Tourisme au Cambodge
Une balade à moto dans un pays qui a souffert des soubresauts de l’Histoire mais qui s’ouvre de plus en plus au tourisme
Enchanteur... Difficile à croire quand on connaît l’histoire récente du Cambodge, celle des quarante dernières années, celle qui s’est écrite au rythme de la guerre du Vietnam, de la tragédie « Khmer rouge » des années 70, puis de l’occupation du pays durant 10 ans par les Vietnamiens... Aujourd’hui, la paix est revenue, laissant flotter dans l’air cambodgien un parfum de douceur retrouvé.
Le Cambodge, c’est déjà le choc des civilisations. D’abord les majestueux temples d’Angkor (souvent comparés à Petra en Jordanie ou Gizeh en Égypte) vieux de plus de mille ans, qui attirent chaque année son million de touristes venus du monde entier. Ensuite la capitale, Phnom Penh, en plein chamboulement, dont l’architecture nouvelle se structure au rythme des buildings sortant de terre. Plus au sud, on trempe ses pieds dans la station balnéaire de Sihanoukville, la tumultueuse, envahie par les commerçants et les investisseurs chinois. Nous, on lui préfère Kep, bourgade plus tranquille et authentique, qui fut, dans un autre temps (celui des colonies), la ville préférée de l’élite française, qui s’y installa pour en faire un petit Saint-Tropez... Retour sur Phnom Penh et sa circulation à haute densité, occasionnant embouteillages sur embouteillages, où chacun adopte sa trajectoire, sans réelle notion de priorité, virant même à contresens, et cela, sans aucune agressivité. C’est là une signature du Cambodge. De l’Asie du Sud-Est plus généralement. Quelles que soient la densité de la circulation ou les erreurs de conduite,
les visages restent impassibles. Ici, une règle d’or : il faut « garder la face » ! Surtout ne pas extérioriser ses sentiments. En dehors des villes, sur la route, il faut être très vigilant, paré à éviter les obstacles mobiles que peuvent constituer des vaches traversant sans coup férir, des chiens, des vélos ou des tracteurs... Et puis plus rapides cette fois, donc potentiellement plus dangereux, les bus, 4 x 4, ou pick-up roulant à plein badin sur des routes souvent à l’état aléatoire. Les manoeuvres de dernière minute pour éviter un obstacle tombé sur les voies ou des trous dans la chaussée sont légion, et tant pis si vous arrivez en face, la situation imprévue demandera à être gérée. Une sorte d’anarchie en apparence, mais en réalité une règle simple, basée sur la physique élémentaire : le plus gros a la priorité. Une fois ce postulat accepté, on trouve finalement normal que des camions surchargés forcent le passage, vous prévenant à la rigueur d’un rapide appel de phares invitant à vous pousser fissa, quitte à rogner sur le bas-côté de la route. Et dire que l’on trouve la sécurité routière française perfectible... J’ai même eu la chance d’assister à une querelle de vaches (si, si) qui ferraillaient à coups de cornes au milieu d’une route où les voitures déboulaient à plus de 90 km/h ! Si les chargements des voitures et camions sont hallucinants, ceux des petites motos sont pas mal non plus. La palme, nous l’avons décernée à une 125 cm3 transportant trois gros matelas de 180 cm, le tout dans un équilibre parfaitement instable... C’est à se demander comment la moto peut tenir malgré la vitesse, le vent et les slaloms entre les voitures... Et comme si ça ne suffisait pas, ils ajoutent volontiers trois, quatre bestiaux, des cochons, des poulets... La moto comme véhicule familial où grimpent mari et femme accompagnés de deux ou trois enfants, tout le monde sans casque, évidemment. Un autre monde...
