PETIT BAVARDAGE DE PRINTEMPS
Avec sa puissance limitée mais son caractère affirmé, il n’y a qu’à se mettre à l’écoute d’une Moto Guzzi V7 III pour s’entendre conter de bien belles histoires. Et si c’était elle la Dolce Vita ?
Formée sur les bancs d’une école bientôt centenaire (la marque est née en 1921), la petite coqueluche de Mandello del Lario porte fièrement l’étendard frappé de l’aigle. Complètement légitime dans la production néo-rétro, peut-être même LA plus légitime du segment, la petite V7 n’a de cesse de colporter l’authenticité et de conter la fantastique histoire de ses aïeules. Ecoutez-la narrer cette authenticité avec le timbre de son V-twin culbuté, ressentez cette passion et cette sincérité au rythme des trépidations de ce bloc positionné face à la route. Tout est là, sous nos fesses. Pour s’y connecter, il suffit d’actionner le démarreur et de laisser le charme agir. Bavarde, la petite V7 déroule l’histoire kilomètre après kilomètre sans jamais nous lasser. On se délecte de ce délicieux petit couple de renversement, du « poum-poum » mécanique renvoyé dès les plus basses révolutions moteur, du sympathique effet de cardan à la remise des gaz et de cette incroyable souplesse moteur. Lors d’une traversée d’agglomération en sixième, le V-twin ne perd pas le fil de la conversation et accepte de chuchoter sous les 60 km/h sans hoqueter. Partis de l’antre historique de Mandello del Lario, nous voilà maintenant dans les hauteurs érigées entre les deux bras sud du lac de Côme. La route est étroite et sinueuse à souhait. Parmi nos motos d’essai, certaines n’ont parcouru qu’à peine quelques centaines de kilomètres depuis leur descente de chaîne de fabrication, d’autres ont dépassé le millier. Du coup, ces dernières manifestent une onctuosité décuplée, notamment au niveau de la sélection. Reprises correctes, du moins suffisantes pour déposer le touriste, montées en régime sympathiques, commandes douces : l’italienne papote à voix douce, tandis qu’à gauche, la béquille vient régulièrement racler le bitume. Côté droit, c’est au repose-pied d’en faire autant. Pour limiter le phénomène, on joue de « l’effet cardan », qui soulève légèrement la moto à la remise des gaz. Bien sûr, la garde au sol est un peu juste mais pas de quoi couper la chique à cette V7, qui demeure toujours aussi facile et prévenante. Assis bien droit, les pieds presque en avant, on profite de l’histoire et du cadre pour savourer le moment présent sans jamais être tenté de hausser le rythme. Montée sur une paire de Pirelli MT-60 typés scrambler, la V7 Rough avoue une vivacité légèrement supérieure à ses frangines équipées, elles, de Pirelli Sport Demon. Une vivacité qui se dissipe ensuite dans un léger flottement à l’inscription, les tétines des MT-60 en question ayant logiquement tendance à se tortiller sous la contrainte.
La vie est douce à bord des nouvelles V7 III
Les Sport Demon laissent quant à eux transparaître davantage de neutralité dans cette phase, sans toutefois faire montre d’un niveau de grip supérieur. Ici, dans ce coin de paradis latin, le revêtement n’est pas toujours parfait. Alors, quelquefois, on se fait secouer par la paire de combinés KYB, dont la course ne dépasse pas 93 mm. La selle n’étant pas façonnée dans un bloc de marshmallow, on en vient à se faire gentiment tasser le chapelet de vertèbres mais globalement, ça reste convenable. Dans la descente vers Nesso, sur la SP44 qui tournicote généreusement, l’ensemble Brembo fait du zèle. Les quatre pistons de l’unique étrier avant se jouent du poids de l’équipage. L’ABS sait se faire discret, même à bord de la Rough qui évolue sur tétines, réservant son entrée en action pour une occasion d’urgence. L’arrière est bien dosable et parfait pour faire tourner la moto dans les épingles étriquées ou pour resserrer une trajectoire un peu large. Sur la route du retour vers Mandello del Lario, le staff Moto Guzzi nous gratifie d’un passage par la belle
ville de Bellagio. L’occasion pour la V7 de nous conter la jolie – mais courte – histoire de la frangine 940 Bellagio du début des années 2010. On virevolte le long des berges, on admire les quelques triporteurs Piaggio qui évoluent dans le coin, on salue les motards locaux, dont un aux commandes de sa superbe 850 Le Mans III… En cette fin d’après-midi de printemps, là, sur leurs terres natales, la vie est douce à bord des nouvelles V7 III. Si, si, la Dolce Vita, c’est bien elles.