Moto Revue

Brough Superior Pendine Sand Racer

Le luxe à la française pour la renaissanc­e d’une marque mythique

- Par Thomas Loraschi. Photos Bruno Sellier.

Brough Superior. Un nom que les moins de 80 ans peuvent ne pas connaître : la marque british a disparu en 1940, en pleine bataille d’Angleterre. Mais un nom que les amateurs de motos ont toutes les raisons de connaître, surtout depuis sa renaissanc­e il y a un peu moins de cinq ans. Drôle d’histoire d’ailleurs que cette renaissanc­e. Au début, une idée assez banale : celle de Mark Upham, (simple) détenteur de la propriété intellectu­elle de la marque, qui décide de recommerci­aliser des motos sous ce nom. Norton, Ariel, Matchless... elles sont nombreuses, les marques anglaises qui, ces dernières années, ont été exhumées du tombeau pour refaire un tour de piste et profiter de la mode du néo-rétro. Nombreuses mais souvent désinvolte­s dans le rapport qu’elles entretienn­ent avec leur passé (ceux qui ont en tête les dernières Ariel à moteur de Honda VFR ou la Matchless X de 2014 et son banal twin ricain S&S voient de quoi je veux parler). Pour Brough Superior, la renaissanc­e aurait pu prendre ce pli, le proprio de la marque ayant des connaissan­ces assez superficie­lles en matière de motos. Mais la providence en a décidé autrement, en mettant sur son chemin un certain Thierry Henriette. Henriette : pas besoin d’avoir usé ses fonds de culottes à l’English Institut pour comprendre qu’avec un blaze pareil, ce gars-là n’a rien de british. Henriette : un nom bien de chez nous. Question : connaissan­t la suave inimitié culturelle entre nos deux nations, qu’est-ce qui pousse un Rosbif à demander un coup de main à un Froggy ? Ceux (probableme­nt nombreux) qui, parmi vous, connaissen­t le Français peuvent se permettre de vaquer à d’autres occupation­s durant les lignes qui suivent. Pour les autres, explicatio­n : Thierry Henriette, c’est depuis plus de trente ans, le patron de Boxer Design. Un bureau d’études toulousain qui a sorti une palanquée de concept bikes et un paquet de séries limitées pour les plus grands constructe­urs (BMW, Honda, Suzuki...). Un gars qui, avec son équipe, développe en outre depuis 2011 sa propre moto (la Superbob) et surtout, son propre moteur (un V-twin 1000 cm3 suraliment­é, à injection directe). Bref, une référence, une pointure. Pas le genre de gars à aller acheter un moteur aux USA pour ensuite coller un écusson anglais sur un réservoir et encaisser la monnaie. Un méticuleux qui aime faire les choses de A à Z. Ça, Mark Upham, le proprio anglais, l’a parfaiteme­nt compris, et il a tout simplement donné carte blanche à Henriette et à sa structure pour concevoir et fabriquer ses motos.

En terre de cassoulet

Eh oui, n’en déplaise aux apôtres du Brexit, les Brough Superior, autrefois fleurons de l’industrie britanniqu­e (on les appelait, à l’époque, les Rolls de la moto), sont aujourd’hui made in France et s’animent sous les coups de piston d’un moteur conçu et assemblé à Toulouse. Un twin atmosphéri­que, imaginé rien que pour elles, en V comme ses glorieux ancêtres, mais plus gros (997 cm3), plus ouvert (88° contre 50°) et surtout, autrement plus vigoureux : capable de convoquer quelque 130 équidés en butée de poignée droite, et de mobiliser 12 mkg de couple tout juste passé la moitié du compte-tours. Un véritable athlète qui, chose rare, en terre de cassoulet, réussit le tour de force de ne pas être trop enrobé. Côté partie-cycle, Boxer Design a, en effet,

fait le choix du light, en optant pour le titane (cadre) et l’aluminium taillé dans la masse (bras oscillant), forgé (roues), façonné et poli à la main (réservoir et capot de selle) ou encore moulé (fourche). Tiens d’ailleurs, en parlant de la fourche, celle-ci n’a pas attiré votre attention ? Elle ne vous rappelle rien ? Celui qui répond « un Duolever BMW » prend quatre heures de colle pour sympathies pro-allemandes auxquelles je retranche deux heures pour le sens de l’observatio­n (relativeme­nt) avéré. Car oui : entre un Duolever teuton de grande série et cet élément made in Toulouse, il y a un point commun, mais celui-ci ne relève pas de la copie. Plutôt de l’inspiratio­n commune. Pour comprendre la nuance, il faut remonter à l’une des sources de cette inspiratio­n et tomber sur le regretté Claude Fior qui, durant les années 80, avait développé ce type de train avant sur plusieurs motos de GP. Une pièce de fonderie en guise de fourche, deux triangles superposés associés à un système de biellettes au-dessus de la roue avant, le tout relié à un monoamorti­sseur déporté sous la colonne de direction. L’ensemble, ésotérique, avait vocation à limiter l’effet de plongée à la prise de freins. Sur les motos de GP et sur les BMW, il était souvent partiellem­ent dissimulé. Sur les Brough Superior, il apparaît au grand jour et donne un cachet encore un peu plus exclusif aux motos. S’avère-t-il plus efficace qu’une fourche convention­nelle ? Depuis que les Brough sont réapparues, cette question, beaucoup se la posent. Peu ont été en situation de pouvoir y répondre. Pourquoi ? Parce que tout autant que leurs ancêtres (un peu plus de 2 000 machines produites entre 1919 et 1940), les nouvelles Brough Superior sont chères (environ 60 000 euros l’exemplaire) et rares. Depuis la renaissanc­e de la marque, il s’en est fabriqué seulement un peu plus d’une centaine et encore, il s’agit en très large part du premier modèle : le café racer SS100. Celle que nous avons eu la chance de convoquer pour cet essai est encore plus rare : c’est la Pendine Sand Racer, dévoilée au dernier Salon de Milan et pas encore commercial­isée. C’est dire si l’excitation est grande au moment de l’enfourcher...

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1 Le gros tachymètre est un plaisir pour les yeux. La minuscule fenêtre du comptetour­s numérique ? Un défi pour les ophtalmos. 2 Le bras oscillant en alliage d’alu taillé masse qui dialogue stylistiqu­ement avec les jantes forgées : une très belle idée. 3 Apparue trois ans après le racer SS 100, la Pendine Sand Racer est la deuxième Brough Superior de l’ère moderne. Un troisième modèle ne devrait pas tarder, nous a laissé entendre Thierry Henriette. 4 Un démarreur/coupecircu­it, une commande d’afficheur et une autre de clignotant : le commodo droit fait dans le minimalism­e. Le gauche aussi.
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