Romano Albesiano « IL FAUT S’INSTALLER DANS UNE SPIRALE POSITIVE »
Malgré les difficultés et le manque de résultats de ses pilotes, Romano Albesiano demeure positif sur l’évolution de la RS-GP. Soulignant le niveau de la compétition en MotoGP, le patron du service course Aprilia demande juste un peu de temps.
L’an dernier, après le Grand Prix de République tchèque, Aleix Espargaro comptait 40 points. Il était entré cinq fois dans le Top 10. Cette saison, il n’a marqué que 17 points sur les dix premières courses et il ne s’est glissé qu’à deux reprises dans le Top 10. Comment interprétez-vous ce bilan ?
Évidemment, c’est clairement en deçà de nos attentes et de nos ambitions. Après, les raisons de notre piètre rendement sont assez difficiles à établir... Nous avons connu des épisodes malheureux. Au Qatar, on ne finit pas la course à cause d’un problème de remplissage de réservoir. À Jerez, c’est une erreur humaine qui nous vaut un nouvel abandon. C’est arrivé trop souvent sur la première moitié de la saison. L’autre partie de l’explication, c’est notre manque de compétitivité. On a pourtant fait des progrès depuis l’an dernier, notamment au niveau du moteur, mais nos adversaires en ont fait aussi. Et peut-être ont-ils été plus grands que les nôtres. Quoi qu’il en soit, on a plus de mal à passer en Q2 aux essais. Ce constat fait, la solution est assez simple. Nous devons continuer à développer notre moto et faire moins d’erreurs que nous n’en avons commises depuis le début de la saison.
Vous avez aussi enregistré davantage d’abandons pour des problèmes de fiabilité...
Non, il y en a eu un sur un problème électronique, puis celui dont nous avons parlé à Jerez à cause d’un écrou mal serré. Après, il y a eu une chute à Barcelone...
Les essais ne se passent pas non plus toujours très bien...
Honnêtement, nous ne rencontrons pas plus de problèmes techniques que l’an dernier. Je dirais même que notre moto est bien plus fiable. Le moteur est également plus stable en performance, on a vraiment progressé à ce niveau.
Que vous manque-t-il alors en termes de performance générale ?
Un meilleur feeling entre le pilote et la moto. Il est lié à deux problèmes. Le premier, c’est un manque de grip à la remise des gaz qui perturbe toute la phase de l’accélération. On perd quelque chose à ce moment-là et nous avons du mal à en identifier l’origine. Le second, c’est la difficulté qu’a la moto à tourner quand le pilote relâche les freins. Gaz coupés, sans freins, notre machine sous-vire.
Ces deux problèmes sont-ils liés ?
À cinquante pour cent, je dirais que oui. On pense avoir trouvé une solution pour remédier au premier problème, mais il faut pour cela produire des pièces mécaniques moteur dont la fabrication nécessite un peu de temps.
Vous continuez à penser que le concept général de la RS-GP est le bon ?
Oui, il n’est pas question de repenser une nouvelle moto mais de faire évoluer la base avec laquelle nous travaillons aujourd’hui.
Comme Honda, Aprilia utilise de temps à autre un bras oscillant en carbone. Dans quel but ?
Tout d’abord gagner du poids. Cette technologie permet aussi de jouer sur la rigidité dans différentes directions avec plus de liberté que n’en laisse l’aluminium.
Un moyen par ailleurs pour améliorer le grip à l’accélération ?
Oui, nous en sommes à notre troisième version et les pilotes estiment qu’il y a un gain intéressant sur le plan de la motricité.
Face à vos adversaires, Aprilia semble toujours être le Petit Poucet du championnat MotoGP. Comment justifier cet engagement pour un constructeur qui ne vend finalement que très peu de motos ?
Nous étions engagés en Superbike et nous avons été champions du monde. À un moment, nos dirigeants ont décidé qu’il fallait que l’on soit présent en MotoGP pour gagner en visibilité. La médiatisation des GP n’a rien à voir avec celle du Superbike.
Le groupe Piaggio a-t-il assez de ressources pour une telle stratégie ?
Ce qu’il faut, c’est s’installer dans une spirale
positive. Et nous y arrivons. L’an prochain, nous allons franchir un nouveau palier en termes de pilotes et d’équipe. Nous n’avons peut-être pas dépensé des millions comme d’autres en nous engageant en MotoGP, mais notre investissement progresse d’année en année et je suis convaincu que les résultats suivront.
Que pensez-vous du choix de Kawasaki de rester en Superbike ?
Gagner avec une moto de production, cela a été notre stratégie pendant des années. C’est une décision qui n’appartient pas aux ingénieurs mais aux responsables de la marque. Pour moi, la décision d’Aprilia de s’engager en MotoGP était la bonne, même si nous n’imaginions peut-être pas que la marche serait aussi haute. Le MotoGP, c’est le sommet de la compétition moto. Pour s’y faire une place, il faut énormément investir en termes de technologie. Pour un service course comme le nôtre, passer du Superbike au MotoGP a nécessité énormément de changements mais au final, cela renforce les connaissances de nos ingénieurs.
L’an prochain, à la centrale électronique unique s’ajoutera une centrale inertielle standardisée. Est-ce que cela va aider à réduire l’écart entre les différentes machines ?
Je n’y crois pas trop. Je ne suis pas certain qu’il n’y en ait pas pour parvenir à filtrer les données qui passeront d’une centrale à l’autre.
Avec bientôt vingt Grands Prix, les concessions accordées aux constructeurs qui doivent combler leur retard sont-elles encore utiles ?
En termes de journées d’essais, pas vraiment. En revanche, ne pas avoir de moteur figé en début de saison est une aide précieuse pour continuer à développer.
On voit que toutes les usines investissent aujourd’hui sur une équipe de test. Comptez-vous renforcer la vôtre l’an prochain ?
Oui, cela est aussi à notre programme. À ce titre, nous avons fait une offre à Scott Redding. Après, il est encore jeune... Il a d’autres propositions, c’est à lui de voir s’il préfère courir dans une autre catégorie ou rester chez nous avec un rôle de pilote de test.
Lowes, Redding... Vous n’aurez pas eu trop de réussite avec vos pilotes anglais...
Avec le premier, c’est vrai que ça n’a pas été terrible. Avec Scott, c’est tout de même différent. C’est vrai qu’en début de saison ses performances étaient moins bonnes qu’en 2017, mais ça n’est plus le cas aujourd’hui. Il est autant, si ce n’est plus performant. Honnêtement, nous sommes plutôt contents.
Qu’attendez-vous d’Andrea Iannone qui va vous rejoindre l’an prochain ?
C’est l’un des meilleurs pilotes du plateau et son arrivée sera pour nous un gros challenge, d’autant qu’il est Italien. On va essayer de progresser pour qu’il se retrouve dans les meilleures conditions possibles. Ça ne sera pas simple car cette catégorie est de plus en plus concurrentielle, mais je suis convaincu que notre moto n’est pas si mauvaise que ça. Et puis nous avons beaucoup de pistes de développement en cours pour l’an prochain. Nous serons prêts.
Max Biaggi a été nommé ambassadeur de la marque Aprilia, on le voit de plus en plus dans votre garage. Est-il appelé à prendre de nouvelles fonctions en MotoGP ?
Il est effectivement ambassadeur d’Aprilia, mais son rôle s’arrête là.