Dix articles qui ont marqué MV…
…ou 10 articles clés des années 70 à 90 dans Moto Verte. Un choix cornélien s’il en est. Une véritable hérésie au regard des milliers de papiers géniaux pondus par nos reporters éparpillés aux quatre coins du monde. Alors on a tranché dans ce paquet d’archives en essayant de dégager quelques thématiques omniprésentes depuis 1974 : les motos, le plaisir, les gens, le sport, les champions, le voyage ou encore la liberté de rouler. À table !
1- DE L’HISTOIRE : MOTO VERTE N° 1 OU COMMENT TOUT A COMMENCÉ…
Encore un mensuel ? Oui, mais différent. Ils disent tous ça ! OK les amis. Nous avons compris. Fermons le dialogue un instant, le temps de vous expliquer : pourquoi MOTO VERTE ? Les difficultés et les dangers de la circulation routière, récemment agrémentés de limitations de vitesse,
d’augmentation du prix de l’essence, le prix prohibitif des grosses cylindrées qui même sur autoroute vous permettront difficilement de passer le 5e rapport – 120 km/h… Comme le chante Salvador, c’est pas la joie ! Nous sommes donc convaincus que de plus en plus, pour se faire plaisir à moto, il faudra sortir des routes. » Voilà comment débute l’éditorial de Moto Verte n° 1 sorti le 15 mars 1974, écrit par un certain Gilles Mallet. Sur une suggestion de
son pote François Soulier de Zone 6, un bouclard parigot spécialisé dans le toutterrain, Mallet avait conclu qu’il devait lancer un magazine spécialisé. Et convaincu Patrick Casasnovas, le PDG des Editions Larivière, d’éditer un mensuel consacré à la moto boueuse. Ce qui fut fait. Et bien fait. Mais laissons-le s’expliquer : « Sur le plan sportif, l’évolution est tout aussi frappante. Le trial en France a multiplié par dix ses effectifs durant les trois dernières années. En une seule saison, l’enduro, sport tout neuf ici, s’est rallié plus de 400 participants. Ils seront certainement deux fois plus nombreux cette année. Seul le motocross, mal compris par les jeunes (sic !), est demeuré une sorte de spectacle de foire pour paysans (re-sic !). Il mérite pourtant davantage de notre respect et de notre enthousiasme. » Tu parles, Charles ! Quand on connaît l’engouement pour la moto tout-terrain qui s’est développé dans les années 70 et au-delà, Mallet avait vu juste. Et de poursuivre : « Alors pourquoi MOTO VERTE ?… Nous nous attacherons à résoudre vos problèmes, à répondre à vos questions, à guider des choix souvent difficiles. À agir, en bref, pour faciliter l’assouvissement de leur passion (miam, miam !) à tous les motocyclistes qui ont choisi de traiter le bitume par le mépris. » Et de conclure : « Personnellement, je suis heureux de saluer mes amis au travers de la première revue française consacrée uniquement au tout-terrain. Et de les retrouver le 15 de chaque mois au rendez-vous de Moto Verte qui je l’espère deviendra celui de tous les amateurs de pneus à tétines, de roue arrière et de moto « sauvage »… Amen !
