IMS fabrique des réservoirs et des repose-pieds…
Équiper 100 % des top riders off-road aux USA avec des réservoirs translucides et des repose-pieds en acier faits main aux USA, c’est l’exploit réalisé chaque année par IMS. Un succès qui ne doit rien au hasard, mais tout à la passion de la compétition…
Riverside, à mi-chemin entre mer et désert, est une ville administrative de la Californie du sud largement ignorée des touristes. Si le centreville mériterait éventuellement une visite, les faubourgs industriels en revanche ne valent pas le détour. À moins d’être un mordu de moto tout-terrain et de repérer les trois lettres IMS apposées sur un petit bâtiment de briques rouges. Ces trois lettres sont apposées sur toutes les motos des champions off-road des deux dernières décennies, qu’on parle de GNCC, d’enduro ou de Baja… Pas d’étage, un parking minuscule, serait-ce le siège de la célèbre société américaine ? Mieux que ça, il s’agit du centre névralgique de l’entreprise. Les bureaux du boss, les stocks de pièces, l’atelier de R&D sont concentrés dans ce petit building. À l’intérieur, les murs ont la patine inimitable des ateliers d’antan. Ça sent le travail et la passion du travail manuel. Les stickers et posters collés anarchiquement donnent la touche racing, tandis que les cartons empilés jusqu’au plafond rappellent qu’ici, ce sont pas moins de 900 références de réservoirs et de repose-pieds qui sont entreposées… Si les locaux n’ont jamais été rénovés, c’est aussi pour rappeler QU’IMS est l’une des plus anciennes marques du milieu off-road. Lorsque le fameux pilote de dirt track C.H. Wheat crée l’enseigne en 1976, deux ans après les débuts de Fox, le motocross est encore un sport jeune aux USA. Les motos ne sont pas fiables, le besoin de pièces adaptables est immense. Le jeune créateur produit donc avec succès des réservoirs de grande contenance, mais aussi des reposepieds et des sélecteurs. Le bouche-à-oreille fonctionne et pendant vingt ans, IMS va vendre localement l’intégralité de sa production. Mais ces deux décennies voient les cross japonaises devenir de plus en plus performantes et fiables, tandis que le design des repose-pieds IMS Pro Series est plus ou moins repris à l’identique par les usines japonaises. L’ère des pionniers est-elle révolue ? Même pas. Car lorsqu’en 1995, Scott Wright prend les rênes de l’entreprise, il développe le concept qui a fait le succès de la marque à ses débuts : rester proche des pilotes et concevoir des produits en fonction de leurs besoins, sans prêter l’oreille aux sirènes du marketing.
Options et ambassadeurs
« Un réservoir transparent, c’est moche, mais c’est le plus pratique en course, explique Chris Hardin, le manager D’IMS. Nous avons des modèles de couleur, mais les compétiteurs
veulent des produits qui leur permettent de gagner, pas de frimer dans les paddocks. Ce qui explique que nos réservoirs “naturels” sont ceux qui se vendent le plus. » Présentes sur toutes les épreuves, les équipes D’IMS parlent, écoutent, font essayer les produits. Qu’il s’agisse de champions d’enduro ou de voyageurs en gros trails, IMS essaye de proposer à tous des accessoires qui correspondent à leurs besoins. « Il n’y a pas un type de repose-pied idéal, ajoute Chris. Selon la pratique, le style de pilotage, on choisira une plate-forme différente. Les pilotes de cross veulent un repose-pied assez court pour ne pas frotter dans les ornières tandis que les pilotes de Baja souhaitent des modèles larges pour le confort. D’autres, qui ont de gros trails, préfèrent de la longueur pour disposer
d’un meilleur bras de levier et mieux balancer la moto. » Sans aller jusqu’au sur-mesure, IMS produit des gammes très étendues pour ses réservoirs et repose-pieds. Au point de proposer jusqu’à trois références de réservoirs pour les motos les plus populaires ! Une démarche qui peut rendre le choix difficile pour les clients puisqu’il ne s’agit plus de choisir un produit selon son prix,
