COMPARATIF
Produites entre 2010 et 2019, les trois générations du Boxer « double arbre » BMW sont réunies ici pour un comparatif à trois étages. Toujours plus puissantes, toujours plus chères, toujours plus lourdes… Alors, laquelle plébisciter ?
Pour surfer sur le raz-de-marée BMW en mode « GS », la meilleure « board » que l’on puisse conseiller prend des airs de planche à billets… Effectivement, ça n’est pas franchement donné de profiter du savoureux Boxer double arbre, depuis l’achat jusqu’aux frais d’utilisation et d’entretien. Certains n’hésiteraient d’ailleurs pas à arguer que cela se mérite... D’autres regrettant ne pas toujours recevoir un salut en retour dès lors qu’il s’agit d’un béhèmiste... Mais le « Premium » n’est-il pas toujours systématiquement sujet à polémique, critique, jalousie, etc. ? Alors effectivement, la toute nouvelle R 1250 GS forte de 136 ch peut faire des envieux. Véritable expérience de conduite en elle-même, la dernière-née brille depuis un rendement franchement élevé et qui s’associe à un niveau technologique presque aérien quand elle est bardée de toutes les options proposées. Le changement 2019 se caractérise par un très bel afficheur couleur TFT et une distribution à diagramme variable signée par le Shiftcam (voir l’encadré dédié). Pour le reste, c’est la même, à quelques petits détails près, tels ces étriers de freins estampillés BMW (et produits aux USA chez Haynes) en échange des Brembo. Finalement, la 1250 GS nous rejoue à peu de chose près le coup signé par la R 1200 GS de 2010, qui se différenciait alors du millésime 2009 quasi uniquement par l’emploi de ses nouvelles culasses à double arbre à cames (elles-mêmes inaugurées à bord de la sportive HP2), la faisant passer de 105 à 110 chevaux. Ceci quand la R 1200 GS 2013 et ses 125 chevaux signaient une véritable transition au sein de la lignée en adoptant le refroidissement liquide, un embrayage multidisque en bain d’huile, ainsi qu’une inédite transmission primaire disposée sous le moteur et intégrant un contre-arbre rotatif destiné à limiter drastiquement le couple de renversement si caractéristique des Boxer à air et huile produits jusqu’alors. Toujours est-il que les différents bonds technologiques, aussi marqués soientils depuis la genèse du concept « GS » (devenu quasiment une marque à lui tout seul) datant de 1980 avec la R 80 G/S, n’ont jamais fait perdre le cap au produit pour lequel l’invitation au voyage se veut plus forte que tout.
Est-il justifié de débourser le prix fort ?
En réunissant ces trois générations de R 1200 GS « double arbre » dont les prix s’échelonnent de 10 000 à presque 22 000 €, nous vous proposons trois approches distinctes en vue d’assouvir vos envies de GS. Il sera certes toujours question de budget au moment du choix mais justement, est-il justifié de débourser le prix fort pour la toute dernière-née ? Le flat à air estil obsolète ? Avant de se jeter dans ce comparatif de frangines orchestré du côté de la chaîne des Puys, nous vous rappelons ici les tarifs du neuf en fonction des années de sortie respectives : R 1200 GS 2010 à partir de 14 080 €, R 1200 GS 2013 « liquide » à partir de 15 150 € et R 1250 GS 2019 à partir de 17 400 €. n
Un comparatif pas comme les autres mais qui ne manque sûrement pas d’intérêt puisqu’il s’adresse aux nombreux(ses), très nombreux(ses) admirateurs (trices) du super-trail BMW. Les scores de vente réalisés par les différentes générations de GS ne trompent pas : l’engin suscite un vif, très vif intérêt, que ce soit sur le marché du neuf comme de l’occasion. Les inconditionnels du neuf se rueront sur la nouvelle R 1250 GS, tandis que les R 1200 GS « double arbre » produites depuis 2010 pullulent en occasion. Alors, la dernière-née, la 1250 de 136 chevaux, fait-elle vraiment la différence ? La génération 20102012 refroidie par air a-t-elle pris un sérieux coup de vieux ? La technologie moderne proposée depuis 2013 est-elle incontournable ? Réponse en détail dans ces pages. Si l’avis concernant un design demeure toujours subjectif, nous nous permettons cependant de le formuler ici en fonction d’un avis général, a minima d’une tendance majoritaire émanant de la rédaction et du groupe réuni la semaine de cet essai. Et là, globalement, il en ressort que la R 1200 GS de 2010 est à la fois fine et légère dans ses lignes, mais qu’elle est aussi vieillissante et plutôt dénuée de charme. À l’inverse, nous lui reconnaissons le caractère visuel affirmé qui l’ancre solidement dans le paysage moto. Quoi qu’il en soit, quand on croise une GS, on sait qu’il s’agit d’une GS, un coup d’oeil suffit. En hiver, c’est presque systématiquement le coup gagnant : il fait froid, il pleut, un motard à l’horizon ? Huit fois sur dix, celui-ci roule en GS ! Et ça, on le vérifie tous les ans, à chacune de nos sorties hivernales. À propos d’une GS « liquide », on tend également à être raccord : c’est plus sexy, du moins... moins austère et évidemment plus moderne. Clairement, les GS post-2012 se présentent nettement plus anguleuses mais également plus trapues, plus cossues, toujours plus statutaires. En matière de finition, elles sont très proches, les revêtements de surface de 2010 étaient déjà très sérieux et la qualité d’assemblage difficilement critiquable. Dans le cas de notre comparatif et face à une moto de huit ans d’âge pour presque 40 000 kilomètres, on s’est bien
