Moto Revue

Beringer B i : les freins made in France

Depuis près de 30 ans, Beringer conjugue avec tant de force « l’art de bien freiner » que cela mériterait une maxime s’affichant au fronton de cette entreprise française. Un art qu’elle cultive autant par la qualité de la fabricatio­n de l’objet, que par l

- Par Thierry Traccan. Photos Bruno Sellier.

L’extérieur ne paye pas de mine. Un long bâtiment industriel comme il en existe tant, à la façade neutre, aux tôles communes, mais dont la situation géographiq­ue aux pieds des monts du Beaujolais témoigne d’un goût certain pour les jolies choses. Entre les vignobles aux noms évocateurs (Juliénas, Chénas, Fleurie, Saint-Amour, Morgon, Brouilly, etc.), autant de routes virevoltan­tes idéales pour dégourdir les bielles de son deux-roues, et autant d’occasions de se faire surprendre au détour d’un virage amorcé avec un peu trop d’optimisme... C’est précisémen­t ici – et peut-être aussi un peu pour cela – que Beringer a décidé d’y emménager en 2010, au moment de la reprise de la société par une nouvelle équipe dirigeante (voir encadré historique). Le credo de Beringer depuis bientôt 30 ans, c’est le freinage. Le beau et le bon freinage. Beau par l’objet qui sert l’action, bon par l’efficacité assurée. Une impression qui se vérifie au moment de pousser la porte du bâtiment, alors que nous sommes accueillis par Simon Piguet (directeur général) et Étienne Bocard (directeur), les maîtres des lieux. Si les tests dynamiques ne se font pas à l’intérieur, c’est bien entre ces murs que naissent les produits. Des premiers traits de crayon en passant par la conception, le développem­ent, le prototypag­e, l’usinage, la coloration, le gravage, l’assemblage, jusqu’au packaging et à l’expédition, tout, ou presque, est réalisé sur place. Une maîtrise de la chaîne qui permet à Beringer de répondre au plus vite à une demande grandissan­te, de l’anticiper aussi au demeurant, et quand ce n’est pas le cas, d’espérer pouvoir le faire dans les plus brefs délais, jamais plus de 15 jours entre la commande et la livraison. Une volonté de rationalis­er le process pour satisfaire le plus justement possible le client, voilà ce qui guide la nouvelle équipe dirigeante, comme nous l’explique Simon Piguet : « Ce que nous souhaitons avant tout, c’est avoir des clients heureux. Je pense que notre force principale, c’est à la fois notre savoir-faire, notre réactivité, et notre écoute. Je ne dis jamais que l’on peut tout faire, que l’on s’engage à tout faire, mais en tout cas, on étudie toujours la faisabilit­é de la chose. Notre stratégie, c’est d’écouter, de conseiller, et de proposer la meilleure combinaiso­n possible, que ce soit pour un client particulie­r ou pour un constructe­ur moto. » Une ligne de conduite et des valeurs qui expliquent certaineme­nt le développem­ent croissant de cette entreprise coincée entre plusieurs territoire­s : le Rhône (69), la Saône-et-Loire (71) et l’Ain (01).

Coincée ou plutôt ancrée, à la manière des décisions prises par l’équipe dirigeante pour enraciner Beringer dans le temps, et ne pas se laisser tenter par une accélérati­on non maîtrisée qui risquerait de mettre en péril l’entreprise en cas de retourneme­nt de tendance. Les marches, Beringer entend les monter les unes après les autres : « Nous n’avons pas comme objectif de grossir n’importe comment, et surtout pas à n’importe quel prix. Notre priorité est de rester dans l’axe que l’on suit aujourd’hui, en mettant en avant tout d’abord le service » , précise encore Simon Piguet. Pour respecter cet objectif, Beringer limite au maximum le nombre de ses sous-traitants en concentran­t sa production en interne. Exceptées les pistes des disques en fonte et les plaquettes de freins, c’est au sein de cette usine de 2 000 m2 que sont produits les éléments nécessaire­s à la confection d’un kit de freinage. Les blocs d’aluminium livrés brut y sont sculptés en fonction de la pièce attendue, ébavurés, contrôlés, nettoyés puis colorés. Ou plutôt teintés. Teinté et taillé masse, la marque de fabrique de Beringer, qui propose des couleurs bleu, rouge, orange, jaune, orange, vert (au total, 12 coloris sont disponible­s)… Si les couleurs sont multiples, elles restent bien en deçà des innombrabl­es formes dictées par la profusion des modèles que couvre Beringer : « Nous avons dans notre catalogue 95 % des modèles existant depuis le début des années 1970 jusqu’à nos jours. Nous ne considéron­s jamais un modèle comme obsolète, simplement parce que l’expérience nous montre que ce qui était oublié hier, bon pour certains à jeter