comme dans une gamme classique allant du prix d’appel à l’offre premium, mais de choisir en fonction des différences fonctionnelles. Qu’il s’agisse du volume de carburant ou de la largeur d’un repose-pied, il y en a pour tous les goûts. Pour expliquer ces nuances et faciliter la décision, IMS compte sur ses ambassadeurs qui ne sont autres que ses fidèles clients ! Ce sont eux qui vont expliquer à leurs amis pourquoi ils ont choisi un produit plutôt qu’un autre. Cette méthode est efficace dès lors que les clients initiaux ont été bien conseillés et qu’ils sont satisfaits de leur achat. « Nos clients aiment
IMS, ajoute le jeune manager, et nous leur faisons confiance. Depuis le temps, on connaît leurs femmes, leurs enfants. Eux aussi se connaissent tous, se parlent. C’est ainsi qu’on se forge une réputation. » Écouter les pilotes demande une parfaite compréhension de leurs besoins. Ce qui explique que tous les employés D’IMS sont eux aussi des pilotes tout-terrain et que les ingénieurs ne sont pas légion. En effet, IMS n’utilise pas de modélisation 3D pour ses réservoirs. Les modèles, réalisés avec une sorte d’argile industrielle, sont sculptés à la main. Le but est de réaliser les prototypes directement sur les motos afin de pouvoir s’asseoir et vérifier si le feeling est conforme à la demande des pilotes. Un travail de recherche qui demande une extrême précision alliée à une bonne dose de subjectivité. Et qui serait mieux qualifié qu’un pilote pour juger de l’influence d’un nouveau réservoir sur le poste de pilotage ? À mi-chemin entre artistes et artisans, les designers D’IMS doivent également faire preuve de créativité. En effet, trouver les moyens d’augmenter le volume d’un réservoir en conservant l’essentiel de la forme originelle pour ne pas changer la position du pilote, le tout sans déséquilibrer le centre de gravité de la moto, n’est définitivement pas chose aisée. L’idée est d’occuper les espaces libres autour du cadre et du moteur, tout en laissant des canaux pour le passage de l’air. Cela va créer de vrais flux d’air forcés qui aident à ventiler le cylindre. « Les KTM, connues pour chauffer vite, voient leur refroidissement sensiblement amélioré avec nos réservoirs », confirme Steve, un des designers. Un bonus pour les pilotes ! Une fois qu’un réservoir proche de l’origine a été validé, un second design est sculpté avec une plus grosse contenance. Cette fois, la position de conduite est légèrement modifiée et les testeurs s’assurent que cela reste compatible avec une pratique engagée. Enfin, pour ceux qui demandent la plus grande autonomie, un troisième modèle est modelé en remplaçant les ouïes de radiateur. On obtient ainsi une capacité maximale au détriment de la finesse. Le look reste toutefois acceptable puisque des inserts latéraux permettent de fixer les ouïes d’origine et donc de conserver ses graphiques et sponsors.
Made in USA
Une fois les prototypes terminés, il faut réaliser les moules. Ceux-ci sont constitués de blocs d’aluminium taillés et soudés dans un atelier entièrement dédié à cette tâche délicate. Car le moule est obligatoirement constitué de plusieurs parties, assemblées autour de la forme ultra-complexe du réservoir. Toutes les machines nécessaires à la conception de ces pièces d’aluminium sont sur place, ce qui permet d’ajuster le moule avec la plus extrême précision. Une fois le réservoir définitif démoulé, la position des ouvertures et des inserts est vérifiée scrupuleusement. L’objectif D’IMS est de fournir des réservoirs qui s’adaptent parfaitement en face des trous de l’origine.
