Essai dynamique LE BONHEUR EST DANS L’AIR
Commençons par ce qui fâche : la météo. Alors qu’une vague de froid venue de Scandinavie s’abat de nouveau sur l’Hexagone, Ducati nous invite à Lisbonne, capitale du Portugal, pour découvrir guidon en main sa nouvelle Scrambler 1100. Chouette, du soleil. Hélas, le matin de l’essai, il pleut. Une pluie qui nous accompagnera jusqu’à midi, alors que nous montons dans les hauteurs surplombant ce magnifique estuaire aux allures de lagon exotique. Heureusement, la pluie est parfois une alliée pour cerner le comportement d’une moto, une moto à l’aise sur le mouillé s’avérant souvent une moto réussie sur le sec. Hélas, l’histoire commence mal : au début du roulage, la Scrambler 1100 est raide comme un bout de bois, elle saute sur les bosses, l’hydraulique des suspensions répondant aux abonnés absents. Étrange pour une moto dont le nom évoque une certaine aptitude à la pratique du tout-terrain. Et qui dit tout-terrain, dit suspensions plutôt souples et à grands débattements. Avec 150 mm de débattement à l’avant et à l’arrière, on est loin du compte, mais tout de même. À la première occasion, alors que les copains les plus prévoyants enfilent leur équipement de pluie, je me saisis de la clé de contact dont la pointe plate peut servir de tournevis afin d’ajuster ces suspensions étonnamment raides. Heureusement, les réglages d’hydraulique sont hyper accessibles, en haut des tubes de fourche : 1 tour de moins sur la compression (tube de gauche) et la détente (à droite), et 2 tours de moins (6 clicks) sur la détente de l’amortisseur arrière, positionnée sur le côté gauche de la moto et donc parfaitement accessible. On repart et, ô joie, la Scrambler avale les bosses sans broncher. Les hydrauliques de suspensions travaillent enfin et le feeling sur le mouillé revient. Les Pirelli MT60 RS offrent un retour d’information satisfaisant, malgré leur sculpture à crampons, et les virolos s’enchaînent sourire aux lèvres. Pas besoin de passer en mode City pour limiter la puissance à 75 ch, les 86 ch et les 9 mkg de couple sont parfaitement maîtrisables. Bien épaulée par un embrayage hydraulique extrêmement doux et une sélection de vitesse tout aussi facile, la Scrambler 1100 fait preuve de bonnes manières et s’adaptera sans problème aux jeunes permis, puisqu’elle est éligible au permis A2. Si la pédale de frein arrière offre un bon feeling, la sensation au levier de frein avant s’avère trop molle, avec une attaque trop tardive. Étonnant puisque les disques de 320 mm sont pincés par deux superbes étriers 4 pistons Brembo monoblocs à fixation radiale. Quelques clics sur la molette d’écartement du levier, et le problème est résolu : plus le levier est loin, plus l’attaque est franche, voire brutale. Plus il se rapproche, plus l’attaque se ramollit. Comme souvent, le juste milieu s’avère le bon compromis. Une fois rapidement adaptée à son style de conduite ou à son gabarit, la Scrambler 1100 dévoile pleinement ses charmes.
Brôoap, brôaap…
Confortablement installé sur la selle large (plus 43 mm comparé à la 800) et épaisse, avec ce grand guidon en main et des jambes repliées
Pas de prise de tête mais un coeur gros comme ça, tel est le credo de ce nouveau Scrambler 1100 refroidi par air. Découverte entre pluie et soleil au Portugal, l’italienne invite à une pratique décontractée et enthousiasmante de la moto.
mais sans excès, je savoure le retour enchanteur du soleil et la route sinueuse qui se déroule sous mes roues. Trois, quatre, la 1100 bondit dans un grognement typique des twins de Bologne. Disponible sur toute sa plage de régime, qui s’étend jusqu’à 8 000 tr/min environ – mais nul besoin d’aller si haut –, ce gros twin enchante par son comportement bonhomme. Tel un bûcheron à la force physique innée, il ne fait pas étalage de sa puissance mais profite de ses 9 mkg à 4 750 tr/min pour tracter en force. Les virages s’enchaînent entre 3 et 4 500 tr/min, rythmés par de bonnes grosses vibrations. Les rapports se passent accompagnés d’un grondement profond. Afin de répondre aux normes Euro 4, et pour optimiser la combustion et le rendement, ce twin se dote d’une deuxième bougie par cylindre. De plus, et à l’instar du 800, un système parallèle d’injection d’air dans les culasses vient parfaire le mélange injecté par l’injection simple corps, améliorant ainsi la régularité de fonctionnement du moteur. Le résultat est probant. Souple, il accepte de flirter avec les 2 000 tr/min à 50 km/h en sixième. Rond et bien rempli, il reprend sans souci en vous gratifiant de bonnes trépidations mécaniques qui participent grandement du plaisir de conduite. En 4e à 90 km/h, le twin ronronne à 4 000 tr/min, prêt bondir à la moindre sollicitation, surtout en mode Active, où la réponse des gaz est un peu plus directe. Il est même capable de sprinter à près de 190 km/h, et sûrement un peu au-delà... Alors que la société s’aseptise de plus en plus, quel bonheur de pouvoir encore se délecter du supplément d’âme qu’offre ce twin à air à deux soupapes par cylindre. Avec sa plage d’utilisation naturelle plutôt courte et son caractère gros comme ça, ce Scrambler rappelle avec plaisir les Buell, voire la Yamaha MT-01 : un compliment.
Roadster plus que Scrambler
La partie-cycle se montre largement à la hauteur de cette mécanique, facile à inscrire
en virage et stable sur l’angle, le package est réussi. Bien entendu, malgré son patronyme, cette 1100 n’a rien d’un vrai scrambler pensé pour le tout-terrain. Au mieux, ses pneus façon TT vous donneront un soupçon d’adhérence en plus sur des chemins roulants, et basta. Ce qu’elle a d’off-road, c’est sa façon de se salir et de vous crotter le dos à la moindre flaque d’eau. Les maniaques du chiffon auront de quoi astiquer. Pour les autres, on a profité d’avoir sous la main Jérémy Faraud, son designer, pour lui glisser l’idée de développer des accessoires adaptés à ceux qui veulent utiliser leur moto tous les jours sans crainte. Car oui, cette 1100 donne envie de rouler. Plus proche d’un roadster basique (ce n’est pas péjoratif) que d’un scrambler, elle sera autant à son aise en balade qu’au quotidien. Surtout, elle représente l’une des rares occasions qu’il nous reste encore de profiter de ce moteur ô combien enchanteur. Ceux qui découvriront les twins made in Bologne à son guidon, s’ils accrochent, ne sont pas près d’en démordre…