Moto Revue

Danilo Petrucci « J’ai souvent pensé à chercher un autre job »

Après avoir longtemps occupé la 3e place du classement général, Danilo Petrucci se bat aujourd’hui pour ne pas terminer la saison au-delà de la 5e position. Une baisse de régime qu’il essaie d’enrayer pour préserver l’avenir.

- Par Michel Turco. Photo Jean-Aignan Museau.

Danilo, depuis la reprise du championna­t début août, ton meilleur résultat est une septième place en Grande-Bretagne. Comment expliques-tu ce décrochage ?

Je ne cache pas mes difficulté­s mais j’ai un peu de mal à me les expliquer. Il y a une part de mental dans tout ça. Me retrouver cet été à la troisième place du championna­t avec vingt points de retard sur Marquez m’a perturbé. Je ne m’attendais pas à me retrouver là, et j’ai commencé à me coller la pression. En Autriche, j’ai fait une grossière erreur en qualificat­ion et je me suis retrouvé 12e sur la grille. En course, je me suis accroché avec Crutchlow et je me suis retrouvé seizième.

J’ai eu du mal à remonter pour finir neuvième. Même topo à Silverston­e, avec une mauvaise place sur la grille qui ruine ma course avant même le départ. J’ai ainsi failli me retrouver par terre avec Dovizioso et Quartararo au premier virage. Je parviens malgré tout à finir ce Grand Prix à la septième place. Mais les véritables problèmes ont commencé à Misano et à Aragon, sur des circuits où l’on s’est mis à manquer de grip. Mon gabarit et mon pilotage font que je peux être très rapide quand j’ai du grip. Je peux rentrer fort dans les virages en utilisant la roue arrière pour me ralentir, et puis accélérer après avoir fait tourner la moto. Malheureus­ement, sur des tracés comme Brno, Aragon, Misano, Buriram, mon style ne m’aide pas. Je n’arrive pas à me ralentir correcteme­nt en entrée de virage et je galère. Ça n’est pas un secret. On a identifié le problème, on sait ce que l’on doit améliorer, mais cela prend du temps. Et puis je dois également modifier mon pilotage...

C’est-à-dire ?

On travaille sur les réglages pour changer l’équilibre de la moto, et de mon côté, je m’emploie à utiliser différemme­nt ma poignée de gaz.

Cette année, les Michelin sont sensibleme­nt différents du fait d’un nouveau procédé de fabricatio­n. Cela a, semble-t-il, aidé Yamaha. Qu’en est-il pour Ducati ?

Les pneus sont globalemen­t un peu plus tendres, et c’est peut-être l’un des facteurs qui font qu’on a un perdu un avantage sur nos adversaire­s. Le moteur de la Honda est aussi plus performant que l’an dernier... Ce qui est sûr c’est que depuis plusieurs courses, j’ai des problèmes de gestion de la glisse. Mais ça n’est pas une excuse puisqu’avec la même moto, Andrea et Jack (Miller) arrivent à monter sur le podium alors que je finis très loin d’eux. Pour en revenir à ta question, je ne veux pas me plaindre de Michelin, c’est normal qu’ils fassent des pneus pour essayer d’aider tout le monde. Et puis tout n’est pas lié aux pneus, je l’ai dit, on a couru sur des circuits où le niveau du grip était très bas. Cela ne m’a jamais aidé.

Dovi continue à se plaindre du fait que la Ducati est toujours aussi sous-vireuse. Qu’en penses-tu ?

Andrea s’en sort pourtant mieux que moi car il utilise davantage l’avant de la moto pour tourner. Et pour s’arrêter également.

Mon problème, c’est que j’ai toujours eu plus besoin de l’arrière. Je ne peux pas rentrer dans un virage la roue arrière en l’air. Quand je peux m’arrêter en entrée de virage, je ne trouve pas la moto sous-vireuse. Et puis c’est difficile pour moi de dire que la Ducati tourne moins bien qu’une autre puisque depuis 2015, je n’ai piloté que des Desmosedic­i.

Je ne peux pas faire de comparaiso­n.

Il semblerait qu’il y ait pas mal de tension dans l’équipe depuis cet été, la relation entre Dovi et Dall’Igna est compliquée... Comme vis-tu cela ?

Je me tiens loin de tout ça, je ne lis pas les journaux... Je m’informe avec Twitter en suivant les personnes que je connais. Dans la presse, les titres font souvent peur (il rit). Personnell­ement, je ne rencontre de difficulté­s qu’avec celui qui vient me voir, me tape sur l’épaule et me dit :

« On a un problème. » Si personne ne vient me trouver, c’est que tout va bien.

