68 Événements
Jean-Pierre Bonato, créateur de l’Alpes Aventure Motofestival, répond à nos questions* pour dresser un bilan des trois premières éditions de cet événement devenu majeur dans le segment des trails.
Jean-Pierre, comment t’es venue l’idée de créer cet événement ?
J’ai toujours fait des voyages à moto, j’ai commencé à 16 ans avec mon meilleur pote ; nos parents étaient un peu fous de nous laisser partir traverser les Alpes avec nos 80 Yam’ ! Mais ces expériences ont laissé des traces dans nos vies. Le voyage, c’est l’essence de la moto. Avec l’équipe de travail de la Sunday Ride Classic (dont il est aussi
l’organisateur, ndlr), nous roulons tous les ans pour le plaisir, et on a souvent remarqué que les Français étaient plutôt sous-représentés sur les routes par rapport aux Allemands, aux Autrichiens ou aux Italiens. À travers mon activité professionnelle, je vois les courbes croissantes de ventes de routières et de trails ainsi que celles d’accessoires associés. Il y a de plus en plus de pratiquants possibles, mais pas beaucoup de pratiques en réalité... Et aucun rendez-vous adapté. L’équation me semblait simple. En fait, c’est en mai 2015, après une discussion avec le maire de Barcelonnette, que la machine a été enclenchée : la ville acceptait l’idée d’une fréquentation de motos autour d’un sujet tourisme, et l’office de tourisme de l’Ubaye était prêt à m’épauler ! C’est toujours le cas, et l’association de ces compétences est essentielle au succès de l’événement. L’idée de ce rendez-vous, c’est de dire à chacun : comme vous n’en avez pas le temps, on vous a tout préparé, venez juste vous amuser avec votre moto !
Comment s’articule ce festival ?
Pourquoi quelqu’un qui roule à moto se déplacerait à Barcelonnette ? Et qu’est-ce que le visiteur aurait comme « récompense » au bout de son voyage ? Les routes sont belles, mais il faut ajouter un maximum de composantes autour du voyage à moto : les nouveaux véhicules, l’équipement, les services associés, un peu de formation, etc. Donc la composition de l’Alpes Aventure Motofestival répond à ces critères : il faut offrir toute la palette du voyage à moto, y compris les rencontres avec des aventuriers. C’est de là qu’est venue l’idée d’avoir un festival du film par exemple. Notre concept s’articule autour de deux fondamentaux : les roadbooks et le salon. Pour découvrir la région, nous fournissons des road-books avec plus de 30 boucles pré-tracées à disposition, de 30 minutes à plus de 7 heures : nous proposons beaucoup de boucles 100 % goudron, certaines sont mixtes avec un peu de terre, d’autres – comme la montée au tunnel du Parpaillon – sont 100 % terre. Il faut savoir élargir la palette : les balades se font en France, mais passent aussi, depuis l’an dernier, par l’Italie avec l’ouverture d’un programme européen. En plus de ces balades libres, il y a des virées à thèmes avec visite guidée d’un lieu particulier ou qui intègrent un déjeuner dans un endroit secret. On ajoute ainsi un petit côté « exclusivité » avec des points de restauration inédits (restaurants très cachés) ou des déjeuners sur l’herbe montés de toutes pièces. Côté salon, on retrouve les constructeurs qui proposent leurs gammes à l’essai (plus de 2 800 essais en 3 jours en 2019), mais aussi les équipementiers pilote
(là aussi, avec du matériel à l’essai chez certains !), les accessoiristes, les prestataires de services (assureurs, etc.), les voyagistes et les tour-opérateurs. Enfin, chaque année, je développe les points de formation – école de pilotage de marque –, ainsi que des ateliers trajectoires sur route avec la gendarmerie, des cours de formation à la cartographie, à l’environnement, à la préparation d’un voyage sur GPS, etc. En soirée, nous proposons soit des repas concerts, soit la remise des prix du Festival du film d’aventure à moto avec rencontre avec leurs auteurs. Pour répondre aux goûts de chacun et pour passer 3 jours à moto riches en
découvertes, il faut un programme varié. À l’Alpes Aventure, on doit pouvoir tout faire : essayer, se renseigner, acheter, se former, regarder, échanger... En Ubaye, il y a même un musée de la moto à visiter ! Il est évidemment sur nos road-books.
Qu’est ce qui a changé depuis les premières éditions ?
Le concept de base est resté le même. Mais comme ceux qui sont venus reviennent avec des amis, le week-end a rapidement acquis une belle notoriété, avec une progression globale et plus d’exposants côté salon. Côté organisation, il était logique de multiplier les activités.Travailler à garder l’équilibre entre l’esprit originel et la notoriété grandissante de la manifestation est un vrai défi. Donc, les fondamentaux sont identiques, si ce n’est que chaque élément est plus dense et plus fourni !