L’entraide, un art de vivre
Autre particularisme local, la police. Une police qui arrête quelques motos pour se faire un peu d’argent de poche, surtout les touristes... Donc, quand vous le pouvez, contournez les axes principaux et passez par les petites rues. Les contrôles se concentrent surtout dans la région de Sihanoukville et Phnom Penh. Dans le reste du pays, la police est plutôt invisible... En dehors des képis, comme souvent dans cette région du monde, la population est à la fois accueillante, tolérante et discrète. Au premier contact, le sourire illumine les visages. L’influence profonde du bouddhisme
theravàda explique en partie cela, un art de vivre qui se cultive tout au long de la vie. L’entraide est impérative dans la famille, l’individualisme n’a pas sa place, et la vie en communauté constitue la norme. Par exemple, les salaires sont mis en commun et participent du bien-être de tous. Un parfum de sérénité que l’on hume un peu partout, en parcourant par exemple les routes devenues tranquilles quand on quitte la capitale, même si d’un point de vue pilotage, les longues lignes droites n’apportent d’autre intérêt que de prendre le temps de découvrir le pays, traversant les paysages tout en gardant un oeil acéré sur les excentricités des conducteurs locaux. Équipé d’un petit trail, le mieux reste encore de s’évader sur les pistes à la terre couleur ocre, et de partir à la rencontre des habitants des nombreux petits villages traversés. Là, le contact se fait naturellement ; dans leurs costumes d’écolier, des enfants, tout étonnés de voir des motos passer dans leurs villages, s’empressent de venir au plus près, pour nous saluer et nous gratifier d’une tape amicale. Moto et pilote sont toujours les bienvenus. Quelle que soit la direction,
le plaisir est partout. Lors de ce périple, nous avons mis le cap au Sud, du côté de Kep, en bord de mer, où l’on découvre une côte plutôt tranquille. En face du port, Rabbit Island (l’île du lapin), un petit paradis bordé de plages désertes de sable blanc. Au-delà des plages, les villages de Kep et Kampot sont connus pour produire l’un des meilleurs poivres au monde. Un peu plus loin vers l’Est, on roule à moto sur les plages désertes ou sur des pistes monotrace, du côté d’Otres beach. Un moment rare, à déguster à allure raisonnable pour profiter à fond de l’instant. L’occasion encore de rencontrer des Khmers vivant loin de tout – et de peu de choses – récoltant et bricolant pour gagner simplement de quoi manger. Une vie simple, à l’image de notre moto d’ailleurs, une Honda 250 XR parfaite pour ce trip. Facile, confortable, elle permet d’improviser face aux dangers de la circulation sur route et de virevolter sur les pistes. En parlant de virevolter, la plus belle route du Cambodge est la montée de Bokor, nichée au coeur du parc national.
Une route aux allures de circuit
Une route sinueuse de 34 kilomètres au revêtement parfait. Un vrai circuit où les jeunes Cambodgiens viennent se tirer la bourre, genou posé au sol, équipés de sliders de fortune et de motos tout aussi aléatoires, préparées « façon Khmer »... Plus au Sud, les paysages sont tout simplement splendides. La route qui mène à Koh Kong, à la frontière thaïlandaise, traverse une végétation luxuriante et quasi déserte. Après une journée de roulage
riche en images et en couleurs, nous arrivons à destination, au pied de nos bungalows posés sur pilotis dans la mangrove. L’endroit est magique. Un bateau nous emmène faire un tour dans cette jungle aquatique. Le soir, ce sera piscine, cuisine locale, et nuit salvatrice avant d’attaquer un périple plus off-road. De bon matin, dans les montagnes des Cardamom, nos machines nous montrent ce qu’elles ont dans le ventre. Nous débutons par une petite route étroite en béton longue d’une trentaine de kilomètres, puis nous attaquons la traversée du massif par une piste qui, pendant 150 kilomètres, découpe la jungle. Un pur régal. À condition qu’il ne pleuve pas, car sur cette terre très glissante, ça risquerait d’être du sport... Et la route est encore longue jusqu’à Siem Reap où nous attendent les temples d’Angkor, et notamment celui de Ta Prohm, caractéristique avec ses murs en pierre couronnés d’arbres gigantesques. Le lieu est magique, fantomatique, et malgré le gigantisme de ces constructions, nous mesurons que quand elle le décide, la nature s’octroie le droit de reprendre le contrôle sur le travail de l’homme, parvenant avec le temps à en faire disparaître jusqu’à la moindre trace. Un théâtre propice à la méditation, et un esprit qui nous accompagne longtemps après avoir quitté ces lieux, qui nous habitent toujours au moment de reprendre le cours de nos vies d’Occidentaux surmenés.