Moto Revue

Thierry Espié

- Propos recueillis par Christian Batteux. Photos archives MR et CB.

Sa dernière année de pilote profession­nel, en 1986, Thierry Espié la boucle en endurance, au sein d’une équipe montée par Éric de Seynes (numéro 2 de Yamaha aujourd’hui, ndlr), sur des Suzuki GSX-R 750 officielle­s de l’année précédente. Associé à Christian Le Liard, il se classe notamment 6e aux 8 Heures de Suzuka. Et au début de l’automne, il se retrouve dans l’expectativ­e. « Je ne savais pas où m’orienter, parce qu’après tout, je ne savais faire que de la moto... Et je ne sais plus qui m’a contacté, mais les gars de Moto Revue m’ont appelé pour me proposer de participer à un essai de supersport­s, en tant que rouleur, puis ils m’ont demandé d’écrire un ou deux feuillets, et c’est parti comme ça ; je suis resté pigiste pendant deux ans, aux essais, ce qui me permettait de m’occuper l’esprit, de découvrir d’autres gens et une autre facette du milieu. Et puis, en 1989, j’ai été chargé de m’occuper des reportages de Grands Prix. On n’imagine pas mais c’est très intense, et de mon point de vue, travailler dans la presse, c’est surtout aller à la pêche aux infos. Alors il a fallu que je force un peu ma nature : moi qui suis plutôt réservé, j’étais obligé de pousser des portes et même si, à l’époque, c’était moins compliqué qu’aujourd’hui, il fallait déjà prendre des rendez-vous à l’avance avec les pilotes ou les responsabl­es des grandes écuries, et puis écrire beaucoup et vite pour rendre les reportages à l’heure pour le bouclage. Ça a été difficile, mais ça reste un excellent souvenir, une année durant laquelle j’ai appris plein de choses. » Cependant, Thierry ne va pas s’éterniser dans le rôle de reporter plus longtemps. Contacté par Dunlop pour entrer au service course du manufactur­ier, il dit banco, car c’est un poste qui lui correspond beaucoup mieux. « J’y suis entré il y a donc 27 ans, et j’ai l’impression que c’était hier. C’est Franck Beilin – que je connaissai­s bien vu que j’avais le plus souvent roulé Dunlop au cours de ma carrière –, que j’ai croisé à la remise des trophées de la Coupe Kawa, où j’étais pour Moto Revue, qui m’a dit : “Tiens, Thierry, j’ai un boulot pour toi !” Deux jours après, nous étions dans son bureau pour signer mon contrat. J’ai dirigé le départemen­t course pour la vitesse, l’endurance et les Promosport pendant 4 ou 5 ans. Et puis un jour, à force d’entendre des jeunes se plaindre de tout et de rien, j’ai eu le sentiment que j’étais en train de m’écoeurer d’un milieu dans lequel je baignais depuis toujours ; j’ai alors saisi une belle opportunit­é, lorsqu’un boss japonais de chez Dunlop m’a proposé un poste équivalent dans le karting... Je m’occupais de la logistique sur les championna­ts d’Europe et du monde. Le karting “nourrit” les catégories supérieure­s des courses automobile­s, et j’ai vu passer en cinq ans la plupart des pilotes de F1, des garçons comme Räikkönen, Hamilton, Rosberg... À l’époque où j’y travaillai­s, les karts étaient motorisés par des deux-temps, et si cette discipline est très chère au plus haut niveau, c’est le meilleur marchepied pour la F1. Ça roule énormément, entre les essais libres ou chronométr­és, les manches, du coup, les gamins progressen­t vite. Cependant, après 5 ans passés dans le karting, j’avais un peu l’impression d’en avoir fait le tour, et les changement­s induits par le règlement mono-marque comprenaie­nt du coup une baisse d’activité dans le développem­ent pur,

Issu comme beaucoup de ses contempora­ins de la Coupe Kawasaki Moto Revue, Thierry Espié s’est retrouvé en Grands Prix de 1977 à 1985. Il y a brillé en 125 et en 250, en montant sur de nombreux podiums, et s’est ensuite reconverti chez Dunlop après un bref passage par... MotoRevue !

alors que c’était quelque chose qui me passionnai­t. Dunlop a recentré l’activité karting sur l’Allemagne, et mon big boss m’a proposé de gérer la Seat Cup. C’était là encore quelque chose de nouveau pour moi, ça a duré deux ans, puis, la troisième année, s’est ajoutée à cela la Coupe Clio, les deux pendant la même saison, ça m’a bien occupé (sourire), car en même temps, je suis revenu à la moto et plus particuliè­rement à l’endurance. »

L’heure de la retraite a sonné

« En endurance, qui est un championna­t ouvert à tous les manufactur­iers, nous travaillon­s aujourd’hui avec la Suzuki du SERT, la Honda n° 111 et la Yamaha du GMT 94, sans parler des nombreux teams privés que nous équipons. En gros, on a la moitié du plateau. Je m’occupe du GMT en priorité, je me sens vraiment bien avec cette équipe mais en endurance, c’est un peu comme ça chez tout le monde. C’est une discipline où il y a encore une âme, je dirais. Les pilotes se serrent les coudes, la solidarité est essentiell­e, et cette attitude génère une ambiance très agréable. Et puis je peux te dire que ça va vite, hein, très, très vite ! Je participe aussi aux tests de développem­ent. Beaucoup d’essais sont faits sur notre piste de Mireval, mais on va bien sûr ailleurs pour valider les pneus sur d’autres tracés. Les premiers tests débutent en général dans la première semaine de février. On pourrait penser que c’est un peu tôt mais aux 24 Heures du Mans, on est bien souvent plus proche de températur­es tournant autour de 5 °C que de 15 °C. Mon rôle est donc de suivre les pneus tout au long de leur existence. C’est probableme­nt ça que je préfère, parce que c’est là qu’on construit la saison, qu’on participe à l’effort des équipes. À côté de cela, le Superbike est aussi intéressan­t, le niveau y est très bon. On parle du CEV (en Espagne), de l’IDM (en Allemagne) ou même du CIV (en Italie), mais la France présente un très bon championna­t. J’aimerais voir des pilotes étrangers y venir, comme des Français l’ont fait en Allemagne ou en Italie ; des Gimbert, des Nigon, qui ont gagné des championna­ts à l’étranger... Personnell­ement, je vis en 2017 ma dernière saison, car l’heure de la retraite sonnera pour moi le 31 décembre de cette année (sourire)... Bon, s’ils me le demandent, je pourrai revenir ponctuelle­ment sur quelques courses, ça me plairait bien de garder le contact avec ce milieu. Enfin, si je peux le faire physiqueme­nt et même intellectu­ellement et si je ne suis pas atteint par Alzheimer (rire) ! »

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