R1 Yamaha YZF 1000
20 ans déjà. Voilà 20 ans que le séisme R1 a ébranlé nos yeux, nos squelettes, nos certitudes, mais plus encore nos routes et nos circuits. Pour se souvenir du moment où tout a commencé, nous avons repris le guidon de la R1 première du nom, née en l’an de
C’est du côté d’Amsterdam, aux Pays-Bas, que nous avons pris les rênes de cette R1. Pas au hasard, mais dans un hangar, celui qui fourmille de jouets et jouxte le siège de Yamaha Europe présidé par Éric de Seynes. Pas par hasard non plus puisque l’histoire de la R1, Éric de Seynes l’a vécue au plus près, avant même que ne soient jetés les premiers traits de crayon. L’occasion pour lui de nous la retracer, cette histoire (voir p. 94), et pour nous de la revivre. Avant les mots pour nous la conter, il y a un bruit. Un bruit largement filtré par le très long silencieux en carbone lorsque le quatre-cylindres en ligne tourne au ralenti. Un bruit qui devient plus rageur quand on laisse son poignet droit imprimer des rotations plus nerveuses, libérant les vocalises d’une mécanique qui revendique 150 gros canassons, ce qui, pour l’époque, constituait un must, autant que les 177 kg à sec, qui conféraient à l’engin un rapport poids/puissance inédit. Pour l’époque... Pas tant que ça en fait, et si bien sûr, mille fois bien sûr, la R1 a marqué sa période comme peu de motos ont eu la chance de le faire, c’est bien son côté novateur d’alors qui lui permet aujourd’hui de garder la ligne. Et la forme ! Il y a son look donc, avec des formes que l’on disait ciselées, comme le rapporte Moto Revue lors de son essai inaugural en novembre 1997 : « L’YZF offre les lignes les plus novatrices. Son dosseret augmente la finesse de l’engin. » Et comparée à la R1 millésime 2018, s’il y a bien une partie qui semble exagérément large, c’est justement la partie arrière. L’assise sur cette R1 1998 est à la fois profonde et large, la coque arrière accueillant un vaste espace de rangement oublié sur les générations suivantes. Pour le reste, la forme ciselée de l’époque ressemble à l’arrondi aujourd’hui.
Radicale elle était, radicale elle est restée
Mais visuellement, la R1 ne fait pas son âge. Dynamiquement non plus. À commencer par la position. La triangulation jambe/bras/buste reste contemporaine. Un rapide gymkhana comparatif entre les moutures 1998 et 2018 le confirme : radicale elle était, radicale elle est restée. Planté sur les poignets, accroché à des demi-guidons assez serrés, les fesses en l’air et les épaules dans l’axe d’une bulle minimaliste, je m’apprête à mesurer la qualité du réseau routier néerlandais. Heureusement pour mes « articulations de 20 ans de plus » (sic), il s’avérera bon... Pas tant que les suspensions ne jouent pas leur rôle – elles gomment plutôt bien les quelques irrégularités rencontrées –, mais bien en raison d’une position de conduite très marquée qui impose un pilotage sur l’avant. Ce qui est marquant aussi, c’est le côté un poil rugueux du moteur (comme la boîte qui reste un peu revêche, enchaînant les gros « chklong » lorsqu’on passe du point mort à la première, mais aussi dans la difficulté de trouver le point mort à l’arrêt) avec ces vibrations qui viennent chatouiller les mains sur les régimes intermédiaires. Mais une fois passé 5 000 tr/min, ces chatouillis disparaissent au profit des gazouillis du bloc qui balance en force – et de façon linéaire – la puissance. Pas d’électronique pour assister l’ensemble : là, tout se gère sans filet, à la poignée, et aux 200 chevaux encadrés d’aujourd’hui, les 150 en liberté d’autrefois apportent une certaine fraîcheur. Moins d’efficacité, c’est sûr, mais l’obligation de maîtriser son élan, dans la façon de gérer l’ouverture des gaz, et une fois décidé, dans la mesure à accorder au freinage. Si les chapitres
Ce « bout des choses » où souhaitait aller Yamaha dès l’idée du projet R1, on le respire toujours en 2018
moteur/position/sensations restent d’actualité, le freinage a pris du plomb dans l’aile... Assez puissant au final (mais moins qu’actuellement), c’est de mordant dont il manque, et puis aussi, à la prise de levier, la fourche plonge un peu trop, contraignant l’avant et verrouillant la direction. Pour y pallier, il est nécessaire de solliciter l’arrière, d’asseoir la machine sur son pneu, de tirer avec sa main droite sur le levier, limitant de fait la plongée et le transfert de masse. Rien d’alarmant non plus donc, juste vingt années qui sont passées par là... Pour le reste, c’est vraiment sympa de retrouver cette R1. En prenant des virages serrés sans y penser, en accélérant dans de larges courbes en sifflotant, en roulant sans rien modifier de ce que nous ont enseigné ces 20 années écoulées, on mesure à quel point cette hypersportive est restée contemporaine. Ce « bout des choses » où souhaitait aller Yamaha dès l’idée de conception du projet R1, on le respire toujours en 2018, et l’effluve de son parfum flotte encore au-dessus des générations suivantes. n