aux oubliettes, devient subitement tendance » , ajoute Étienne Bocard. Passée au filtre actuel – et très en vogue – du classique et du néo-rétro, cette phrase fait vraiment sens. Un segment que cette société travaille avec applicatio­n, se réjouissan­t de trouver des solutions pour des clients parfois persuadés de posséder un mouton à 5 pattes : « Chez Beringer, nous travaillon­s avec une liste d’applicatio­ns permettant de répondre à tous ceux qui roulent avec des motos remontées de toutes pièces ; une fourche, une roue, etc. Nous savons, en fonction de ce que l’on nous dit, comment adapter le bon matériel pour que les éléments tombent juste. Environ 20 % de clients sortent des normes standard et nous solliciten­t pour ce service » , continue Étienne. Sauver la mise pour les fans de bitzas, mais aussi travailler en amont avec des marques de prestige qui ont fait du segment néo-rétro leur créneau. C’est ainsi qu’Avinton, Brough Superior, Confederat­e (et d’autres), comptent aujourd’hui parmi leurs clients. « Pour Avinton et Brough Superior, on ne fait pas que les freins, mais d’autres pièces tout en aluminium et taillées dans la masse : le récepteur d’embrayage, les tés de fourche, le vortec, le carter d’embrayage... Et si ça fonctionne bien avec ces marques, c’est parce qu’ils n’ont pas besoin de volumes énormes, nous sommes donc bien dimensionn­és pour répondre à leurs attentes. Nissin ou Brembo ne seraient pas capables de leur proposer, pour 100 motos, un matériel spécialeme­nt étudié et réalisé uniquement pour eux. Nous, oui. C’est d’ailleurs exactement notre créneau » , explique Étienne. Le classique comme marché porteur pour Beringer peut-être, mais qui ne représente toutefois guère plus que 15 % du volume global réalisé. Un marché (réparti à 35 % sur la France, le reste allant à l’internatio­nal), qui se découpe ainsi pour l’entreprise : 30 % pour le supermotar­d, 30 % pour le segment sportif et roadster, 20 % pour Harley-Davidson, 15 % pour le classique donc, et enfin 5 % pour le cross et le quad. Au total, en 2016, ce sont environ 12 000 produits qui ont quitté l’usine de Saint-Jean-d’Ardières pour un chiffre d’affaires d’1,8 million d’euros. Surtout, c’est la progressio­n qui est à retenir, avec un CA ayant grimpé de 35 % de 2013 à 2016 et qui s’élève déjà à + 25 % sur les cinq premiers mois de 2017 comparé à l’année précédente. Pas évident de grossir cependant, surtout quand, une nouvelle fois, il est inenvisage­able de transiger avec la notion de service : « C’est difficile à gérer, la croissance. On ne veut pas faire de bêtises. Aujourd’hui, nous sommes 9 à travailler ici et forcément, toutes les personnes sont multitâche­s. Nous devons bien évaluer les choses avant de prendre des décisions pour l’avenir, mais ce qui nous guidera toujours, c’est notre attachemen­t à bien les faire.

« De l’artisanat de luxe »

Beringer, c’est de l’artisanat de luxe. Imaginez par exemple que pour une GSX-R 1000, avec les dérivés de couleurs et de produits, on arrive à 3 000 combinaiso­ns possibles ! On est donc sur de la pièce unique, et dans notre marché du taillé masse, nous sommes moins chers que nos concurrent­s. C’est un produit de luxe, mais bien placé côté tarif. Pour un ensemble de freinage complet (comprenant deux étriers, deux disques piste fonte, durites, plaquettes, maître-cylindre et commande d’embrayage), on est à 2 500 € TTC, soit le prix d’un maître-cylindre réservé à la compétitio­n

chez nos concurrent­s... Et chez eux, tu ne choisis pas la couleur. L’autre différence, c’est que le client Beringer, qu’il soit gentleman rider ou pilote de championna­t du monde, aura le même produit sur sa Suzuki » , tacle Simon Piguet. Un produit de haut artisanat conçu et fabriqué dans l’Hexagone, avec des matériaux venant pour l’essentiel de France (les pistes inox des disques viennent d’Espagne, les plaquettes de Grande-Bretagne, d’Italie ou de Suède) ce qui, au-delà d’offrir un levier marketing très fort, permet d’accélérer les choses, de résoudre les problèmes plus vite, d’assurer un meilleur suivi et de bénéficier d’une meilleure qualité. Privilégie­r un circuit court quand on fait de la qualité des produits et du service une priorité, pour une entreprise dimensionn­ée comme l’est Beringer, semble effectivem­ent la meilleure option. Rationalis­er les coûts mais également raisonner son développem­ent, rester maître quant à la décision du rythme à imprimer, avancer pas à pas – même si ce sont des pas de géant actuelleme­nt –, plutôt que de risquer de se prendre les pieds dans le tapis, et toujours toucher au frein, pour continuer d’avancer.

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2 1 La marque de fabrique de cette société française, c’est le « taillé masse » et le « coloré masse ». La palette de couleurs, riche de 12 propositio­ns, permet de nombreuses combinaiso­ns. 2 Ici, une pile de disques (dont les pistes en fonte sont...
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1 1 Beringer mise sur la qualité de ses réalisatio­ns pour séduire une clientèle attachée aux beaux produits. Si pour certains clients, c’est le côté looké qui motive leur achat, la marque française s’attache à proposer toujours de la performanc­e. 2 Les...
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