Moto Revue

Rouler aux USA

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Participer à un raid similaire est tout à fait possible pour les pilotes venant de France. Kevin adore rencontrer des pilotes d’autres cultures, et les Américains sont d’un naturel prévenant et très agréable, même si vous n’êtes pas doué en anglais. En revanche, mieux vaut avoir un bon physique et un niveau correct en tout-terrain, car les conditions peuvent changer et passer rapidement du très facile au très dur selon la météo... Sur son site (www.gpskevinad­venturerid­es.com), les raids à venir sont indiqués, et on peut réserver une place directemen­t auprès de Kevin. Une fois votre Esta validé sur le site du gouverneme­nt américain et le billet d’avion dans la poche, reste le problème de la moto. En louer une n’est pas forcément chose aisée pour un usage tout-terrain et avec de tels kilométrag­es. Mais Kevin pourra peut-être vous aiguiller et trouver une solution, le garçon a de la ressource !

sont variées, le ciel dégagé et les vues des sommets juste comme on les aime ; superbes. L’arrivée sur le lac Chelan est la cerise sur le gâteau avec un hôtel disposant de sa plage privée... Le lendemain, même topo, mais les pistes se font plus techniques au fur et à mesure qu’on monte en altitude. Les arbres morts donnent par endroits une atmosphère assez surréalist­e qui ajoute à l’étrangeté du décor et au stress de chuter dans le vide… Sagement, le pilote du side-car a opté pour la trace verte, restant sur la route jusqu’à Naches. Pour le troisième et dernier jour dans l’État, la pluie s’invite. Heureuseme­nt, les pistes forestière­s sont en bonne terre et malgré l’humidité, ce n’est pas boueux. En l’absence de poussière, ça permet même de rouler plus vite, et en groupe. La piste pouvant être fréquentée par d’autres usagers, généraleme­nt au volant de gros pick-up, mieux vaut garder la tête froide et ne pas se tirer la bourre trop longtemps.

Ou du moins, éviter d’attaquer tous les virages à gauche en aveugle, poignée dans le coin. Plus facile à dire qu’à faire, mais chacun roule avec une petite retenue, ce qui est l’avantage certain d’avoir, pour la plupart, la cinquantai­ne passée et plus rien à prouver en termes de pilotage. D’ailleurs, la traversée de la Hood River, sur un pont métallique balayé par des vents violents, est un grand moment d’angoisse, où il est difficile de ne pas se voir écrasé par un des poids lourds venant en sens inverse... L’arrivée au Timberline Lodge, palace historique construit en montagne avec vue sur le mont Hood, se fait de nuit et par des températur­es polaires. On se croirait arrivé au repaire du comte Dracula... Pas étonnant que le site ait servi au tournage du film Shining avec Jack Nicholson. À l’intérieur, boiseries et restaurant­s aux plats trop copieux rassurent les équipages. Cet hébergemen­t exceptionn­el réchauffe les membres glacés, mais le moral reste en berne : quid des conditions le lendemain ? Avec un thermomètr­e bloqué autour des - 5 °C, le départ aux aurores se fait avec combinaiso­n de pluie, gants fourrés et foulard sur le visage. Les motos, elles, ronronnent sans se soucier de leurs pilotes frigorifié­s.

Pas de fumée sans feu

Bah, c’est l’occasion de goûter les tartes artisanale­s aux fruits rouges dans l’une des petites stations-service en rondins qu’on croise tous les cent kilomètres au milieu de ces forêts primitives... Il faut bien récupérer un peu de calories, et puis ça change des barres de céréales qu’on avale d’ordinaire ! L’après-midi, en approchant de la ville touristiqu­e de Bend, on évolue dans une tout autre atmosphère : le soleil est revenu et les pistes en latérite rouge très poussiéreu­ses rappellent l’Afrique et le Dakar. Mais les incendies des dernières années ont réduit les forêts à leur minimum, et les arbres morts donnent l’impression d’évoluer dans un décor en noir et blanc, sous l’oeil indifféren­t des « Three Sisters », les montagnes jumelles entourant la ville. Le sol est recouvert par endroits d’une sorte de sable très fin, ici appelé « silt », qui cache souvent des cailloux ou des ornières traîtresse­s. Mieux vaut rendre la main et faire attention si on ne veut pas passer brutalemen­t par-dessus le guidon ! L’arrivée sur Crescent Lake se fait heureuseme­nt par des pistes forestière­s bien damées... La brume matinale sur le lac entoure les motos d’une atmosphère fantomatiq­ue très étrange. Heureuseme­nt, le rythme élevé sur les grandes pistes recouverte­s de gros graviers réchauffe rapidement les pilotes, même s’il faut se méfier des projection­s lorsqu’on suit les copains de trop près. Le pilote de la XR se fait carrément casser son phare en poursuivan­t la DR-Z...

Dans l’après-midi, alors que les températur­es remontent, les collines se couvrent progressiv­ement d’une parure dorée.

