La loi du marché
Le quatrième facteur qui a favorisé cette domination des pilotes américains sur les Grands Prix 500 est bien sûr économique. L’importance du marché US a naturellement incité les constructeurs japonais impliqués
en championnat du monde (Yamaha, Honda, Suzuki) à privilégier les pilotes du Nouveau Monde, tout comme les manufacturiers de pneumatiques et bien sûr, les sponsors majeurs de l’époque, essentiellement constitués par les fabricants de cigarettes américains (Marlboro, Lucky Strike, Camel) ou britanniques (John Player Special, Rothmans). Comme le dit Sarron, « pour les constructeurs japonais engagés en 500, il fallait absolument avoir un ou plusieurs pilotes américains, pour des questions à la fois sportives et commerciales » . Tout cela conjugué a donc renforcé la mainmise des stars américaines, les meilleurs pilotes européens étant à l’époque considérés comme des « plans B », voire des « cinquièmes roues du carrosse ». « Je n’ai jamais eu de pneus, ni de pièces de développement en cours de saison. Je n’ai jamais vraiment pu lutter à armes égales avec les Américains » , dit Sarron avec une évidente pointe de regret dans la voix. Leur supériorité sportive s’ajoutant à une prédominance technique permise par un sponsoring quasi illimité a donné aux Américains un avantage qu’on pourrait presque qualifier de déloyal, mais la loi du marché était ainsi faite.
Des budgets illimités pour les Américains
En 1989, Roberts soulignait cet aspect des choses à sa façon, toujours aussi pragmatique et directe : « Pour monter un team en 500, la première chose, c’est que tu dois avoir assez d’argent. Ensuite, le choix des pilotes. Mais si tu n’as pas d’argent, tu ne peux pas t’offrir les services de gens valables. Lorsque tu te bats pour être devant, les frissons sont inégalables. Les pilotes qui se battent pour un titre n’attendent pas demain pour obtenir un changement capable de leur donner la possibilité de gagner quelques dixièmes. Ils le veulent tout de suite ! Pour cela, tu dois avoir les moyens. Un pilote qui se donne à fond, qui risque sa vie, ne peut admettre des raisonnements de fonctionnaires. » Au sommet de sa puissance, l’Amérique était quasiment intouchable. Mais à la fin des années 80, l’empire vacillait déjà sur ses bases...