rendu compte de la qualité avancée. Les affres du temps ne sont jamais tendres avec tout ce qui vieillit et pourtant, la moto proposée par Hélice 69 présente bien. Dans sa finition « HP » avec déco type « Motorsport » et jantes à rayons dorées (tout ça en option bien sûr), la R 1250 GS de notre essai ne manquait décidément pas de style. Un choix qui pourrait bien compter au moment de la revente d’ailleurs. Les codes esthétiques suggéraient déjà la filiation typiquement « GS », le duo ergonomie et confort la confirme. Une fois en selle, on note que les générations « liquides » proposent leurs repose-pieds pilote légèrement plus en arrière (ou moins en avant, c’est selon) et que le triangle guidon/selle/repose-pieds a eu tendance à s’agrandir. Dans les trois cas, le confort de selle est excellent, avec une assise un poil plus large et plate à compter de 2013. Niveau protection, les cylindres horizontaux y vont de leur service contre le froid quand les bulles, qu’elles datent de 2010, 2017 ou 2019, signent un très bon travail dans l’exercice de leur fonction. Reste que le réglage de hauteur de la plus vieille représentante ici testée n’est pas joyeux... Impossible de le manipuler en roulant, à moins d’aimer flirter avec la perte d’équilibre... À l’inverse, l’unique molette des frangines les plus récentes est convaincante. Et pourtant, sur ce détail ergonomique,
reconnaissons que plusieurs concurrentes font encore mieux en proposant un système de coulisse lui-même commandé par un verrou à pince simple, pratique, bref, judicieux ! En revanche, il serait temps que BMW songe enfin à doter ses GS d’un petit logement avec couvercle articulé, là quelque part dans cet environnement, afin de pouvoir gagner en praticité, notamment lors des arrêts aux péages autoroutiers par exemple. Si l’on veut affirmer haut et fort que les R 1200 GS génération 2010-2012 n’ont rien d’obsolète, c’est maintenant qu’il faut le dire ! On le sait depuis longtemps, les GS de cette décennie sont des machines rigoureuses qui mêlent stabilité, sûreté et prévoyance. Et puisqu’elles s’articulent autour d’une même architecture dotée des spécificités maison – c’est-à-dire Paralever derrière et Telelever devant –, tout en se tenant dans des valeurs de géométrie particulièrement proches, il est alors logique que l’équilibre de l’une par rapport à l’autre demeure très similaire. On insiste cependant sur le fait que ces GS ne sont jamais disposées à prendre l’angle maxi et offrent systématiquement une petite résistance passé un certain cap. Toujours très vives pour passer d’un angle à l’autre, elles exigent encore et toujours d’être forcées pour aller tutoyer l’inclinaison maxi. Dans l’absolu, la 1200 de 2010 est celle qui fait montre de moins de neutralité dynamique, en raison du couple de renversement mécanique qui s’accroît à mesure que l’on s’excite à son guidon. De toute façon, un moteur flat-twin influe de façon significative le comportement d’une moto, c’est physique. Mais les GS
sont évidemment conçues en fonction. Et c’est finalement à la monte pneumatique que revient le dernier mot, elle qui rendra la moto potentiellement hésitante à l’inscription, moins à l’aise sur le mouillé, éventuellement instable en ligne droite, etc. Attention donc au choix des gommes ainsi qu’à leur usure. Reste que d’une manière générale, une R 1200 GS à air ou liquide, à l’instar d’une R 1250 GS, n’apparaît pas comme une fine lame aux yeux des plus sportifs. En effet, si l’une comme l’autre savent aller vite, à l’attaque, une GS n’est pas le trail routier le plus précis qui soit. Répartition des masses, inertie du flat, fonction antiplongée du Telelever : non, les GS ne sont pas les plus efficaces de leur catégorie quand vient l’heure d’envoyer du lourd. Cela dit, qu’elles ne soient pas les reines du chrono, on vous l’accorde, on s’en balance. Pourvu qu’elles nous régalent en solo et en duo, par beau temps comme dans des conditions moins évidentes : et pour tout cela, c’est sûr, on peut compter sur elles. Bien sûr que la R 1200 GS à « air et huile » mérite elle aussi la note maximale ! Alors d’accord, son groupe motopropulseur n’offre pas la même docilité que celle servie par ses descendantes – ceci étant