On sent l’influence de la Californie toute proche. Tandis que la lumière du soir illumine les herbes folles, le chemin se fait un peu plus étroit et technique, donnant la touche finale à une journée parfaite. Pas étonnant que le soir, tout le monde s’attarde à l’apéro improvisé sur le parking du motel. Après cinq jours, les amitiés se sont créées, chacun y va de son anecdote en finissant qui sa bière, qui son soda... Le nord de la Californie, en proie aux pires incendies de son histoire, est recouvert d’une couche nuageuse créée par la fumée des différents foyers. Heureuseme­nt, la trace concoctée par Kevin emmène la troupe sur des altitudes élevées où l’on retrouve un air pur. Rouler sur ces pistes de montagne est un vrai délice, les petits lacs se découvrent à la sortie d’un virage, les couleurs sont vives, et le plaisir vient autant du roulage que de ces cartes postales qui défilent sous nos yeux. Indifféren­tes, les vaches des alpages nous regardent passer d’un air absent. Redescendu­s dans la plaine, on évolue sur de petites routes de campagne, sans circulatio­n. C’est tant mieux, car le pilote mexicain a cassé sa chaîne et on le tire à l’aide d’une sangle, jusqu’à rejoindre le pilote d’une KTM 1290 qui a un maillon rapide dans ses sacoches. Muni seulement d’une pince et d’un sacré coup de main, l’Américain réussit à bricoler la chaîne pour aider son pote à repartir. À ce momentlà, on est dix autour de lui, à regarder et à commenter. C’est pas forcément efficace, mais ça témoigne d’une certaine forme de solidarité, non ? Pour fêter la réparation, tout le monde s’arrête au resto mexicain du prochain village. L’après-midi, la situation se complique quelque peu car les incendies sont sur le trajet.

Certains vont négocier leur passage avec les pompiers pour traverser la zone d’incendies et couper au plus court vers l’hôtel. Les Français, eux, feront le détour par la route. Mieux vaut arriver tard que finir en jambon fumé, quand bien même cela implique de se faire traiter de naïfs par les premiers arrivés, tout fiers d’avoir franchi cette quasi-zone de guerre... Après Redding et ses immenses rideaux de fumée, on repart en selle vers des montagnes épargnées par les flammes. Les canyons alternent rochers noirs, herbe dorée par le soleil et arbres noueux centenaire­s, le tout agrémenté de traversées de ruisseaux. Difficile de faire plus plaisant ! On arrive pourtant à faire mieux dès le lendemain, en prenant de l’altitude. Les arbres sont ici soit réduits à l’état de squelettes végétaux par les incendies plus anciens, soit recouverts de mousse verte fluorescen­te sur les hauteurs. Dans les deux cas, les panoramas sont grandioses, le roulage tout en finesse, sous un ciel si bleu qu’on le croirait peint à la main. Lorsqu’on rejoint l’asphalte, c’est pour évoluer sur des routes de montagne au bitume parfait et aux courbes innombrabl­es. Tout le monde se la joue façon course de côte et c’est à qui exhibera les pneus aux tétines les plus râpées sur le côté... La journée se termine par de nouvelles pistes alpines, permettant de découvrir des sommets autrement inaccessib­les. À l’arrivée, on apprend l’accident du side-car, heureuseme­nt sans gravité sinon de la tôle froissée et un side bon à jeter. Rien à dire, l’avenir de l’homme passe par les 2-roues !

Californie du Sud

La transition entre le nord et le sud de la Californie se fait via des pistes recouverte­s de silt et de cailloux, et donc assez techniques pour les pilotes des plus grosses motos. Mais cela ne dure pas et pendant les deux jours suivants, les pistes vont serpenter au milieu de collines dorées et le long de rivières aux eaux turquoise. Le ciel azur renforce la palette de couleur, tandis que les températur­es dépassent désormais les 30 °C. C’est comme si on faisait désormais un second voyage tant l’ambiance a changé ! Les froides et humides forêts du Pacific Nord-Ouest semblent appartenir à un autre monde... Malgré quelques pistes fermées et des détours de dernière minute, les motards entrent par petits groupes dans le parc national de Yosemite. Alors, certes, on retrouve la civilisati­on et avec elle quelques touristes se traînant en voiture de loc’, mais la vue sur le Half-Dome valait bien le détour... Au matin, la trace nous fait quitter Camp Nelson, situé à plus de 1 600 mètres d’altitude, pour nous guider à travers les forêts de sequoias vers des vallées désolées, brûlées de soleil. La KTM 990 Adventure ayant crevé, on assiste à un nouvel épisode de solidarité motarde.

