Moto Revue

William Dunlop (1985-2018) ADIEU GENTLEMAN

- Par Morgan Govignon. Photos Diego Mola.

C’est un vent de nord-ouest qui nous a apporté, samedi 7 juillet, cette triste nouvelle... La vie de William Dunlop s’est envolée dans la section de Sam’s Tunnel, lors de la Skerries 100. Une épreuve que le Nord-Irlandais de 32 ans avait remportée à 15 reprises. Un homme, un prénom, et une famille dont l’empreinte marque un peu plus la légende des courses sur route.

Il y a des héros, des dynasties, des légendes. Des noms qui s’inscrivent dans les mémoires et qui évoquent à eux seuls un univers, un état d’esprit. Depuis les années 70, celui de Dunlop ramène irrémédiab­lement à la course sur route, et, pour ceux qui se sont penchés sur ces héros une fois le casque enlevé, à des hommes extraordin­aires. En 2000, quand, à 48 ans, Joey Dunlop, patron de pub dans le quotidien, a porté à 26 son nombre de victoires au Tourist Trophy, personne ne pouvait s’attendre à ce que le plus grand et le plus expériment­é pilote de course sur route perde la vie un mois plus tard sur un tracé inconnu au fin fond de l’Estonie. Un drame qui n’enlèvera pourtant pas le goût de la compétitio­n à son jeune frère Robert, charpentie­r, qui partageait avec lui les places sur les podiums de nombreuses courses irlandaise­s et aussi lors du TT, qu’il remportera 5 fois. Une carrière difficile pour le « Mighty Micro » (traduisez le « petit mais costaud », en référence à sa taille et sa résistance, ndlr), émaillée de victoires mais aussi de blessures sévères, lorsque sa jante arrière explosa au TT 1994 peu après Ballaugh Bridge notamment. Une chute qui lui imposera une rééducatio­n des plus difficiles, s’isolant même de sa famille pour ne pas leur infliger la rudesse de son traitement. C’est comme ça, du côté de Ballymoney et dans cet esprit, qu’ont grandi ses fils Daniel, William et Michael. En connaissan­ce de cause. Sur ses trois enfants, William et Michael montreront un intérêt sans fin pour la moto, doublée d’une admiration totale pour leur père. Robert, bien qu’handicapé par un bras droit inutilisab­le, remontera en selle en 1996, transféran­t les commandes de gaz et de frein au guidon gauche, avant de transmettr­e à ses fils son savoir de la vitesse, à partir des années 2000... Jusqu’à sa disparitio­n à la Northwest 200 en 2008 lors des essais 250 cm3. Une course que Michael, le plus jeune de la fratrie, remportera deux jours plus tard dans une émotion sans pareil. Ce jour-là pourtant, peu se rappellent que William était également au départ, en 2e ligne, mais que sa moto cassa dans le tour de chauffe, sans qu’il ne puisse rendre à son père l’hommage qu’il espérait. Cette histoire est un peu à l’image de la vie de William, un talent brut, que la discrétion et le manque de chance ont empêché de faire briller encore plus fort sous les feux des projecteur­s. Mais à partir de cette date, William et Michael sont devenus plus que les fils de Robert. Ils sont devenus « les frères

Dunlop », comme leur père et leur oncle l’ont été avant eux. « Michael, c’est celui qui va vite, et William, c’est celui qui est intelligen­t ! Cette phrase, lancée avec humour par un mécanicien de Michael dans le paddock du TT 2012 reflétait l’opposition totale de style des deux frères, bien que faroucheme­nt liés. Pourtant tous deux formés à la même école, William était aussi fin et souple avec ses motos que Michael pouvait être sauvage. Une opposition dans la vie aussi, entre le bouillant Michael et le timide William... Spécialist­e des road races irlandaise­s malgré une wild card au GP 250 de Valence en 2009, William remportera, en l’espace de 18 ans, 108 victoires en courses sur route, dont 7 Ulster Grand Prix, 4 Northwest 200, avec, en apogée, la course Superbike 2014, courue sur une piste détrempée, donnant lieue à une bataille d’anthologie avec son frère. S’il n’est jamais monté sur la plus haute marche au Tourist Trophy, malgré 5 podiums, il s’en est fallu de peu en 2014, lorsqu’une sortie de route à Bungalow Bridge mit fin au duel pour la victoire l’opposant à nouveau à son frère. Mais au-delà du pilote, au-delà des supporters, des trophées, et des légendes, l’histoire retiendra l’homme. Un homme capable, lors du dernier TT, de quitter la course la plus importante de la saison pour rejoindre sa femme, dont la grossesse compliquée nécessitai­t sa présence. Un homme que l’on pouvait croiser à n’importe quelle heure de la journée dans un jogging hors d’âge et un tee-shirt délavé, parce que l’important n’était jamais de paraître, mais de faire. Un homme bien loin de ce qu’on nous raconte de ces « gladiateur­s », du star-system et des paillettes. Un road racer taillé dans ce que notre passion peut avoir de plus humble, de plus incroyable, mais aussi de plus terrible. Un homme que je ne pourrais vous conter que par les mots des autres, n’ayant jamais osé le sortir de sa timidité, de cette aura de mec simple qui brillait autour de lui, le rendant aussi normalemen­t humain qu’inaccessib­le. Une aura de gentleman, qu’on ne peut déranger, qu’un compliment sincère aurait pu gêner... Des yeux bleus, des yeux tendres au-dessus de joues mal rasées qui donnaient à tout le monde l’idée que malgré tout, malgré le passé, la fatalité et l’histoire, la passion l’emporterai­t toujours. Et sa passion l’a emportée... Toutes nos pensées, si dérisoires, à sa famille, ses proches et son équipe qui l’ont emmené sur le chemin qu’il avait choisi : celui de son père, celui de sa dynastie. Ride in peace, Legend…

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