La marche en avant
Depuis le 11 mai, beaucoup parmi nous devront avoir recouvré la liberté. Pour en faire quoi ? Rejoindre « pour de vrai » le chemin du travail, déjà. La plupart d’entre nous, parmi ceux qui ont la chance d’avoir – encore – un emploi, piaffons d’impatience à l’idée de reprendre le cours normal de notre existence, même si l’on ne sait pas bien quelle forme va prendre cette nouvelle normalité... De nouveaux espaces individuels repensés pour nous donner de l’air et éviter les postillons ? Avec des masques (ceux-là mêmes que le gouvernement nous refusait il y a peu, nous riant au nez quant à la possibilité d’une quelconque efficacité, avant de subitement changer d’avis quelques semaines plus tard au point de les juger indispensables, et de nous ordonner de nous les coller... sur ce même nez), du gel, des poignées de main et des bises virtuelles, avec au-delà des mesures barrières, des retrouvailles chaleureuses et sincères, peu importe qu’on se les témoigne à distance. Le jour d’après ne ressemblera pas à celui où nous avons quitté physiquement nos postes. Pour digérer ces changements à venir, nous allons avoir besoin de nous retrouver dans des environnements connus, de nous appuyer sur des références solides, d’évoluer dans notre univers, habillés de nos costumes préférés. Reprendre le fil, ajustés dans nos équipements de moto, avec ce besoin de rouler – pas seulement une envie, mais un besoin. Le plaisir de démarrer gentiment, la truffe en avant comme récepteur des odeurs d’un printemps éclatant, en avalant du vent jusqu’au vertige créé par cet oxygène qui nous a tant manqué... Et si cette crise sanitaire nous amenait de nouveaux entrants ? Dans une période économique au scénario inédit, que l’on attend surtout très compliquée, il serait bienvenu que la moto tire son épingle du jeu. Et elle en a les capacités, portée par sa spécificité qui fait d’elle un rempart naturel face à un virus qui se multiplie par des contacts rapprochés. Ces contacts qui sont la conséquence d’une promiscuité inévitable comme on la rencontre quotidiennement dans les transports en commun, et à plus faible échelle, dans les voitures. Tout l’inverse du deux-roues motorisé, en somme. En fait, à moto, on poursuit le confinement en s’isolant du contact des autres, on se protège et on protège. Sans oublier tous les avantages connus d’avant l’épidémie (fluidification du flot de circulation, encombrement limité, facilité de stationnement, etc.), cet avantage devrait être entendu et surtout reconnu par les pouvoirs publics. La moto comme mesure barrière ! Après les fumeurs étrillés à longueur de taxes (et de temps), reconnus meilleurs résistants au Covid-19 que les individus aux poumons oxygénés sans l’ajout de nicotine, voilà que ces « méchants et dangereux » motards remplissent les cases anti-coronavirus... De quoi mériter de devenir tendance aux yeux de nos politiques. Et si en plus, on est fumeur ET motard, alors là, attendez-vous à recevoir une décoration. Au moment où l’on nous dit « jour d’après » et « tout remettre à plat », on leur répond : chiche ?