Un tigre dompté
Nous avons eu la chance de nous rendre au pays de Galles, à la fois pour découvrir l’école de pilotage off-road de la marque Triumph, mais aussi pour rencontrer Paul Edmondson (photo), l’ombre de Daniel Craig quand James Bond s’envoie en l’air... à moto.
Une clairière parsemée de graviers noirs, des flaques d’eau qui s’écoulent et remplissent lentement chaque nid de « chicken », et une Tiger 900 dont le 3-cylindres au rupteur vient déchirer un silence qui enveloppait, jusque-là, ce qui ressemblait à un petit coin tranquille du pays de Galles. Alors que lors de l’essai de cette nouveauté, nous préconisions un pilotage en souplesse (voir Moto Revue n° 4100), Paul Edmondson (4 fois champion du monde d’enduro) arrive tout en force (en clair, l’exact opposé de nos recommandations !), train avant qui part d’un côté et arrière de l’autre. En dérive complète, guidon quasiment contre-braqué, il passe d’un angle à l’autre, et d’un droite à un gauche comme d’un gauche à un droite, sans effort apparent. Bien campé sur ses jambes, debout dans l’axe de la moto, son corps ne semble pas exécuter un seul mouvement de balancier. C’est aux gaz seulement que Paul gère son équilibre, et dessine ses arabesques... La séquence est brève mais intense, éclairante à plus d’un titre surtout. D’abord, même poussée dans ses derniers retranchements, la Tiger 900 montre l’étendue de son potentiel et surtout, son équilibre naturel. Ensuite, étant donné la maîtrise du garçon, on comprend que l’équipe de production du prochain James
Bond No Time to die (Pas le temps pour mourir, dans les cinémas au mois de novembre 2020) l’ait signé direct pour doubler Daniel
Craig (alias M. Bond) dans les cascades moto les plus spectaculaires du film. Cascades toutes tournées sur des Triumph (Tiger 900 ou Scrambler 1200), la marque anglaise ayant signé un partenariat exclusif avec l’équipe du film. Enfin, on se dit qu’après ses incartades dans l’univers de la cascade, si Paul cherche un boulot plus tranquille, il pourra toujours postuler comme instructeur au centre Adventure Triumph, à condition de se calmer toutefois.
Spectaculaire ou efficace, pourquoi choisir ?!
« Au cinéma, tu dois surjouer le mouvement, exagérer l’action, l’idée n’est pas d’être efficace, de faire passer la puissance au sol ou des choses comme ça, le but est d’être spectaculaire. En fait, au cinéma, tu es efficace si tu es spectaculaire », explique Paul Edmondson. Je n’ai pas encore vu le film, mais je me dis qu’après avoir été spectateur de cette mise en jambes exécutée au débotté, ce devrait être le cas lors de sa sortie. Spectateurs, eux aussi, des actions pour le moins énergiques de Paul, nos instructeurs se grattent un peu les cheveux en se demandant certainement comment ils vont pouvoir nous faire passer le message. Le message ? Plus exactement
« les messages », c’est-à-dire nous expliquer comment maîtriser nos Triumph Scrambler et Tiger du jour avec efficacité, souplesse et sécurité, dans un environnement off-road.
Cette mission, c’est celle des équipes de l’Adventure Riding Experience – le centre de pilotage qui appartient à la marque anglaise.
Une mission que les instructeurs répètent tout au long des sessions organisées durant l’année. Certaines sont réservées aux novices, d’autres à des pilotes plus aguerris désireux de progresser encore dans leur maîtrise du pilotage off-road au guidon de gros trails, ou de scramblers puisqu’on est ici chez Triumph. Bref, des motos qu’on imaginait il y a quelques petites années encore pas du tout à l’aise dans un environnement tout-terrain et qui, en réalité, nous bluffent par leurs capacités à chaque fois qu’on les y plonge. Mais bon, il est préférable de connaître leur mode d’emploi, car une moto multicylindres dépassant les 200 kilos ne se manie pas aussi facilement qu’une enduro de 110 kg. On ne vient donc pas se perdre dans ce coin reculé du pays de Galles, et donc de l’Europe, on vient plutôt s’y ressourcer, y apprendre surtout, en profitant des superbes paysages que le pays réserve, comme des ateliers imaginés par les instructeurs dans un espace dédié au perfectionnement de différents aspects techniques. L’idée ? On enseigne la pratique, et quand on l’a suffisamment répétée, que les instructeurs valident nos nouveaux acquis, on part ensemble dans la pampa galloise pour appliquer (et digérer) les consignes, et profiter des lieux qui fleurent bon l’aventure. Entre autres ateliers, on nous aura montré comment gérer son équilibre à basse vitesse, en enchaînant les slaloms entre des rondins de bois, comment suivre une longue et profonde ornière sans risquer de se faire piéger (debout les deux pieds sur les repose-pieds pour les plus aguerris, debout avec une jambe qui « pagaie » pour rattraper les dérobades, ou assis avec les deux pieds sortis, façon ski, pour les plus prudents), comment appréhender une montée ou gérer une descente, comment freiner en sollicitant conjointement avant et arrière, puis seulement avant, et enfin uniquement arrière... Bref, ce qui fait l’essence du pilotage off-road avec ces grosses motos. C’est le moment choisi par Lee Morrison, coordinateur des cascades du prochain James Bond, pour nous expliquer comment faire pivoter sa moto en dérapage, avec autorité, en bloquant l’arrière, en mettant un coup de pied au sol et en remettant full gaz ensuite. Soft ou hard ! Deux visions qui s’opposent, selon que vous soyez, dans la vraie vie, au guidon de votre propre moto qui plus est (donc avec l’ambition naturelle de la préserver des chutes potentielles), ou en train de postuler pour intégrer l’équipe de cascadeurs d’un prochain film d’action... Deux visions qui se complètent également, et qui permettent de découvrir le champ des possibles pour un gros trail. Que ce champ se trouve au pays de Galles ou ailleurs.