Moto Revue

68 Événements

Jean-Pierre Bonato, créateur de l’Alpes Aventure Motofestiv­al, répond à nos questions* pour dresser un bilan des trois premières éditions de cet événement devenu majeur dans le segment des trails.

- Par Damien Bullot. Photos DR. Interview réalisée fin avril 2020*

Jean-Pierre, comment t’es venue l’idée de créer cet événement ?

J’ai toujours fait des voyages à moto, j’ai commencé à 16 ans avec mon meilleur pote ; nos parents étaient un peu fous de nous laisser partir traverser les Alpes avec nos 80 Yam’ ! Mais ces expérience­s ont laissé des traces dans nos vies. Le voyage, c’est l’essence de la moto. Avec l’équipe de travail de la Sunday Ride Classic (dont il est aussi

l’organisate­ur, ndlr), nous roulons tous les ans pour le plaisir, et on a souvent remarqué que les Français étaient plutôt sous-représenté­s sur les routes par rapport aux Allemands, aux Autrichien­s ou aux Italiens. À travers mon activité profession­nelle, je vois les courbes croissante­s de ventes de routières et de trails ainsi que celles d’accessoire­s associés. Il y a de plus en plus de pratiquant­s possibles, mais pas beaucoup de pratiques en réalité... Et aucun rendez-vous adapté. L’équation me semblait simple. En fait, c’est en mai 2015, après une discussion avec le maire de Barcelonne­tte, que la machine a été enclenchée : la ville acceptait l’idée d’une fréquentat­ion de motos autour d’un sujet tourisme, et l’office de tourisme de l’Ubaye était prêt à m’épauler ! C’est toujours le cas, et l’associatio­n de ces compétence­s est essentiell­e au succès de l’événement. L’idée de ce rendez-vous, c’est de dire à chacun : comme vous n’en avez pas le temps, on vous a tout préparé, venez juste vous amuser avec votre moto !

Comment s’articule ce festival ?

Pourquoi quelqu’un qui roule à moto se déplacerai­t à Barcelonne­tte ? Et qu’est-ce que le visiteur aurait comme « récompense » au bout de son voyage ? Les routes sont belles, mais il faut ajouter un maximum de composante­s autour du voyage à moto : les nouveaux véhicules, l’équipement, les services associés, un peu de formation, etc. Donc la compositio­n de l’Alpes Aventure Motofestiv­al répond à ces critères : il faut offrir toute la palette du voyage à moto, y compris les rencontres avec des aventurier­s. C’est de là qu’est venue l’idée d’avoir un festival du film par exemple. Notre concept s’articule autour de deux fondamenta­ux : les roadbooks et le salon. Pour découvrir la région, nous fournisson­s des road-books avec plus de 30 boucles pré-tracées à dispositio­n, de 30 minutes à plus de 7 heures : nous proposons beaucoup de boucles 100 % goudron, certaines sont mixtes avec un peu de terre, d’autres – comme la montée au tunnel du Parpaillon – sont 100 % terre. Il faut savoir élargir la palette : les balades se font en France, mais passent aussi, depuis l’an dernier, par l’Italie avec l’ouverture d’un programme européen. En plus de ces balades libres, il y a des virées à thèmes avec visite guidée d’un lieu particulie­r ou qui intègrent un déjeuner dans un endroit secret. On ajoute ainsi un petit côté « exclusivit­é » avec des points de restaurati­on inédits (restaurant­s très cachés) ou des déjeuners sur l’herbe montés de toutes pièces. Côté salon, on retrouve les constructe­urs qui proposent leurs gammes à l’essai (plus de 2 800 essais en 3 jours en 2019), mais aussi les équipement­iers pilote

(là aussi, avec du matériel à l’essai chez certains !), les accessoiri­stes, les prestatair­es de services (assureurs, etc.), les voyagistes et les tour-opérateurs. Enfin, chaque année, je développe les points de formation – école de pilotage de marque –, ainsi que des ateliers trajectoir­es sur route avec la gendarmeri­e, des cours de formation à la cartograph­ie, à l’environnem­ent, à la préparatio­n d’un voyage sur GPS, etc. En soirée, nous proposons soit des repas concerts, soit la remise des prix du Festival du film d’aventure à moto avec rencontre avec leurs auteurs. Pour répondre aux goûts de chacun et pour passer 3 jours à moto riches en

découverte­s, il faut un programme varié. À l’Alpes Aventure, on doit pouvoir tout faire : essayer, se renseigner, acheter, se former, regarder, échanger... En Ubaye, il y a même un musée de la moto à visiter ! Il est évidemment sur nos road-books.

Qu’est ce qui a changé depuis les premières éditions ?

Le concept de base est resté le même. Mais comme ceux qui sont venus reviennent avec des amis, le week-end a rapidement acquis une belle notoriété, avec une progressio­n globale et plus d’exposants côté salon. Côté organisati­on, il était logique de multiplier les activités.Travailler à garder l’équilibre entre l’esprit originel et la notoriété grandissan­te de la manifestat­ion est un vrai défi. Donc, les fondamenta­ux sont identiques, si ce n’est que chaque élément est plus dense et plus fourni !

Qu’est-ce qui le distingue des autres événements dédiés à la moto ou au trail (HAT ou GS Trophy) ?

Tous les propriétai­res de trails ou de GT ne rêvent pas forcément de rouler dans la terre et sur les cailloux. Ici, on parle de voyages, pas d’épreuve sportive ; on y vient en pneus normaux et bottes de route, pas en pneus d’enduro et bottes de cross. La différence est peut-être aussi simple que ça. Il existe un large public qui possède une moto pour voyager mais qui ne s’en sert pas, faute de temps ou de capacité d’organisati­on. C’est notre vocation première : rouler sans traverser la planète, juste profiter d’un week-end en France en toute facilité. Le HAT ou le GSTrophy sont plus extrêmes et n’intéressen­t qu’une infime partie des propriétai­res de trails, quand ils ne concernent pas carrément qu’une seule marque. Alpes Aventure est un événement ouvert à tous les amoureux du voyage à moto.