Qu’est-ce qui le distingue des autres événements dédiés à la moto ou au trail (HAT ou GS Trophy) ?
Tous les propriétaires de trails ou de GT ne rêvent pas forcément de rouler dans la terre et sur les cailloux. Ici, on parle de voyages, pas d’épreuve sportive ; on y vient en pneus normaux et bottes de route, pas en pneus d’enduro et bottes de cross. La différence est peut-être aussi simple que ça. Il existe un large public qui possède une moto pour voyager mais qui ne s’en sert pas, faute de temps ou de capacité d’organisation. C’est notre vocation première : rouler sans traverser la planète, juste profiter d’un week-end en France en toute facilité. Le HAT ou le GSTrophy sont plus extrêmes et n’intéressent qu’une infime partie des propriétaires de trails, quand ils ne concernent pas carrément qu’une seule marque. Alpes Aventure est un événement ouvert à tous les amoureux du voyage à moto.
Que penses-tu pouvoir encore améliorer ?
Multiplier les opérations spéciales avec les marques pour améliorer l’accueil des propriétaires : Honda l’a compris avec la balade Africa Twin encadrée par Jean-Michel Bayle, KTM a aussi mis en place des boucles réservées encadrées par des pilotes formateurs. Avec Yamaha, nous avons mis sur pied l’an dernier une belle opération pour laTénéré et ses propriétaires historiques (privatisation d’un refuge pour une balade spéciale avec petit-déjeuner le dimanche matin, etc.). Je pense qu’il y a une énorme marge de progression autour de ces opérations spéciales car elles créent du lien entre le pratiquant et sa marque de référence. Je travaille aussi sur la multiplication des axes de formation : pilotage, ateliers sur la cartographie, atelier trajectoires sur la route. Ce sont des choses qui évoluent chaque année. Enfin, le succès des déjeuners secrets pousse à mettre en place une balade version « rallye surprise » en 3/4 étapes avec un nouveau roadbook à récupérer à chaque point de visite. Juste histoire de varier les visites et les panoramas. Nous avons bien 3 ou 4 années d’avance dans les tiroirs !
Quels sont les types de motard qui viennent à l’Alpes Aventure Motofestival ?
Des gens qui roulent, ceux qui voyagent à moto. L’étude de la fréquentation est assez surprenante et dépasse largement le quart sud-est. On y voit 60 % de couples ou des groupes d’amis qui viennent passer un week-end à thème autour de la moto, avec de belles routes, de beaux paysages, et un accueil fantastique des habitants de la vallée de l’Ubaye. Cet accueil est primordial pour la bonne ambiance générale mais c’est un double mouvement en fait. Les visiteurs sont respectueux de la région car elle est belle et les habitants sont ravis d’accueillir des motards car ceux qui viennent sont des gens « normaux ». Il y a encore et toujours cette crainte des rassemblements motos bruyants et agités. L’Alpes Aventure a été étudiée de très près par les forces de l’ordre et les services de l’État. La qualité et le calme de notre public participent du plaisir largement partagé par toutes les parties prenantes. Et en tant qu’organisateur, je tiens vraiment à remercier les visiteurs car l’obtention des autorisations est aussi facilitée par ces comportements exemplaires.
Que voudrais-tu mettre en place mais qui, pour le moment, semble encore irréalisable ?
J’ai mille idées ! Organiser un long trajet de liaison pour ceux qui partent de loin avec des étapes par exemple. Mais on ne va pas tout dévoiler ici... Il faut garder un peu de surprises pour les années à venir et puis, avec de la méthode et du travail, même ce qui peut sembler irréalisable devient souvent accessible.
À l’heure où nous bouclons ces lignes, que peux-tu nous dire de l’organisation et de la tenue de l’événement, prévu au mois de septembre, du fait de l’épidémie de coronavirus ?
Pour l’instant, les interdictions gouvernementales
ne vont pas jusqu’à septembre et nombre d’opérations sont reportées à cette période, donc les voyants restent au vert. Nous avons déjà beaucoup travaillé avec l’office du tourisme de l’Ubaye. La filière touristique a énormément souffert, et pour Barcelonnette, l’Alpes Aventure devient un enjeu économique majeur de la saison. Ce sera encore plus le cas cette fois-ci ! L’implantation du salon (totalement à ciel ouvert en site extérieur) nécessitera peut-être plus d’espaces entre les stands mais le seul aménagement vraisemblable concernera celui de la projection des films du Festival cinéma qui sera modifiée. Pour le reste, la distanciation sociale est une base de la moto : on roule à 1 mètre les uns des autres, on a des gants et on porte un masque. Et puis cela va nous faire du bien de nous retrouver à l’air libre ! www.alpesaventuremotofestival.com