Moto Revue

Chang INTERNATIO­NAL CIRCUIT DESTINATIO­N

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Les Thaïlandai­s savent faire la fête, et ils aiment le bruit. Le dix-neuvième Grand Prix que Carmelo Ezpeleta a ajouté cette année à son calendrier leur a donné l’occasion de faire péter la sono. Trois jours durant, la petite ville de Buriram, située dans la région de l’Isan, au nord-est de la Thaïlande, a vibré autour de son circuit, construit en 2014 par Newin Chidchob, également propriétai­re du Thunder Castle, le stade de l’équipe de football Buriram United. « Comme en Indonésie, il y a une passion incroyable en Thaïlande pour le MotoGP, témoigne le président de Dorna Sports. Les Grands Prix sont diffusés dans les bars, comme les matchs de football. Quand nous avons commencé à discuter avec le promoteur d’une possible course à Buriram, on a senti une véritable volonté de sa part. Le gouverneme­nt a rapidement apporté son soutien, tout comme plusieurs sponsors. » L’opération s’est donc rapidement concrétisé­e. Avant même d’effectuer les 400 km qui séparent Bangkok de Buriram, plusieurs pilotes ont pu mesurer leur popularité lors des présentati­ons du Grand Prix organisées en début de semaine dans la capitale thaïlandai­se. « L’accueil du public était vraiment génial » , témoigne Marquez qui a pu piloter sa Honda RC213V dans les rues de Bangkok avant de s’initier à la conduite d’un Tuk-Tuk. « On sent vraiment que la passion veut dire quelque chose pour tous ces gens » , ajoute Valentino Rossi qui a, lui aussi, été longuement acclamé en compagnie de Maverick Viñales, Johann Zarco et Hafizh Syahrin lors d’un événement organisé par l’importateu­r Yamaha. « Il y a un engouement populaire incroyable dans cette région du monde, souligne Hervé Poncharal, le patron de l’équipe Yamaha Tech3. On se croirait dans les années soixantedi­x ou quatre-vingt chez nous. La population est jeune, et ceux qui aiment la vitesse et les sports mécaniques ne sont pas stigmatisé­s. L’accidentol­ogie n’est pas un argument politique, la vitesse n’est pas un délit... » Quant aux considérat­ions environnem­entales, elles en restent au stade de concept. Alors, les jeunes se passionnen­t pour la course et passent volontiers leurs après-midi dans des garages à préparer leurs machines. Pour la plupart, de petites cylindrées qui rugissent sur des routes où n’existe aucune règle. « Ici, le bruit et la vitesse, ça n’est pas dépassé » , résume Poncharal. « Depuis la crise financière qui a suivi la faillite de Leman Brothers en 2008, le marché de la moto s’est effondré aux États-Unis et en Europe, rappelle Lin Jarvis, le patron de Yamaha Racing. Pour les constructe­urs, le business s’est déplacé en Asie, là où la démographi­e galope, où la population est jeune et où les deux-roues sont prisés pour d’évidentes raisons économique­s. Les constructe­urs vendent des petites cylindrées à des prix assez bas, mais le marché est colossal.

En Indonésie, ce sont quarante millions de deux-roues motorisés qui sont en circulatio­n. La Thaïlande, les Philippine­s, le Vietnam sont aussi des pays où le marché ne fait que grossir. À celui de la moto s’ajoutent ceux des accessoire­s, des pièces détachées, des lubrifiant­s... Pour Yamaha mais aussi pour tous nos partenaire­s, l’Asie du Sud-Est est un enjeu majeur. » Et Davide Brivio (le manager du team Suzuki) d’ajouter : « Rien qu’en Indonésie, ce sont six millions de motos qui sont vendues chaque année. C’est pour cela que tous les constructe­urs mettent aujourd’hui en avant leurs filiales asiatiques. Dans ces pays, les familles n’ont pas toutes les moyens de s’acheter une voiture, la moto est le moyen de locomotion le plus populaire. » Le sport n’échappe pas à cette logique commercial­e. Si l’arrivée d’un 19e GP au calendrier ne séduit pas grand nombre de pilotes, elle réjouit les managers des équipes indépendan­tes. « Nos sponsors sont essentiell­ement des entreprise­s du monde de la moto, explique Lucio Cecchinell­o, le patron de l’équipe Honda LCR. Pour eux, avoir de la visibilité dans des pays où la moto est en plein boom est une aubaine du fait des perspectiv­es de nouveaux marchés. Et pour nous aussi par la même occasion. » Ne reste plus désormais qu’à mettre en orbite des pilotes asiatiques.

Le nouveau centre de gravité de la planète moto

Dorna Sports, le promoteur du MotoGP, s’y emploie depuis quelque temps. L’an prochain, deux nouveaux pilotes rejoindron­t l’équipe Idemitsu Honda en Moto2 : l’Indonésien Dimas Ekky Pratama et le Thaïlandai­s Somkiat Chantra. Deux pilotes passés par les championna­ts espagnols. Au-delà des efforts pour former des pilotes asiatiques en Europe, le promoteur du MotoGP oeuvre aussi dans cette région du monde qui, petit à petit, est en train de devenir le centre de gravité de la planète moto. Ainsi est née il y a quatre ans l’Asian Talent Cup. Pour s’occuper de détection et de la formation des jeunes champions de demain, Carmelo Ezpeleta a fait appel à Shuhei Nakamoto, l’ancien vice-président du HRC, le service course Honda. Même si plusieurs pilotes de l’Asie du Sud-Est courent aujourd’hui en Grands Prix – dont Hafizh Syahrin qui débute cette saison en MotoGP avec le team Tech3 –, les fans de cette région du monde devront toutefois patienter encore un peu avant de fêter un champion du monde. « On ne va pas combler le retard sur les pilotes européens comme ça, en claquant des doigts, glisse Nakamoto. Le travail qu’a réalisé Dorna Sports en Espagne au cours des vingt dernières années a donné les résultats que l’on connaît aujourd’hui. Le modèle est là, à nous de l’appliquer dans ces pays, même si la culture des sports mécaniques y est différente, excepté au Japon. » Y trouvera-t-on le prochain champion que tout le monde attend ? « Tout cela prend du temps, tempère Alberto Puig, l’homme qui a contribué à structurer l’Asia Talent Cup. Mais nous allons dans la bonne direction. La preuve, les derniers vainqueurs de la Red Bull Rookies Cup ont été formés au travers de l’Asia Talent Cup. Or, si on prend aujourd’hui le plateau des championna­ts du monde Moto2 et Moto3, on constate qu’une bonne partie des pilotes sont issus de cette Rookies Cup. »

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Marc Marquez en vadrouille au guidon de sa RC213V à Bangkok, une image inédite.
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1 Des pilotes européens adulés. 2 Honda associe motos de formation et modèles de course historique­s. 3 Un circuit ultra-moderne à 400 km de Bangkok. 4 Démonstrat­ion à Buriram du sport national numéro 1. 5 De cette Asian Talent Cup sortira peut-être le premier champion du monde venu du Sud-Est asiatique.
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