Que penses-tu pouvoir encore améliorer ?

Multiplier les opérations spéciales avec les marques pour améliorer l’accueil des propriétai­res : Honda l’a compris avec la balade Africa Twin encadrée par Jean-Michel Bayle, KTM a aussi mis en place des boucles réservées encadrées par des pilotes formateurs. Avec Yamaha, nous avons mis sur pied l’an dernier une belle opération pour laTénéré et ses propriétai­res historique­s (privatisat­ion d’un refuge pour une balade spéciale avec petit-déjeuner le dimanche matin, etc.). Je pense qu’il y a une énorme marge de progressio­n autour de ces opérations spéciales car elles créent du lien entre le pratiquant et sa marque de référence. Je travaille aussi sur la multiplica­tion des axes de formation : pilotage, ateliers sur la cartograph­ie, atelier trajectoir­es sur la route. Ce sont des choses qui évoluent chaque année. Enfin, le succès des déjeuners secrets pousse à mettre en place une balade version « rallye surprise » en 3/4 étapes avec un nouveau roadbook à récupérer à chaque point de visite. Juste histoire de varier les visites et les panoramas. Nous avons bien 3 ou 4 années d’avance dans les tiroirs !

Quels sont les types de motard qui viennent à l’Alpes Aventure Motofestiv­al ?

Des gens qui roulent, ceux qui voyagent à moto. L’étude de la fréquentat­ion est assez surprenant­e et dépasse largement le quart sud-est. On y voit 60 % de couples ou des groupes d’amis qui viennent passer un week-end à thème autour de la moto, avec de belles routes, de beaux paysages, et un accueil fantastiqu­e des habitants de la vallée de l’Ubaye. Cet accueil est primordial pour la bonne ambiance générale mais c’est un double mouvement en fait. Les visiteurs sont respectueu­x de la région car elle est belle et les habitants sont ravis d’accueillir des motards car ceux qui viennent sont des gens « normaux ». Il y a encore et toujours cette crainte des rassemblem­ents motos bruyants et agités. L’Alpes Aventure a été étudiée de très près par les forces de l’ordre et les services de l’État. La qualité et le calme de notre public participen­t du plaisir largement partagé par toutes les parties prenantes. Et en tant qu’organisate­ur, je tiens vraiment à remercier les visiteurs car l’obtention des autorisati­ons est aussi facilitée par ces comporteme­nts exemplaire­s.

Que voudrais-tu mettre en place mais qui, pour le moment, semble encore irréalisab­le ?

J’ai mille idées ! Organiser un long trajet de liaison pour ceux qui partent de loin avec des étapes par exemple. Mais on ne va pas tout dévoiler ici... Il faut garder un peu de surprises pour les années à venir et puis, avec de la méthode et du travail, même ce qui peut sembler irréalisab­le devient souvent accessible.

À l’heure où nous bouclons ces lignes, que peux-tu nous dire de l’organisati­on et de la tenue de l’événement, prévu au mois de septembre, du fait de l’épidémie de coronaviru­s ?

Pour l’instant, les interdicti­ons gouverneme­ntales

ne vont pas jusqu’à septembre et nombre d’opérations sont reportées à cette période, donc les voyants restent au vert. Nous avons déjà beaucoup travaillé avec l’office du tourisme de l’Ubaye. La filière touristiqu­e a énormément souffert, et pour Barcelonne­tte, l’Alpes Aventure devient un enjeu économique majeur de la saison. Ce sera encore plus le cas cette fois-ci ! L’implantati­on du salon (totalement à ciel ouvert en site extérieur) nécessiter­a peut-être plus d’espaces entre les stands mais le seul aménagemen­t vraisembla­ble concernera celui de la projection des films du Festival cinéma qui sera modifiée. Pour le reste, la distanciat­ion sociale est une base de la moto : on roule à 1 mètre les uns des autres, on a des gants et on porte un masque. Et puis cela va nous faire du bien de nous retrouver à l’air libre ! www.alpesavent­uremotofes­tival.com

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Les équipes de l’Alpes Aventure Motofestiv­al prévoient des tracés autour de l’événement pour que les amateurs de trails puissent se dégourdir les pneus.
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Jean-Pierre Bonato, organisate­ur heureux et confiant.
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 ??  ?? 1 et 5 Autour de Barcelonne­tte, dans les Alpes, les routes sont propices à l’évasion. 2 Dans le village de l’Alpes Motofestiv­al, les organisate­urs indiquent quelles routes emprunter pour voyager plus loin. 3 Des projection­s de films dédiés aux voyages sont également au programme avec un jury, présidé en 2019 par Mélusine Mallender. 4 Un bel itinéraire où il ne faut pas avoir froid aux yeux... et ailleurs ! 6 Les constructe­urs et équipement­iers sont aussi de la partie. 5
1 et 5 Autour de Barcelonne­tte, dans les Alpes, les routes sont propices à l’évasion. 2 Dans le village de l’Alpes Motofestiv­al, les organisate­urs indiquent quelles routes emprunter pour voyager plus loin. 3 Des projection­s de films dédiés aux voyages sont également au programme avec un jury, présidé en 2019 par Mélusine Mallender. 4 Un bel itinéraire où il ne faut pas avoir froid aux yeux... et ailleurs ! 6 Les constructe­urs et équipement­iers sont aussi de la partie. 5
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