caractérisé, entre autres, par une commande d’embrayage exigeant davantage de poigne. Également, l’effet de couple de renversement et du petit supplément de frein moteur influent sur le comportement dynamique. En attendant, la progressivité du mécanisme d’embrayage à sec n’a rien à envier à son comparse multidisque en bain d’huile, tout juste peuton lui reprocher de ne pas être capable d’encaisser aussi sereinement les mêmes sollicitations. Du genre de celles qui poussent à faire quelques idioties sur une seule roue par exemple... Au moins, à l’odeur de garnitures échauffées, on capte très rapidement le signal indiquant qu’il est temps de cesser de jouer. Autre trait de caractère : celui qui se manifeste à la façon d’une gentille rugosité de fonctionnement et qui rend ce moteur vraiment vivant, le tout dans une sonorité tellement évocatrice. Le groupe thermique y ajoute cette livraison de « good vibrations » au passage des 4 000 tr/min, terminant de faire de ce moteur (ici de presque 40 000 kilomètres) un compagnon décidément causant et très attachant. On retiendra aussi l’excellente prestation de la sélection : boîte lente mais précise, directe et confortable autant que parfaitement étagée. Les Boxer les plus récents y ajoutent les plaisirs du Quickshifter up & down. Celui équipant notre modèle 2007 nous étant d’ailleurs apparu plus conciliant que ne l’était celui de la R 1250 GS. Peutêtre était-ce dû à un manque de kilomètres
et donc de « rodage » de notre machine d’essai ? Ces blocs liquides se caractérisent par une vivacité bien supérieure et l’absence quasi totale de couple de renversement et de vibrations. C’est incroyablement bien élevé, presque fade mais terriblement efficace et reposant. Reste qu’en matière de reprises sur le dernier rapport depuis 60, 80, 100 et même 120 km/h, force est de reconnaître que nous n’avons pas constaté de suprématie venue du 1250... Certes, celui-ci était équipé d’une paire de valises pour un chargement total estimé à une trentaine de kilogrammes mais quand même... Nous attendions une nette domination, elle ne se manifeste finalement qu’au-delà de 140 km/h. Plus subtil encore : même la R 1200 GS de 2010 ne manquait pas d’arguments au moment de causer reprise avec la dernière débarquée en concessions ! Sacré vieux double arbre à air ! Enfin, les consommations : sur trajets strictement identiques (et même mode de conduite), nous avons relevé une moyenne de 5,87 litres/100 km pour la R 1250 GS, 5,85 litres/100 km pour la R 1200 GS 2017 et... 5,70 litres/100 km en faveur de la R 1200 GS de 2010 ! Intéressant n’est-ce pas ? Le freinage des GS dispense un feeling qui lui est propre. Sa capacité à mordre les disques lors de la prise de levier se veut plutôt discrète pour ensuite faire montre d’une montée en puissance d’abord bien marquée mais qui tend à décroître ensuite. Il convient donc de renvoyer un nouvel effort au levier si l’on souhaite appuyer davantage la fin de son freinage. Un mode d’emploi qui s’assimile heureusement très vite et de manière instinctive. Dans l’absolu, nous préférons les équipements offrant un mordant supérieur mais cela reste subjectif. Ici, la GS 2010 fait à peine montre d’un niveau inférieur aux deux autres mais reconnaissons que ces dernières ont su élever encore un peu plus le niveau. Plus surprenant, cette fameuse GS de 2010 d’essai n’était pas pourvue d’ABS. Une particularité rendue impossible depuis Euro 4 mais qui correspond à une époque où BMW Motorrad, qui souhaitait alors équiper toutes ses motos de l’ABS, s’était attiré la grogne de certains de ses clients. Du coup, le constructeur s’était ravisé un temps, laissant la possibilité à qui le voulait d’acheter une R 1200 GS vierge de toute option pour un prix plancher fixé sous les 14 000 €. Avec l’offre pléthorique du marché, il est toujours possible de dénicher auprès d’un
particulier une R 1200 GS « liquide » 2013 raisonnablement kilométrée (disons sous 60 000 km) pour environ 10 000 €. Mais est-ce bien celle qui vous gâtera le plus ? Une GS « à air » de 2010-2012 à kilométrage et options équivalents est globalement moins chère, plus simple, tout en étant bien plus communicative et honnêtement, tout aussi efficace. Évidemment, étant plus ancienne, elle peut éventuellement afficher quelques stigmates du quotidien. Toujours est-il que c’est elle la plus vivante et par là même, la plus attachante. Le cas 1250 demeure à part, considérant que celui ou celle qui ne jure que par le neuf ne sera pas concerné(e) par ce genre de réflexion. Et puis même si vous n’avez que faire de ce surplus de puissance en haut, au moins vous disposerez du superbe afficheur TFT comme des services SAV liés à l’achat neuf, évidemment. Mais ce sera en échange du prix fort, la 1250 ayant élevé encore un peu plus son tarif de base. n