Loris Capirossi « JE SUIS PAS MAL OCCUPÉ MAIS TOUJOURS AUSSI CONTENT DE MON JOB »
Représentant de Dorna Sports au sein de la direction de course et intermédiaire des pilotes pour les questions de sécurité, Loris Capirossi se trouve au coeur du dispositif mis en place par le promoteur du championnat MotoGP. L’ancien champion du monde as
Loris, peux-tu nous résumer en quelques mots les principaux changements apportés cette saison au règlement MotoGP ?
En ce qui me concerne, il n’y en a pas beaucoup. On a demandé à Michelin de nous fournir la liste des pneus prévus pour chaque Grand Prix afin de pouvoir les communiquer dès le début de saison aux équipes. Hormis quelques mélanges de gommes testés cet hiver, les pneus seront les mêmes que l’an dernier. On a également décidé de réduire de quelques tours certaines courses organisées sur des circuits courts, afin d’avoir des durées similaires d’un Grand Prix à l’autre. Sur le plan de la sécurité, l’airbag et la protection abdominale sont désormais obligatoires pour tous les pilotes. Dernière chose, nous avons décidé qu’il n’y aurait plus de nouveau départ si une course est arrêtée au-delà des trois quarts de sa distance. On travaille aujourd’hui sur des petites choses car tout le monde est d’accord pour dire que nous avons du spectacle et un championnat équilibré entre les différents constructeurs et équipes.
C’est ta septième saison en tant qu’officiel Dorna, comment ton travail a-t-il évolué au cours de toutes ces années ?
J’ai plus de responsabilités, notamment l’an dernier en devenant l’un des responsables de la direction de course. Je m’y rends beaucoup plus qu’avant, notamment durant les essais. Après, concrètement, mon travail n’a pas beaucoup changé. Je continue à faire le lien entre les pilotes et Michelin, comme je le faisais avant avec Bridgestone. Je gère la mise en place des commissaires et je suis présent aux réunions de la Commission de Sécurité. J’aide aussi Franco (Uncini) pour l’homologation des circuits. Je suis pas mal occupé mais toujours aussi content de mon job.
En parlant d’homologation de circuit, quoi de neuf pour l’avenir ?
Le Grand Prix de Finlande est toujours dans les tuyaux. Si les travaux sont terminés dans les temps, on aura vingt courses l’an prochain. On travaille aussi en Asie pour développer de nouveaux circuits, mais quoi qu’il en soit, on ne veut pas aller au-delà de vingt Grands Prix. Si d’autres rendezvous se présentent, il faudra, je pense, créer des alternances en Espagne où on a quatre épreuves. L’objectif reste d’internationaliser le championnat MotoGP.
Cet hiver, Carmelo Ezpeleta a parlé d’une possibilité d’un nouveau circuit en ville. Ça ne serait pas en Amérique du Sud ?
Oui, il y a un projet d’un nouveau circuit à Mexico. Mais ça n’est pas pour tout de suite...
Tu es plus particulièrement en charge de la sécurité. Que peut-on encore améliorer dans ce domaine ?
On peut toujours améliorer la sécurité. En dix ans, les protections sur les équipements des pilotes ont fait d’énormes progrès, notamment avec l’airbag. L’environnement des circuits évolue lui aussi. Il n’y a pas très longtemps, tout le monde voulait du gazon artificiel parce que la terre, c’était dangereux. Aujourd’hui, on a retiré de tous les circuits ce gazon artificiel pour le remplacer par des dégagements asphaltés ou des bacs à gravier. La réflexion autour de la sécurité est permanente.
Pourquoi a-t-il été demandé à Michelin de lever le pied sur le développement des pneus ?
Parce que les équipes voulaient de la stabilité. L’an dernier, il y a eu une nouvelle architecture à l’avant qui a fait réagir et on ne voulait plus qu’une nouvelle construction puisse être introduite en cours de saison. Il n’y aura donc qu’un nouveau mélange de gommes.
Tous les pilotes ne semblent pas d’accord sur ce sujet, certains pensent que les pneus peuvent encore être améliorés...
