Moto Revue

Zarco fait le boulot

- Par Michel Turco, LBSM. Photos Jean-Aignan Museau.

Malmené à Misano et à Barcelone, Johann Zarco s’est bien rattrapé au Mans et en Aragon. Deuxième meilleur marqueur pour le camp Ducati derrière Danilo Petrucci, le Français gagne en confiance en vue de 2021.

Johann, après un été mouvementé, la dernière série de courses au Mans et en Aragon s’est beaucoup mieux déroulée pour toi. Pour quelles raisons ?

Je dirais que c'est une question de circonstan­ces, ou plutôt de conditions…

J'ai mis la même intensité durant cette triplette que lors de la précédente. Après, on a une course au Mans, sur un circuit où la Ducati fonctionne bien. Un Grand

Prix national, c'est toujours particulie­r, on a une énergie extra qui permet d'en donner davantage. Le premier week-end en Aragon a été plus difficile à cause du froid, mais grâce à de meilleures conditions pour la course, on a pu malgré tout faire un bon résultat. Ce qu'on a confirmé le week-end suivant. Je suis content de ces deux épreuves en Espagne parce qu'on était en difficulté aux essais et finalement, on ressort du dimanche satisfaits. C'est une bonne leçon de ténacité. Donc globalemen­t, oui, cette série a été bonne avec deux Top 5 et un Top 10. Ça m'a permis de profiter d'un week-end off l'esprit serein avant d'attaquer la dernière ligne droite.

Le fait d’avoir signé pour le team Ducati Pramac ne t’a-t-il pas aussi, quelque part, libéré l’esprit ?

Oui, je pense… C'est vrai que durant les trois courses à Misano et à Barcelone, je pensais pas mal à la saison prochaine. Même si c'était pour moi tout bénéf', dans la mesure où j'avais l'assurance d'avoir quoi qu'il en soit une moto 2021, de ne pas perdre au change en allant chez

Pramac, il y avait cet enjeu du prestige de l'équipe officielle, et forcément, d'un salaire un peu meilleur. Inconsciem­ment, Bagnaia et moi étions dans une forme de compétitio­n interne même si ça a toujours été très entre nous.

Voilà, maintenant c'est fait, c'est réglé, on ne se prend plus la tête avec ça.

Au Mans, tu as découvert le pilotage de la Desmosedic­i sur le mouillé. Quelles impression­s cela t’a-t-il laissées ?

J'avais fait un choix de pneus pour gagner. Malheureus­ement, j'avais misé pour une course sur le séchant car ce sont des conditions que j'apprécie, et la pluie est revenue après cinq ou six tours. J'ai eu un peu de malchance sur ce coup-là.

Et en termes de sensations sur le mouillé ?

Dès le vendredi matin, je me suis senti bien. Comme sur le sec, tu sens que cette moto a un gros potentiel avec le train avant. Quand tu le comprends, tu peux aller vite, sur le mouillé comme sur le sec.

Lors du premier week-end en Aragon, tu as été le pilote Ducati qui a le mieux géré les problèmes pneumatiqu­es liés à la fraîcheur de la piste. Pour quelles raisons selon toi ?

Tout simplement parce que j'ai pris plus de risques que les autres. C'est d'ailleurs pour cela que je suis tombé deux fois. Quand ça passait, j'étais vite, effectivem­ent. Il y avait de la fougue, je voulais tenter des choses pour cerner le sujet.

Peut-être un peu trop d'ailleurs…

Les conditions étaient meilleures le week-end suivant, et une fois de plus, c’est toi qui as le mieux géré…

Là, c'est pareil, ça se joue à pas grand-chose le samedi après-midi.

En Q1, on fait quasiment le même chrono avec Miller, mais pour quelques centièmes, c'est moi qui passe en Q2. J'arrive à refaire le même chrono et je me qualifie cinquième sur la grille. Ça change toute la course. Un bon samedi arrange bien des choses.

