se montrer invivable à une allure plus cool. Sa position de conduite, bien que basculée vers l’avant et légèrement en appui sur les poignets, n’est pas fatigante, tandis que la selle échancrée s’avère moelleuse. Les plus grands apprécieront en plus la reconfiguration des repose-pieds pilote et passager. Soit l’idéal pour une balade reposante après votre petite spéciale en montagne.
bicylindre en L Testastretta 11° 4-temps refroidi par eau