Essai dynamique À L’ESSAI, UNE IDéE
Ce que nous avons essayé, bien plus qu’une moto, c’est d’abord une idée. L’idée de ce que devra être le futur trail mid-size Yamaha. Se cantonner à ne retenir que les seules performances de ce concept n’aurait pas grand intérêt, mais tenter d’envisager la
Jamais je n’étais monté sur une moto aussi haute de selle. Il faut dire que, jamais non plus, en 20 ans de carrière (eh oui, déjà), je n’étais monté sur un vrai concept, non pas sur une pré-série, mais sur une moto que l’on n’imaginait pas voir gambader ailleurs que sur la moquette d’un salon d’exposition. C’est pourtant cette moto, ce modèle T7 présenté à l’automne lors du Show Eicma de Milan, que Yamaha Europe a décidé de nous mettre à disposition le temps d’une journée. Une proposition surprenante, et même étrange, quand on connaît la culture de précaution qui anime d’ordinaire les Japonais. Là, ce concept, on nous l’a livré tel quel, dans son jus, seulement débourré par quelques confrères étrangers. Autant dire qu’une curiosité toute particulière m’anime au moment d’actionner le système de mise à feu de l’engin, soit une gâchette qui fait office de clé de contact et qui permet d’ébrouer le bicylindre en faisant glisser ensuite un commodo jouxtant la poignée d’accélérateur. Une simple impulsion et le moteur – resté d’origine – de la MT-07 donne de la voix. Associé à la ligne spécifique réalisée par le faiseur slovène Akrapovic, le bloc sonne clair, net et fort. Une jolie mélodie qui s’associe parfaitement à l’image renvoyée par la plastique de la T7, à savoir celle d’un concept de course. À ce moment encore, je me demande si elle ne serait pas déjà une moto de course. Un aller-retour dans un long chemin sablonneux, quelques virages, et la réponse tombe, finalement naturelle et logique : non, la T7 n’est pas une moto de course, pas plus qu’elle n’est une moto aboutie. Quelques particularités dans son comportement témoignent du chemin qui lui reste à parcourir avant d’envisager se rapprocher de la vérité. Déjà par ses mensurations. Si le réservoir en aluminium est une très jolie pièce, l’embonpoint de sa partie arrière, soulignée par une largeur excessive au départ des flancs latéraux, oblige à rouler les jambes assez écartées. Rien de rédhibitoire en tant normal, mais comme la selle (en plus d’être très ferme) culmine à une hauteur « himalayesque », l’association des deux fait que malgré mon 1,81 m, seuls les bouts de mes arpions touchent le sol. On ajoute à cela un rayon de braquage pas franchement terrible, un moteur positionné très haut dans le cadre qui élève d’autant le centre de gravité, et vous comprendrez qu’une attention toute particulière soit requise au moment d’attaquer les petits virages... La crainte ultime étant alors de caler sur un coup de piston... Qui n’arrivera pas, parce que ce moteur est un modèle de souplesse. Pour un « petit » bicylindre de 700 cm3, ce caractère est appréciable. Et c’est d’ailleurs son tempérament en général qui emporte tous les suffrages, encore plus expressif que le moteur que l’on connaît dans les autres écrins que sont les MT-07, XSR ou Tracer, parce que débarrassé de ses systèmes de dépollution. Ainsi « libéré », ce bloc montre d’excellentes qualités, que ce soit la souplesse donc, mais aussi l’allonge ou la puissance pure. Et si la partie-cycle reste perfectible, la force de ce moteur permet d’atténuer les choses. On ne
parlera pas ici de stabilité ou de maniabilité, on relèvera juste le désaccord entre la partie avant bien réussie en termes d’amortissement, et l’arrière qui souffre d’un amortisseur un peu dépassé par les événements, pas au niveau de la fourche empruntée à la WR-F 450 d’enduro (qui semble bénéficier de réglages raffermis). Les freins, nous n’en parlerons pas non plus, la faute à une vis d’étrier avant baladeuse qui aura mis hors d’usage le système, nous contraignant à faire notre essai en composant avec le seul élément arrière (efficace au demeurant), le frein moteur (satisfaisant) et la nature du sol (sablonneuse) pour se ralentir. Ça l’a fait. Et pour une moto tout juste descendue d’un podium, plutôt bien même. Il faut garder à l’esprit que ce concept, Yamaha aurait pu l’imaginer comme une simple maquette, en bois. Finalement, le bois, c’est celui qu’elle a envoyé au moment où l’horizon s’est élargi, poussée par ce joyeux bicylindre. Surtout, cet horizon, c’est l’endroit où il me semble intéressant de tourner son regard pour tenter d’envisager la suite. Cette T7, on a compris d’où elle venait et pourquoi elle revenait, une résurgence du passé de Yamaha – la volonté
de se réapproprier l’Histoire que la marque a écrite dans le désert –, mais en prenant soin d’établir une passerelle avec l’actualité, en accompagnant l’engagement renouvelé de Yamaha sur le Dakar. Honda a fait le choix de la petite cylindrée pour exploiter l’image commerciale véhiculée par les CRF 450 officielles de rallye en proposant une CRF 250 Rally (très réussie au demeurant, voir essai MR n° 4054) qui fera certainement du gros volume en Asie, Yamaha a choisi la montée en gamme. Une plus grosse cylindrée peut-être, mais néanmoins bien inférieure à la 1 200 cm3 Ténéré à laquelle il était difficile de s’identifier quand on aime la course en rallye-raid. Cette T7 profite indéniablement de l’image, mais plus important, elle pourra, si Yamaha joue le jeu en fonction des choix techniques et des équipements retenus, devenir un véritable trail baroudeur, plus taillé pour l’aventure que ne le sont les trop grosses cylindrées (1000 et plus).
Souhaitons que Yamaha joue le jeu jusqu’au bout
Même imparfait, le concept T7 nous a montré, lors de cet essai, qu’il porte en lui ces gènes. La T7, c’est l’aventure rendue plus accessible, aussi bien côté prix, performance, que gabarit (hauteur de selle exceptée, mais c’est un concept...), c’est un couteau suisse qui affiche une cohérence, au moins d’intention, naturelle. Pour transformer l’essai, on aime à penser que Yamaha conservera l’esprit, mais aussi la lettre. Et pour faire de ce modèle une référence dans le domaine de l’évasion, ne pas trop descendre en gamme. Si celle qui fera suite à ce concept – la version commercialisée – s’avère excitante par le matériel, elle le sera en performance. Pour faire référence, ses géniteurs devront jouer le jeu au niveau de l’équipement et garder cet état d’esprit. Qu’ils ne fassent pas d’économie sur les postes importants. Sinon, elle décevra ceux qui rêvent de véritable baroud, en se contentant de séduire les amateurs de Canada Dry... Pour enrichir son offre, Yamaha doit développer un catalogue d’accessoires dédié, avec des protections diverses, de l’éclairage additionnel, peut-être des cintres et des qualités de guidon, des leviers repliables, une ligne d’échappement, de la bagagerie pensée pour la rando et donc les chutes, une prise 12V, et pourquoi pas des suspensions plus racing ? En parlant de racing, la déco de cette future moto devra être à l’avenant, pas forcément agressive, mais en tout cas surfant sur l’identité et l’esprit replica. Avant de découvrir la version définitive, et commercialisée, de la T7 (que l’on imagine à MR arriver en début d’été 2018), une version 2 de ce concept – sûrement plus proche d’une pré-série – sera montrée à Milan cet automne. Encore quelques petits mois de patience, donc.