Tu as assuré ta place pour 2020 en gagnant le Grand Prix d’Italie début juin. Il y a néanmoins chez Ducati des personnes qui continuent à penser qu’il aurait mieux valu garder Lorenzo. Ça n’est pas pénible à vivre ?

Bien sûr, plein de gens le pensent. Comme je l’ai dit, je suis celui que Ducati a choisi à un moment où j’avais inscrit davantage de points que Jorge. Et si Jorge n’est pas resté l’an dernier, c’est aussi parce qu’après Le Mans, il regardait ailleurs. Finalement, c’est plutôt lui qui a choisi de partir. Ça n’est qu’après que j’ai été choisi pour le remplacer.

Mais quand tu entends que Dall’Igna a essayé de le faire revenir cet été, ça te fait quoi ?

Je ne peux pas me comparer à Jorge. J’ai gagné une course, il a remporté cinq titres de champion du monde. Gigi est quelqu’un qui cherche à gagner par tous les moyens, c’est sa mentalité. Le reste importe peu. Qu’il ait voulu faire revenir Jorge chez Ducati me semble logique. À vrai dire, cela ne m’a rendu ni triste, ni heureux. J’étais OK avec ça. Et si ça avait fonctionné, eh bien, j’aurais eu

une occasion supplément­aire de me mesurer à un quintuple champion du monde.

Au final, le principal problème de Ducati, ça ne serait pas plutôt Marquez ?

Marc est un problème pour tous les adversaire­s de Honda. Cette année,

Dovi, Viñales, Rins et moi, on l’a battu une ou deux fois chacun. Pas plus. Cela veut dire que Marc n’a pas de véritable rival. Un coup, c’est l’un, un coup, c’est l’autre, mais ça n’est jamais le même. Et puis cette année, il a une meilleure moto, enfin une moto qui lui convient bien et avec laquelle il est pratiqueme­nt imbattable.

Après ta victoire au Mugello, tu t’es pratiqueme­nt excusé d’avoir battu ton coéquipier. Ces mots t’ont fait passer pour un pilote sans ambition, les regrettes-tu ?

Ils ont été mal interprété­s. J’ai toujours aidé Dovi et Dovi m’aide aussi. On s’aide aux essais en travaillan­t ensemble, je lui sers souvent de repère et lui m’aide à mieux à utiliser la moto. Idem quand on s’entraîne en motocross où je suis un peu meilleur que lui. En revanche, en course, il a toujours été clair entre nous qui s’il fallait se bagarrer ensemble jusqu’au dernier virage, chacun tenterait sa chance.

Cet état d’esprit, c’est Dovi qui l’a insufflé, ça n’est pas Ducati qui en a eu l’idée.

À la fin de la saison prochaine, tout le monde sera libre et cherchera un nouveau contrat pour 2021. Comment vois-tu ton avenir ?

Bien évidemment, j’aimerais rester là où je suis le plus longtemps possible. Pour cela, la seule chose que je peux faire, c’est d’être toujours plus performant. Et si cela ne suffit pas et qu’un autre pilote, plus rapide que moi, est intéressé par une place chez Ducati... Eh bien je ne pourrai rien y faire. Dans la vie, j’estime avoir beaucoup de chance de vivre de ma passion. J’ai souvent pensé à chercher un autre job. J’aime le rallye-raid et j’aimerais m’y essayer une fois car j’adore le tout-terrain.

Quand je dis que j’ai de la chance c’est parce que dans ce sport, il y a toujours des opportunit­és. Pour l’instant, je serai satisfait l’an prochain si je parviens à me donner à 100 %. Et si cela ne suffit pas pour rester là, eh bien, je regarderai si je peux trouver une place dans une autre équipe. Ou alors je quitterai le MotoGP.

Tu aimerais faire une course comme le Dakar ?

Oui, j’ai déjà parlé avec pas mal de pilotes qui sont passés d’une discipline à l’autre. Je suis très curieux et j’aime le rallye-raid parce que c’est l’opposé du MotoGP. Ici, tu passes tout ton temps derrière un écran d’ordinateur à étudier des données au lieu de rouler. En rallye, tu montes sur ta moto à 5 h 00 du matin et tu en descends à 5 h 00 de l’après-midi. Tu passes la journée à rouler seul et à résoudre seul tes problèmes. J’adorerais vivre ça. Et puis comme ça, je pourrais dire que j’ai couru avec plus ou moins tous les types de motos qui existent.

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