Quand tu as vingt-quatre pilotes, il est impossible de tous les mettre d’accord. À l’époque de Bridgestone, mon boulot était le même, et il y en avait toujours pour se plaindre. On sait à présent que les Michelin sont performants, les chronos en attestent. Quant au problème de chutes rencontré en 2016, il est désormais réglé. On veut éviter les polémiques. On sait très bien que si une nouveauté est introduite, elle conviendra à certains et pas à d’autres. En figeant le développement, tout le monde sait sur quel pied danser. Quoi qu’il en soit, des tests de pneus sont prévus à Jerez. S’ils sont satisfaisants, des évolutions pourront être introduites en 2019.
Même les nouveaux mélanges essayés en février n’ont pas fait l’unanimité...
Ils ne seront utilisés qu’en Argentine et au Texas, sur deux circuits où l’abrasion est importante. Pour les autres tracés, où le revêtement a été refait, comme Barcelone et Silverstone, Michelin propose quatre options différentes pour l’avant comme pour l’arrière. Quand tu introduis une nouveauté, il faut prendre l’avis des vingt-quatre pilotes et faire une moyenne. Il n’y a pas d’autre solution.
En tout cas, on risque d’avoir, cette saison encore, un championnat animé avec des résultats en dents de scie pour pas mal de pilotes. Qu’en penses-tu ?
Oui, ça peut effectivement se passer comme ça. On sait qu’il y a des circuits où les Michelin fonctionnent mieux pour certaines motos que d’autres. Ça varie mais au final, ça crée de l’incertitude et du spectacle. Depuis deux ans, on a pas mal de vainqueurs différents. Personne ne peut s’en plaindre.
Crois-tu qu’un des nouveaux rookies puisse faire aussi bien que Zarco l’an dernier ?
Honnêtement, non. Même si Morbidelli est champion du monde Moto2, même si Lüthi est un pilote qui a beaucoup d’expérience, que Siméon ne va pas si mal et que Nakagami a fait bonne figure durant les tests hivernaux, je n’en vois pas un se hisser au niveau de ce qu’a fait Zarco. Sa première saison en MotoGP a tout simplement été exceptionnelle.
Tu n’es pas surpris qu’il ne soit pas plus courtisé que ça par les usines ?
Bien sûr que si, c’est incompréhensible pour moi. Si j’étais team manager, je lui aurais déjà fait une très belle offre.
Vois-tu un pilote capable de battre Marquez pour le titre ?
C’est certain, Marquez est favori. C’est le pilote à battre. Il est champion du monde et c’est lui le plus rapide. Cet hiver encore, il m’a vraiment impressionné par son rythme. Mais bon, tout reste à faire. Attention aux Ducati et à Dovi, qui risque d’être encore plus fort que l’an dernier. Et puis, derrière, ça reste ouvert. Même si les Yamaha ont encore eu des petits soucis de mise au point, je vois bien quatre ou cinq pilotes capables de jouer le titre.
Rossi qui rempile jusqu’en 2020, ça t’inspire quoi ?
C’est juste incroyable. J’ai du mal à comprendre comment il peut en être encore là, à 39 ans. Encore deux ans ! C’est dingue. Mais bon, il a toujours la même passion, il est en forme et l’adrénaline de la course lui colle à la peau. Le plus impressionnant, c’est qu’il a toujours le potentiel pour aller gagner. D’ailleurs, s’il venait à ne plus être dans le coup, je pense qu’il arrêterait. Contrat ou pas.
Tu as été le premier à essayer la MotoE et à valider le choix d’Energica. Que peut-on attendre de cette nouvelle série qui débutera l’an prochain ?
Je pense qu’on va avoir des courses sympas, justement parce qu’il s’agira d’une formule unique. Je ne sais pas ce que sera le futur de cette compétition. Pour l’instant, la priorité reste au MotoGP, au Moto2 et au Moto3. Le contrat avec Energica est de trois ans. On verra les progrès de la moto et l’intérêt du public. Cette année, la MotoE fera des apparitions sur huit Grands Prix sous la forme d’un tour de démonstration. Les courses devraient se dérouler sur huit ou dix tours. La première version que j’ai essayée – et qui était très fun à utiliser – pouvait faire une trentaine de kilomètres à fond avec une batterie de 11 kW. La prochaine version devrait développer le double de puissance pour un poids et une taille similaires à la batterie actuelle.