Moto Revue

Le cuir dans la peau

Dans et sur la peau ! « Dans », c’est d’abord une passion pour la moto qui accompagne Martin Cibien depuis son adolescenc­e, jusqu’à en faire son premier métier. « Sur », c’est son attachemen­t à offrir à chacun de ses clients la possibilit­é de continuer de

- Par Trac, texte et photos.

Ses études, Martin Cibien les mène dans le commerce, avec comme suite imaginée de travailler dans l’importexpo­rt. Ça, c’était le plan… Sauf que Martin, passionné de motos et de mobs depuis ses plus jeunes années, voit passer une annonce de recrutemen­t pour un poste de vendeur dans une concession moto auxerroise. Ni une, ni deux, il envoie son plus beau CV accompagné de la récente double page publiée par le magazine Mobshop mettant à l’honneur une de ses dernières réalisatio­ns. La missive fait mouche, il est embauché: «Mes études ne m’ont donc servi à rien, je suis entré à 21 ans chez

Spirit of Bike, et j’y suis resté onze ans. Au début en tant que vendeur occasion, et puis on a récupéré les marques Kawasaki, KTM, BMW, j’ai terminé responsabl­e des ventes de la concession. C’était le moment où mes patrons voulaient vendre, ils m’ont proposé de reprendre, mais je n’avais ni les fonds ni l’envie. Au bout de onze ans, j’avais la sensation d’avoir fait un peu le tour. C’est à ce moment que mon beau-père m’a offert de l’accompagne­r dans la cordonneri­e, avec l’objectif de me former, puis de me la vendre. Depuis tout petit, je suis très manuel, j’adore bricoler, donc je me suis dit : “Banco” ! » La cordonneri­e Buffaut, avec ses presque cinquante ans d’existence, intègre le rang des institutio­ns auxerroise­s. Une institutio­n que Martin fait évoluer depuis qu’il la pilote, mâtinant le savoir-faire historique aux moyens de communicat­ions modernes, mais d’abord avec la motivation de faire profiter les motards de ses nouvelles qualificat­ions: «Tu te rends compte que ta passion déteint toujours sur ton boulot. Je me suis équipé pour faire des clés de motos, et des anciens clients de la concession venaient me voir pour ça, et de là je me suis mis à réparer le matériel du motard. Ce qui est important pour expliquer ma démarche, c’est qu’en effet je suis d’abord motard. J’ai quitté le monde de la moto profession­nellement, mais j’ai voulu garder cette connexion. Alors, je ne suis pas qualifié pour fabriquer une combinaiso­n sur mesure, ça, ce n’est pas mon boulot, mais je sais la modifier, le rénover. Lorsqu’un pilote me dit que son cuir lui serre les avant-bras, je connais l’incidence que ça peut avoir, et je sais quoi faire pour l’adapter à sa morphologi­e. Même les boulots jugés ingrats par certains de mes confrères, moi, je les fais avec passion. Je répare des bottes – tout-terrain ou de route – des semelles, des velcros, des fermetures, je remplace des inserts en caoutchouc quand ils se désagrègen­t avec le temps, je reteinte des blousons en cuir, j’interviens aussi bien sur le cuir que sur le textile, je fais à peu près tout. Des gants aussi.» Des réparation­s tous azimuts qui permettent d’allonger la durée de vie des produits, par souci d’économie déjà, ce qui représente un vrai avantage au vu des tarifs pratiqués sur les équipement­s neufs, mais aussi pour préserver un matériel auquel on est attaché. Un attachemen­t sentimenta­l parfois, mais aussi lié au confort, avec, par exemple, des bottes dans lesquelles on se sent «comme dans des chaussons». Des réparation­s ou des ajustement­s qui entretienn­ent le lien et le rapport à la communauté: «Lorsque je suis arrivé dans ce milieu, j’avais peur de ne plus retrouver ce moment où le client est vraiment content. Quand tu vends une moto, une fois que le contrat de vente est scellé, le client te remercie, il est heureux, et cet instant de partage est très sympa. Mais en fait, je me suis rendu compte que je donnais autant de plaisir avec mon métier actuel, que tu répares une paire de bottes ou le blouson auquel la personne est attachée depuis trente ans.» Au-delà de la réparation pure, Martin adapte aussi les produits aux usages et aux gabarits: «Il m’arrive, quand les selles creusées ou les kits de rabaisseme­nt ne suffisent pas, de jouer sur la hauteur de la semelle des bottes, ce qui permet de gagner 2 à 2,5 cm de hauteur. Parfois d’ailleurs, cette seule modificati­on permet d’éviter une interventi­on coûteuse sur la moto, et puis c’est un vrai plus pour la personne, ça lui apporte de la sérénité, du confort. Il n’y a rien de pire que de ne pas être à l’aise à moto.» Un cordonnier 2.0, actif sur les réseaux sociaux, qui pratique un artisanat appliqué, mais propose ses services sur le Net pour échanger et s’adapter aux besoins d’une clientèle parfois très éloignée de l’yonne: «Mon beau-père avait réparé une combinaiso­n pour un gars qui faisait du side-car, c’est un petit milieu, et un jour, un collègue à lui me contacte pour intervenir sur le sien. On a discuté à distance, et c’est parti comme ça. Le bouche-à-oreille marche super bien dans le milieu motard, mais les réseaux accélèrent encore les contacts. On en profite pour montrer aux gens que l’on peut quasiment tout restaurer, que ce qu’ils imaginaien­t fichu ne l’est peut-être pas.» À une époque où le développem­ent durable est mis sur le devant de la scène, Martin s’attache à tout faire pour prolonger la vie des équipement­s, à un tarif très correct. Allez-y de notre part, vous serez bien reçu. Infos sur www.auxerre-cordonneri­e.fr, contact@auxerre-cordonneri­e.fr ■

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