Moto Revue

« Dans ce business, la poignée de main reste capitale »

- Mike Leitner Team manager KTM

Mike, finir le championna­t avec un pilote convalesce­nt et un pilote de test, auriez-vous imaginé cela en début de saison ?

Dans la course, on ne peut que se confronter à la réalité. Ça ne sert à rien de rêver, seuls comptent les résultats. Si un pilote vient te trouver et te demande d'écourter son contrat, tu ne peux rien faire d'autre que d'accepter sa décision. Aucun constructe­ur, aucun team manager... Personne ne peut forcer un pilote à monter sur une moto s'il n'en a plus envie. Notre sport comporte d'énormes risques et sans confiance, tout s'arrête. Pit (Beirer, directeur Motorsport­s KTM) a été pilote de motocross (vicechampi­on du monde 250 en 1999), j'ai moi-même couru en Grands Prix de vitesse, nous savons ce que signifie monter sur une moto de course. Quand un pilote a décidé qu'il ne pouvait plus le faire, c'est terminé. D'un côté, j'ai beaucoup de respect pour Johann car j'apprécie les gens qui ont le courage de prendre des décisions, de l'autre, je ne m'attendais vraiment pas à ce qu'il quitte le navire avant la fin.

Quoi qu'il en soit, son rêve s'est brisé, le nôtre aussi. Chacun doit maintenant gérer les conséquenc­es de cet échec.

En tant que team manager, qu’aurez-vous appris de l’échec de Johann chez KTM ?

Que la course est un business difficile pour tout le monde, pour les pilotes et les technicien­s comme pour les constructe­urs. C'est une expérience que je n'avais jamais vécue, mais il n'est pas dit que je n'ai pas à l'éprouver de nouveau un jour ou l'autre. Le MotoGP est devenu un drôle de sport. Avant, chaque usine engageait deux ou quatre motos avec des pilotes qui s'en accommodai­ent. Aujourd'hui, ça ne marche plus comme ça. On a des motos avec lesquelles un pilote est capable d'exploits quand les autres n'y arrivent pas. On l'avait vu il y a dix ans chez Ducati où seul Stoner parvenait à exploiter la D16. Hayden, Melandri... tous les autres étaient perdus. Désormais, on assiste chez Honda à une situation identique avec une moto qui ne gagne qu'avec un seul pilote.

Tout le monde peut se retrouver là.

Cela souligne combien le « package » est important : le pilote, la moto, la mentalité du groupe de travail, l'approche du projet...Tout peut partir de travers dans n'importe quelle équipe. Il faut s'attendre à d'autres surprises de ce genre.

D’où l’importance de ne pas se tromper quand on recrute. N’avez-vous pas engagé Johann Zarco trop tôt ? N’auriez-vous pas dû vous renseigner davantage sur son profil psychologi­que ?

Quand on a eu cette occasion de le signer à la fin de la saison 2017, on ne pouvait pas la laisser passer. Deux titres de champion du monde Moto2, meilleur débutant en MotoGP... On était persuadé que Johann ferait au moins aussi bien que Pol.Tout le problème est lié à ce qu'est devenu le business du MotoGP. Avant, on commençait à discuter au mois d'août pour les contrats de la saison à venir. Maintenant, les accords se font plus d'un an à l'avance. Les pilotes euxmêmes sont contraints à s'engager sans avoir d'idée sur le niveau qu'aura le matériel qu'on leur propose.Tout le monde se plaint, mais c'est ainsi.

Pourquoi ne pas mettre en place une fenêtre pour le mercato ? Cela existe dans d’autres sports.

C'est illusoire. On n'empêchera jamais les discussion­s autour d'un café. Dans ce business, la poignée de main reste capitale. Les papiers, on peut toujours les signer plus tard.

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