Trois qui s’échinent sur les démonte-pneus, un qui sort son compresseu­r, les autres qui donnent des conseils ou en profitent pour boire un coup... Solidaires, on vous dit ! L’après-midi, on atteint les contrefort­s du désert. Les pistes se déroulent à l’infini, permettant des vitesses de pointe au-delà des 160 km/h sans la moindre appréhensi­on. Les couleurs sont encore une fois très vives, et un dernier canyon rocheux donne l’occasion de transpirer les dernières gouttes de sueur avant d’atteindre California City. Ville improbable, implantée au milieu de nulle part, entourée de sable, la cité ne vit que pour la moto. Ça tombe bien, nous aussi... Aux premières lueurs du jour, rouler vers l’est n’est pas aisé, l’astre solaire éblouissan­t oblige à mettre une main à hauteur des yeux. Heureuseme­nt, les premières pistes sont assez lisses. Dès que la lumière se fait moins gênante, les compteurs de vitesse s’affolent. On peut ici couper hors piste, c’est légal et parfaiteme­nt jouissif. Encore une fois, l’esprit du Dakar se manifeste sous les casques... Après avoir avalé quelques bancs de sable, on se repose sur la Route 66, avant

d’atteindre Banning par des pistes caillouteu­ses bien techniques. Pour la dernière journée, la plupart vont tenter un raccourci par une piste classée rouge. Grosses descentes sablonneus­es, guidons n’en faisant qu’à leur tête, pneus décrochant sans prévenir, la matinée apporte son lot de sensations fortes.

Au-delà des frontières

Pas étonnant que la pause petit-déjeuner/ repas de midi au premier restaurant s’éternise... L’endroit ne s’appelle pas pour rien « Paradise Valley » ! Les pistes de l’après-midi sont elles aussi très techniques, certaineme­nt parmi les plus dures du trip, mais sous des températur­es dépassant les 40 °C à l’ombre. Autant dire que les moins aguerris ont perdu quelques kilos sur cette dernière étape ! Heureuseme­nt, le gros de la troupe se retrouve sur le bitume avant la frontière, les plus rapides mangeant un burrito en attendant les copains. C’est donc tous ensemble, pour la seule fois du raid, que les participan­ts de la Pacific Divide Route rejoignent la frontière mexicaine. Amusés, les douaniers américains déplacent leurs véhicules pour laisser la place de faire une photo de groupe. Le trip n’est pas fini pour autant, il reste à avaler quelques centaines de virages avant de rejoindre Alpine, la dernière étape de ce raid de 5 000 km... Le soir, pas de larmes au moment de se quitter mais de nombreux discours, qui tous mettent en avant l’esprit de camaraderi­e ayant prévalu tout au long du voyage. Si le but était de rejoindre deux frontières, ce trip hors normes aura également fait se rapprocher des motards qui ne se seraient jamais croisés autrement, et en donnant à chacun l’envie d’aller encore plus loin, plus longtemps...

Venus d’Hawaï, d’Alaska, du Canada, du Mexique, de France, exerçant des métiers aussi variés que dentiste, architecte, mécanicien ou ingénieur, ces pilotes ont trouvé une famille avec qui partager leurs rêves et leur passion. Longtemps après la fin du raid, chacun rentré chez soi, les e-mails continuent à s’échanger, certains montrant la neige déjà tombée dans leurs contrées du nord, d’autres partageant leurs films GoPro... Une chose est certaine : tous repartiron­t très prochainem­ent !

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3 1 Les KTM 1290 sont à l’aise dans les portions rapides du nord de l’Oregon. 2 Les Africa Twin équipées de pneus à crampons et de garde-boue surélevés se montrent redoutable­s dans les pistes. 3 Avec la trace GPS concoctée par Kevin, impossible de se perdre. Certains ont pourtant prévu jusqu’à 3 appareils et une carte papier, histoire d’assurer le coup... 4 Les gués ne sont pas nombreux mais toujours fun à traverser, même avec des motos chargées. 5 En Californie, les longs trains de marchandis­e défilent pendant d’interminab­les minutes. On a compté jusqu’à 150 wagons...
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1 La Californie nous régale de couleurs automnales. 2 Impossible de manquer la mythique Route 66 que l’on recoupe à l’occasion d’un ravitaille­ment en essence. 3 Les burgers passent mieux avec une bonne bière, même en milieu de journée. 4 L’entraide entre les pilotes est permanente, et personne n’hésite à mettre les mains dans le cambouis. 5 Les portions bitumées font la part belle aux virages, sans radars pour freiner les ardeurs des pilotes.
4 1 La Californie nous régale de couleurs automnales. 2 Impossible de manquer la mythique Route 66 que l’on recoupe à l’occasion d’un ravitaille­ment en essence. 3 Les burgers passent mieux avec une bonne bière, même en milieu de journée. 4 L’entraide entre les pilotes est permanente, et personne n’hésite à mettre les mains dans le cambouis. 5 Les portions bitumées font la part belle aux virages, sans radars pour freiner les ardeurs des pilotes.
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1 1 L’arrivée dans le désert du Mojave, près de California City, est inoubliabl­e. 2 Suspension­s durcies, barres de protection, paniers, sabot moteur renforcé, réservoir d’essence, trousse à outils, compresseu­r : les motos sont parfaiteme­nt préparées pour le raid. 3 Arrêt gastronomi­que à la frontière mexicaine pour des burritos bien mérités !
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