Moto Revue

Zarco et le pari Honda

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

En acceptant de disputer les trois derniers Grands Prix avec la Honda du team LCR, Johann Zarco a fait le pari de relancer sa carrière en démontrant qu’il pouvait se relever de l’échec KTM et performer sur autre chose qu’une Yamaha.

Mis à pied par KTM au lendemain du Grand Prix de Saint-Marin, Johann Zarco était alors loin de s’imaginer qu’il bouclerait les trois dernières épreuves de la saison avec l’équipe Honda LCR. Explicatio­ns de Lucio Cecchinell­o, le patron du team italo-monégasque : « Quand on a pris la décision de laisser Taka (Nakagami) se faire opérer de l’épaule après le Grand Prix du Japon pour qu’il puisse être totalement rétabli pour les premiers tests 2020, j’ai d’abord pensé à Stefan Bradl, qui est le pilote d’essais du HRC. Mais les Japonais m’ont dit non, du fait d’un programme de tests très chargé et capital pour le développem­ent de la nouvelle moto. J’ai alors pensé à Johann qui était disponible. Et Honda m’a donné le feu vert pour lui faire une propositio­n. »

Une façon peu coûteuse d’évaluer la capacité du Français à rebondir après son échec chez KTM et à s’adapter à la RC213V, mais aussi le moyen, indirectem­ent, de mettre un coup de pression sur Jorge Lorenzo, totalement largué depuis son arrivée dans le team Honda Repsol. « Une situation inadmissib­le pour un triple champion du monde MotoGP, peste Alberto Puig, son team manager. Personne n’imaginait que l’on se retrouvera­it dans cette situation, Jorge le premier. » D’où l’idée que l’Espagnol pourrait jeter l’éponge à la fin de la saison. « Nous avons un contrat de deux ans et nous le respectero­ns, à moins qu’il ne décide de renoncer de son côté », précise toutefois le patron de l’équipe Honda Repsol. Auquel cas, Zarco pourrait être une option plus que sérieuse. Soit en intégrant directemen­t le team officiel Honda, soit en suppléant l’un des deux pilotes LCR qui pourrait être invité à changer de structure.

« On m’a bien dit de ne me faire aucune illusion, tempère le double champion du monde Moto2. Je suis bien conscient de la réalité, même si on peut penser que ces trois courses seront aussi un test. Je suis déjà très heureux qu’on m’ait donné cette chance. »

Découvrir la Honda en Australie n’était pas un cadeau, comment cela s’est-il passé ?

Rouler sur le mouillé en FP1 m’a permis de prendre mes marques avec la moto sur un rythme moins élevé que si j’avais attaqué directemen­t sur le sec. C’est plus facile dans ces conditions de remettre le cerveau à 300 km/h. Il y avait forcément du stress, d’autant qu’il y avait eu beaucoup de chutes en Moto2 juste avant qu’on prenne la piste. Il faisait frais et je n’avais pas envie de me faire surprendre, même si j’ai trouvé le contrôle du moteur assez sécurisant. J’avais un peu la sensation de rouler comme un débutant, mais les chronos n’étaient pas si ridicules.

En revanche, la première séance sur le sec a été un choc pour toi...

Carrément, j’avais l’impression d’être arrêté. Mais bon, petit à petit, c’est venu. J’ai gagné deux secondes entre mon premier et mon dernier run, tout cela en seulement 21 tours.

Les qualificat­ions ayant été annulées, tu t’es retrouvé quatorzièm­e sur la grille. Tu finis la course treizième, à seulement 17 secondes de Crutchlow, et loin devant Lorenzo...

La place n’était pas fantastiqu­e et l’écart sur le premier trop important. Mais d’un autre côté, pour une première avec cette moto, il y avait pas mal de points positifs. Je suis parti avec le pneu tendre à l’arrière car je n’avais pas pu tester le dur aux essais, et en fin de course, je manquais vraiment de grip à l’accélérati­on dans les virages à gauche. Mais j’ai pris du plaisir et je me suis battu avec Pol (Espargaro). C’était marrant car cette année, je n’avais encore jamais eu l’occasion de rivaliser avec lui.

À Sepang, tu as pu travailler dans des conditions plus stables. Et tu as tout de suite fait un bond en avant. La preuve, tu es passé direct en Q2 et tu as réussi à te qualifier sur la 3e ligne de la grille de départ...

Oui, j’étais vraiment content de mon samedi. Passer en Q2 m’a fait du bien. Tu sens que cette moto a un gros potentiel, j’aime beaucoup son moteur. Après, pour aller vite, il faut mettre beaucoup d’énergie dans le train avant. Il faut de la confiance, je suis en train de la retrouver.

Tu as fait un bon début de course, dans le Top 10, tu as toujours été devant Crutchlow qui a fini par tomber. Malheureus­ement, c’est ce qui t’est aussi arrivé à quatre tours du drapeau à damier quand Mir t’a percuté...

Il m’a accroché le guidon en essayant de me passer à l’intérieur. J’aurais fini à 15 secondes si je n’étais pas tombé. C’est quasiment la moitié de l’écart que je comptais sur le vainqueur en Australie alors que le circuit de Sepang est beaucoup plus long. C’est positif, j’ai encore progressé tout au long du week-end, je commence à utiliser la moto, je suis moins son passager. Il me manque encore un peu d’aisance, mais ça devrait être mieux à Valence.

En acceptant la propositio­n de Cecchinell­o, tu as tiré un trait sur le plan que Yamaha te proposait pour faire du testing. Que vas-tu faire si rien ne se libère chez Honda ? Tu penses à un retour en Moto2 ?

Pourquoi pas... J’ai compris que j’avais avant tout envie de courir. Pilote de test en MotoGP ne m’aurait pas permis de repousser mes limites. Jouer la gagne, c’est prendre des risques, c’est ce qui te rend vivant. On me dit que les pilotes qui ont fait l’aller-retour entre le MotoGP et le Moto2, comme Lowes et Lüthi, se sont cassé les dents. Mais qu’avaient-ils fait en Moto2 ?

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2 Si, en acceptant de disputer les trois derniers Grand Prix au guidon de la Honda de Nakagami, Zarco s’est fermé la porte d’un poste de test rider chez Yamaha, il est en pole position pour récupérer la moto de Lorenzo si celui-ci jetait l’éponge pour 2020. 3 Émacié et en pleine forme, Johann, contrairem­ent à ce que laisse penser cette photo, a retrouvé le sourire.
1 Avant de se faire couper en deux par Mir, Johann a montré, pour sa 2e course au guidon de la Honda, qu’il n’avait rien perdu de sa vélocité. Il était en bagarre pour la 8e place. 2 Si, en acceptant de disputer les trois derniers Grand Prix au guidon de la Honda de Nakagami, Zarco s’est fermé la porte d’un poste de test rider chez Yamaha, il est en pole position pour récupérer la moto de Lorenzo si celui-ci jetait l’éponge pour 2020. 3 Émacié et en pleine forme, Johann, contrairem­ent à ce que laisse penser cette photo, a retrouvé le sourire.
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