On voit que vous êtes tous très irrégulier­s cette saison. Comment l’expliques-tu ?

Les résultats sont en dents de scie parce que c'est tellement serré que le jour où tu es à quatre dixièmes, eh bien tu n'es plus du tout dans le coup. Effectivem­ent, on semble tous irrégulier­s, mais quatre dixièmes, franchemen­t, c'est rien. Ça ne veut pas dire que tu as raté ton week-end, c'est juste que le niveau général est hyper relevé.

Est-ce l’absence de Marquez qui donne des ailes à tout le monde ?

Je pense, oui. Lors de la deuxième course en Aragon, on a vu Morbidelli qui a fait un gros boulot sur son rythme de course durant les essais. Que Rins n'ait pas été capable de l'attaquer en course... c'est beau, car ce n'est pas lui qui a la moto la plus rapide.

On assiste à l’éclosion d’une nouvelle génération. Les pilotes plus expériment­és comme Rossi, Dovizioso et Crutchlow qui auraient pu profiter de l’absence de Marquez ont tous raté le coche...

Honnêtemen­t, je n'imaginais pas Crutchlow jouer le titre, il n'a jamais été suffisamme­nt régulier. En revanche, c'est vrai que

2020 aurait dû être l'année de Dovi. Malheureus­ement, ce nouveau pneu arrière l'a perturbé plus qu'on aurait pu imaginer. Ce pneu offre clairement un avantage que nous n'arrivons pas pour l'instant à exploiter. Mais j'ai confiance en Ducati. Quand ils vont comprendre le truc, je suis certain que ça va marcher aussi pour nous.

Honda semble l’avoir compris. Marquez et Nakagami ont progressé grâce à une meilleure compréhens­ion du fonctionne­ment du train arrière de leur moto…

Je pense que l'absence de Marquez a finalement été pour eux un mal pour un bien. Je veux dire par là que cela leur a permis de travailler dans de nouvelles directions. Marquez est tellement fort qu'il est capable de compenser n'importe quel problème avec son pilotage. Du coup, ils doivent aujourd'hui se pencher sur des problèmes qu'ils occultaien­t jusque-là. Avec des pilotes qui ne sont pas au niveau de Marc, ils doivent travailler autrement. On sait que les Japonais ont de grosses capacités de travail pour trouver de nouvelles solutions techniques. L'évolution de la Honda en témoigne.

Quels objectifs te fixes-tu pour cette fin de saison ?

Choper du podium (sic), rejouer le Top 5… C'est bon de se rapprocher du podium, tu vois qu'avec un peu d'évolution, tu peux être devant. Après, pour y arriver, il faut gérer le week-end en étant au taquet du début à la fin. J'aimerais bien aussi jouer le Top 10 au général, je serais dans les clous avec ce que j'ai annoncé en début de saison.

Plus personnell­ement, tu penses en être où dans ta reconstruc­tion ?

Je dirais que le plus dur est fait. J'ai réussi à rebondir. Financière­ment, je commence aussi à y voir plus clair. Je devrais pouvoir recommence­r l'an prochain à mettre un peu d'argent de côté, je vais pouvoir payer les travaux de ma maison. Le chemin est dégagé. Je serai aussi plus libre d'esprit pour attaquer 2021. Je devrais être en mesure de mieux performer en tant que sportif.

 ??  ?? Concentré, appliqué, déterminé, le pilote tricolore s’est reconstrui­t.
Concentré, appliqué, déterminé, le pilote tricolore s’est reconstrui­t.
 ??  ?? Zarco, souriant et étincelant, sous la pluie mancelle.
Zarco, souriant et étincelant, sous la pluie mancelle.
 ??  ?? S’il dit être toujours en phase d’apprentiss­age de la Ducati, Johann Zarco commence à dérouler sa leçon.
S’il dit être toujours en phase d’apprentiss­age de la Ducati, Johann Zarco commence à dérouler sa leçon.
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