Aprilia Shiver 900, le retour en grâce ?
Elle avait le charme, il lui manquait l’émotion. Avec un coeur gros comme ça et de menues transformations, le remake de l’Aprilia Shiver possède ce supplément d’âme qui rend les machines attachantes, sans jamais être « attachiantes » !
Née, sinon dans l’aspiration mais dans l’inspiration de la Ducati Monster, la Shiver 750 n’a pourtant jamais trouvé sa place sur un créneau où ferraillaient, dès 2007, les 600 japonais et la Kawasaki Z 750 alors dominatrice. Il est vrai que le roadster de Noale ne partait pas gagnant… Aux problèmes de service après-vente inhérents à la reprise par le groupe Piaggio s’ajoutaient des défauts de jeunesse plombant son horizon. L’accélérateur Ride by Wire qui permettait d’offrir trois modes de conduite mais qui, pour être innovant, se révélait brutal : la réponse du moteur était creuse dans les moyens régimes et la fourche, non réglable, bien trop peu retenue. Revue en 2008, puis en 2010, la gestion électronique a légèrement assoupli la conduite, l’ergonomie s’est bonifiée et les suspensions ont retrouvé de la fermeté en même temps que l’habillage fut redessiné. Il en fallait malheureusement plus pour défaire une réputation. Et de promotions fracassantes en soldes ultimes, nous voici en 2017, année couperet pour les mécaniques incapables de passer la norme Euro 4, mais pas pour le twin Aprilia ne réclamant que de menus aménagements… Un peu avant l’été, les 750 ont pratiquement toutes disparu des vitrines des concessions dans lesquelles s’affichent désormais les grosses Tuono V4 1100 remplaçant les 1000. C’était l’occasion, pour le constructeur, d’augmenter la cylindrée de sa Shiver (comme de la Dorsoduro essayée dans notre dernier numéro et visible en page 54), de 749,9 à 896,1 cm3, pour la repositionner sur le marché des moyennes cylindrées, qui n’ont plus de « moyennes » que le nom. Voyons ce nouveau V2 ouvert à 90° héritant de l’architecture, de la distribution mixte chaîne-pignons, du refroidissement liquide et des technologies de la précédente. C’est en termes d’agrément, on s’en souvient, que l’ancien péchait. Plutôt que d’augmenter la puissance, qui reste à 95,2 ch, les ingénieurs ont choisi d’en accroître le couple, tout en travaillant sa répartition. Quelle meilleure solution pour ça, que de booster sa cylindrée ? Comme une évidence, le choix s’est porté sur l’allongement de la course des pistons (de 56,4 à 67,4 mm) sans intervention sur l’alésage : la disponibilité préférée à la prise de régime ultime. Le couple maxi bondit de 0,8 mkg : de 8,4 mkg (à 4 500 tr/min), il passe à presque 9,2 mkg (à 6 500 tr/min) avec une disponibilité de tous les instants. Le ratio de la démultiplication primaire est redéfini. La finale demeure inchangée. On se souvient que celle de la supermotarde Dorsoduro, vouée à une utilisation plus sportive, perdait une dent de pignon. Le circuit de lubrification est adapté aux nouvelles exigences. L’embrayage est lui aussi modifié, pour rendre le levier 15 % plus souple. Ça ne peut pas faire de mal ! Reliée à un boîtier 7SM Marelli, l’ultime évolution de la commande d’accélérateur électronique efface d’une rotation de poignée les critiques du passé. Mieux, l’ensemble s’inscrit dans une chasse au poids superflu en perdant 550 grammes. Comme sur les Tuono et RSV4, le contrôle de traction est désormais de mise. Agissant sur l’avance à l’allumage et l’ouverture des papillons des gaz, il a pour rôle de plus ou moins (3 niveaux et off) museler les glisses de la roue arrière. On peut toujours compter sur les modes de conduite Sport-TouringRain et l’ABS Continental, désormais obligatoire. La Shiver 900, commercialisée depuis quelques jours, est disponible en version A2 limitée à 35 kW, aisément débridable en fin de période probatoire.
Et la partie-cycle ?
Il faut le reconnaître, le roadster de Noale avait besoin de rigueur. Non que son cadre mixant un treillis tubulaire (peint rouge en 2017) avec des platines alu, ou son superbe bras renforcé (désormais noir) soit en cause. Non, vous le savez, c’est l’accord entre le mono-amortisseur Sachs, réglable en précontrainte et détente, placé très incliné sur le côté droit, et la fourche inversée non réglable restée trop souple une décennie durant, qui était à incriminer. L’erreur, presque inhumaine, est enfin réparée avec l’apparition des mêmes réglages qu’à l’arrière sur la fourche Kayaba dont le diamètre est réduit de 43 à 41 mm pour limiter le poids et les frottements ( dixit Aprilia). Le freinage est toujours confié à des étriers radiaux pinçant deux galettes de 320 mm devant. Changement allant de pair avec ceux de la Dorsoduro, leur forme en waves est abandonnée et les jantes de la Tuono, de 2 kg plus légères, sont appelées à la rescousse pour limiter la prise de poids par rapport au précédent modèle… qui s’élève tout de même à 8 kg. Le fond du nouvel écran couleur TFT de 4,3 pouces passe du blanc au noir en fonction de la luminosité ambiante. Si les informations de l’ordinateur de bord sont ultra-précises, il manque une jauge à essence. Couac, vous avez dit couac ? L’habillage bénéficie, lui aussi, d’une cure de jouvence. Réputé saillant, d’aucuns le trouvent adouci avec ses nouvelles écopes de réservoir (15 litres) intégrant des aérations factices. Les caches enveloppant les silencieux d’échappement sont redessinés. Ces derniers, toujours placés en position haute, viennent emboucher une ligne catalysée, labélisée Euro 4. Leur sortie, évoquant celle des fameux Supertrapp, est dirigée vers le bas et l’extérieur pour éviter les remontées de gaz brûlés vers le passager. L’intention est louable, même s’il y a fort à parier qu’ils continueront à réchauffer ses fesses en été. Assez parlé, en selle. Les courbes, les cols et les fraîches forêts nous attendent pour cet essai au coeur des Dolomites italiennes.