« À la base, se souvient Scott, les moules et réservoirs étaient fabriqués par des sociétés partenaires. La réalisation pouvait être assez fluctuante. On avait parfois l’obligation de visser de travers ou de faire des modifications pour monter les réservoirs. Cela appartient au passé. Depuis cinq ans, nous avons repris ce processus dans nos locaux et le résultat est bien plus régulier. Notre production est désormais parfaite. » Cette recherche de perfection
« Des réservoirs sculptés par des artistes. »
consomme des ressources et du temps, mais l’entreprise ne veut rien sacrifier à la qualité, quitte à faire moins de produits. Seulement dix à douze nouveaux modèles sont ainsi créés chaque année. Il faut donc décider quelles sont les motos pour lesquelles la demande sera la plus forte… Les choses pourraient sembler sensiblement plus simples pour les repose-pieds. D’abord parce que le design IMS privilégie la traction et le
confort sans sacrifier au bling-bling : « Nous ne faisons pas de repose-pieds en titane à des prix prohibitifs. Le sport doit rester à la portée du plus grand nombre et à part les teams pro en SX, qui a besoin de se lancer dans ce genre
de dépenses ? » Ensuite parce que le design peut se faire sur ordinateur, avec des prototypes imprimés en 3D. Enfin, parce qu’un design de repose-pied consiste en une plate-forme ayant une fonction d’aide au pilotage qui est propre au feeling du pilote, non à la moto. Un repose-pied donné aura donc la même forme quelle que soit la machine. Ce produit serait donc idéal si l’attache ne variait pas selon les marques. Impossible alors de faire de grandes séries puisqu’il y a d’innombrables variations d’un même modèle. La technique employée pour les moules consiste à imprimer en 3D la forme en cire avant de l’entourer d’un bloc de céramique. L’acier inoxydable est alors versé dans le moule, la chaleur du métal faisant fondre la cire qui s’évacue toute seule. Le repose-pied démoulé est tellement solide QU’IMS le garantit à vie : « Contrairement à d’autres matériaux, cet acier inoxydable est assez flexible pour se tordre sans jamais casser. Vous pouvez toujours finir la course ou terminer votre randonnée », clame Chris avec fierté. Cette méthode de moulage rapide et peu coûteuse permet à la marque de s’adapter rapidement à toute évolution technique.
Marché évolutif
Car le marché moto est en constante évolution, et les produits américains sont souvent copiés. « Le fait d’être imité est plutôt une bonne nouvelle, explique Scott sans se démonter. Cela prouve que nous sommes dans
le vrai, et ça nous rend plutôt fiers. » Cela pousse tout de même la société à innover. La gamme de repose-pieds, qui a longtemps été constituée uniquement des déclinaisons du modèle Pro Séries, couvre désormais toutes les pratiques avec des formes et des options vraiment différentes. Côté réservoir, l’arrivée
de l’injection aurait également pu mettre la société en danger. Mais il n’en a rien été : « Les motos avec injection consomment moins, c’est vrai, mais les usines les ont équipées de réservoirs plus petits. Le besoin des pilotes n’a donc pas changé, il leur faut toujours des contenances accrues. Cela ne nous a donc pas pénalisés, même si l’ouverture plus grande à cause de la pompe nous a effectivement posé des défis techniques », confie Chris. L’avènement des gros trails type Africa Twin a aussi obligé la marque à développer des produits spécifiques. Une nouvelle clientèle, QU’IMS ne cherche pas à séduire par des publicités spécifiques. Et pour cause : les Californiens ne communiquent quasiment pas : « Nous sommes une trop petite société pour dépenser une fortune en pub TV, confirme Chris Harden. On préfère attendre que nos pilotes fassent des résultats. Les
victoires parlent d’elles-mêmes ! » Les photos et vidéos des champions mettent en avant les produits IMS, le bouche-à-oreille fonctionne à plein régime et cela suffit à Scott Wright pour faire progresser sa société aux USA. En Europe, la situation est plus contrastée. Des concurrents comme Acerbis sont tellement bien implantés qu’ils ont un quasi-monopole sur certains marchés comme l’italie. La France, terre d’accueil historique, fait en revanche partie des zones où IMS est bien implanté. Localement, les Américains essaient de trouver des personnes de confiance pour développer des relations avec les pilotes, pour comprendre leurs besoins et développer le cas échéant des produits spécifiques. Même chose au Japon où les distributeurs locaux demandent des pièces pour des petites motos qui n’existent même pas aux US ! Pour s’imposer sur ces marchés extérieurs, la solution serait-elle de sponsoriser le supercross ou le motocross, plus médiatisés que les différentes variantes de l’enduro ? Chris s’en défend avec véhémence : « Nous avons déjà équipé des teams en SX US, mais uniquement à leur demande. Les fans qui regardent les courses de supercross à la TV sont loin d’être une majorité de pratiquants. La plupart n’ont même pas de moto ! Investir sur le marché enduro est bien plus intéressant car là, les fans sont aussi des pilotes. On est de la même famille, on parle
le même langage. » La passion de la course, qui fait vivre IMS depuis vingt ans ne semble donc pas près de s’éteindre. Qu’il s’agisse des roule-toujours ou des compétiteurs, qui s’en plaindrait ?
« Compétition ou rando, IMS s’implique au côté des pilotes. »