Industrie
Le constructeur chinois CFMoto a signé un accord de joint-venture avec KTM, de quoi bousculer un peu plus l’ordre établi
Avec des ventes et des profits en constante augmentation, KTM est sur le point d’accroître massivement sa production. Le constructeur autrichien vise cette fois la Chine, en association avec CFMoto. Un projet rendu public en décembre dernier lors du congrès annuel de son partenaire chinois avec la présentation du concept bike avant-gardiste CFMoto V.02-NK (voir p. précédente), conçu en Italie et propulsé par la version 990 cm3 du bicylindre en V KTM LC8. Ce dernier sera exclusivement fabriqué en Chine à partir de 2020 pour motoriser une nouvelle gamme de modèles signés CFMoto. En outre, le président de KTM, Stefan Pierer, et le PDG de CFMoto, Lai Guogui, ont signé un accord pour transférer en Chine, dès 2020, la production de tous les futurs modèles de moyenne cylindrée équipés du nouveau bicylindre en ligne LC8c de 799 cm3 – récemment introduit sur la 790 Duke –, conformément à un nouveau plan quinquennal qui vise une production annuelle de 400 000 KTM et Husqvarna d’ici 2022. Cependant, les sources au sein de KTM insistent sur le fait que ni Pierer, ni son associé indien Rajiv Bajaj, pas plus que les sociétés KTM ou Bajaj Auto, n’ont acheté des parts du chinois CFMoto. Les deux entreprises demeurent séparées et indépendantes. Le groupe KTM clôture une septième année record consécutive et reste le premier constructeur européen, avec 238 334 motos KTM et Husqvarna vendues l’an dernier – soit 17 % de plus qu’en 2016, dont 56 % d’entre elles ont été écoulées en dehors de l’Europe. Cela s’est traduit par des revenus annuels de 1,533 milliard d’euros (en hausse de 14 %) pour un résultat, avant intérêts et impôts, de 132,5 millions d’euros. Environ 150 000 de ces unités sont sorties de l’usine KTM de Mattighofen en Autriche et quelque 90 000 exemplaires des modèles monocylindres 125/200/390 cm3 ont été fabriqués par son partenaire indien (et actionnaire à 48 %) Bajaj Auto dans son usine géante de Chakan, près de Pune. Bajaj a vendu 47 000 de ces modèles KTM en Inde et au Népal, en a exporté d’autres vers l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Océanie, et a livré le reste sous forme de kits vers les six usines d’assemblage offshore de KTM en Malaisie, aux Philippines, au Brésil, en Argentine, en Colombie et... en Chine. Car le partenariat entre KTM et CFMoto remonte en fait à avril 2014, date à laquelle l’usine de Hangzhou (à 200 km au sud-ouest de Shanghai) a commencé à produire des 200 et 390 Duke commercialisées sur le marché local sous la marque KTM R2R (le nom KTM ayant été déposé par un spéculateur qui exige plusieurs millions de dollars pour le restituer !). Mais cette collaboration s’apprête à prendre une autre dimension suite à la création, le 11 octobre dernier, d’une société commune dénommée CFMoto-KTM R2R, détenue à 51 % par CFMoto et 49 % par KTM. Officiellement présentée comme « un moyen de consolider la présence de KTM sur le marché chinois mais aussi de développer et fabriquer collectivement des produits pour soutenir son expansion mondiale » , cette collaboration s’inscrit surtout dans une stratégie plus vaste qui vise à faire de Hangzhou le troisième site de fabrication global de KTM (en opposition aux sites d’assemblage de kits) à l’horizon 2020/ 2021, aux côtés de Mattighofen et Pune.
CFMoto a racheté la plateforme moteur LC8
Pour ses propres modèles, CFMoto a racheté à KTM la plateforme moteur LC8 de première génération, apparue en 2003 et alors équipée de carbus et cubant 942 cm3, puis 990 cm3 à partir de 2006 et désormais affublée d’une injection électronique pour développer 98 ch. Ce moteur, avec lequel Fabrizio Meoni a remporté le Dakar en 2002, a servi de base au premier véritable modèle routier de KTM lancé en 2003 avant qu’il ne soit remplacé par sa nouvelle version 1190 en 2013, montant en puissance au cours de ses dix années d’existence pour cracher 116 chevaux en bout de course. Désormais, CFMoto a l’usage exclusif de ce moteur pour propulser une gamme de nouveaux modèles à son nom destinés seulement – du moins au début – au marché chinois.
Son président Lai Guogui tient à souligner (voir interview p. 28) que le constructeur chinois développera pour ce faire sa propre version modifiée du moteur 990 KTM. Ses ingénieurs travaillent actuellement avec leurs homologues de chez KTM pour adapter ce moteur avant sa mise en production en Chine. On parle d’une cylindrée d’environ 1 080 cm3 pour une puissance et un couple supérieurs au bloc d’origine.
L’objectif ? Produire 50 000 motos par an
En préambule à l’arrivée de cette nouvelle gamme, des travaux ont été lancés début mars pour faire sortir de terre un tout nouveau site de production juste en face de l’actuelle usine CFMoto, avec une future capacité de 50 000 motos par an. C’est là que seront fabriqués les V-twins CFMoto 990/1080 et, à partir de 2020, les derniers modèles KTM propulsés par le bicylindre en ligne de 799 cm3 RC8c (c pour compact) comme les nouvelles 790 Duke ou 790 Adventure. D’autres modèles 790 suivront, qui seront tous fabriqués à Hangzhou à compter de 2020. « Nous avons été très impressionnés par la qualité de fabrication, le souci du détail et l’expertise technique de CFMoto, déclare Florian Burguet, directeur exécutif de KTM Sportmotorcycle AG. Par conséquent, nous avons décidé que l’intégralité de la production des modèles KTM de moyenne cylindrée destinés au marché global se fera à Hangzhou à partir de 2020/2021, avec un objectif de 50 000 unités par an. » Cela permettra à la société commune KTM/CFMoto d’exporter à moindre coût ces KTM de moyenne cylindrée vers les marchés développés comme l’Europe, les États-Unis et l’Océanie, ainsi que vers les pays de la zone ASEAN avec lesquels la Chine a signé un accord de libre-échange. Ces machines seront aussi envoyées sous forme de kits vers les usines d’assemblage d’Amérique du Sud et à Bajaj, en Inde, pour être montées sur place et échapper de fait aux taxes locales d’importation. L’usine historique KTM de Mattighofen pourra ainsi bénéficier d’une capacité supplémentaire de production plus que bienvenue si l’on considère qu’elle tourne actuellement à 75 % de ses capacités maxi. Le « Grand Bond en avant » de CFMoto pour devenir le premier constructeur chinois à produire des motos multicylindres de grosse cylindrée – ils étaient déjà les premiers à sortir un modèle avec plus d’un cylindre (voir encadré p. 31) – a été annoncé le 12 décembre dernier à leur usine de Hangzhou, avec la présentation de la V.02-NK à moteur KTM devant plus de 500 concessionnaires et médias chinois (voir la photo d’ouverture page 24). Monsieur Lai a d’abord refusé d’en dire plus sur la genèse de leur concept bike mais un travail de détective mené en Italie a révélé le designer qui en est