2- DE L’AVENTURE : ABIDJAN-NICE - MOTO VERTE N° 23
Nice, Promenade des Anglais, dimanche 11 janvier 1976, 12 h 30. Les 30 rescapés du rallye Côte d’ivoire-côte d’azur parviennent au terme des 9 264 km de tension, d’efforts, d’inquiétudes et d’espoirs qui depuis trois semaines sont leurs compagnons de voyage à travers la Côte d’ivoire, la Haute-volta, le Niger, l’algérie, le Maroc et l’espagne. Pour les 4 motocyclistes qui sont arrivés au bout sur 35 au départ, c’est la fin de la course la plus dure qui à ma connaissance ait jamais été organisée… » Le reportage de Gilles Mallet en ce numéro 23 de MV débute par la fin. Où déjà tout est dit des souffrances subies par la caravane de ce premier « Côte-côte », ancêtre du Dakar créé trois ans plus tard par un certain Thierry Sabine. Mallet reprend : « Deux motards y ont trouvé la mort, d’autres ont été blessés, assez sérieusement. C’est hélas le lot des hommes qui osent aller plus loin que les autres, à la recherche d’eux-mêmes. Pas de grande aventure humaine sans tragédie. Il faut en accepter le prix ou renoncer… » La suite est à l’avenant et forcément passionnant. La première étape relie Abidjan à Niamey, 1 754 km, d’entrée de jeu. Avec forcément roulage de nuit et des heures de guidon : « Parfois nous croisons un village éclairé par un feu de bois. À 3 heures du matin, on danse dans l’un d’eux au son du tamtam. Ces gens-là ne dorment donc jamais ? Nous non plus il est vrai… Un peu reposés mais quelque peu affamés (une boîte de thon et du lait concentré absorbés en 5 minutes), nous repartons dans la nuit… Faucher a cassé son phare et doit rouler dans le sillage de Queirel pendant des centaines de bornes. Et quand il se laisse distancer, il doit
rouler en aveugle dans la nuit la plus complète à 140 km/h dans le nuage de poussière soulevé par son coéquipier. Et d’un seul coup, il s’éclate : un cycliste qui venait en face sans lumière lui aussi. Faucher se relève la hanche et le coude bien râpés… Quelques kilomètres plus loin, un trou pas vu jette moto et bonhomme en l’air. Je plane et retombe sur quelque chose de très dur : le porte-bagages de ma moto. Je reste sonné quelques secondes. Mon phare est cassé. Ma fesse droite aussi !… Queirel est tombé, guidon cassé. Il a roulé pendant 400 km d’une main en accélérant de la main gauche et à l’envers, ce qui lui a valu quelques chaleurs… » C’est violent, mais rien comparé à ce qui suit : « Le matin, nous nous levons sous un ciel radieux, nous sommes heureux et d’un seul coup, on apprend la tragédie Hugon. Le type le plus gentil du rallye s’est tué quelque part sur la piste. Daniel Hugon est mort dans le sable, dans les bras de Chemarin qui, très secoué, n’arrive que dans la matinée… On repart pourquoi ? Par orgueil, bien sûr. Rien d’autre ne peut motiver cette folie… » L’horreur et l’usure n’entament pourtant pas totalement le moral : « Le réveillon du jour de l’an se fait au campement. Méchoui géant, champagne, vin rouge, feu d’artifice, c’est la fête… Un peu de chaleur humaine réconforte nos corps meurtris et nos coeurs. » Et la course reprend ses droits : « Dans ce désert, le relief est très peu évident et l’on aperçoit tous ses pièges qu’au dernier moment. C’est ainsi que Queirel s’explose très fort sur une bosse qu’il a vue trop tard et se blesse sérieusement à l’abdomen… 150 km avant Tamanrasset, il pleut. À Tam’, rien n’est prévu pour se loger. Il faut se débrouiller avec des campings inondés alors que nous sommes transis. » Ça continue encore et encore : « Aujourd’hui, on va partir pour la plus longue “bavante” : Tamanrasset-fès,
2 600 km à parcourir en 60 heures ! J’ai de plus en plus mal au cul… C’est paperassier comme tout en Algérie. Au premier barrage, je suis passé en 1re près d’un flic qui ne m’a pas vu, occupé par un camion. Ça, ça a été le coup de poker et il a marché. Le lendemain nous apprendrons la seconde tragédie de ce rallye : Lutz est sorti de la route, il est mort, tombé dans un petit ravin… Mais nous sommes allés trop loin, nous avons nousmêmes trop souvent risqués notre vie pour envisager un seul instant de s’arrêter maintenant… » Le système D est de mise : « Après avoir bloqué ma boîte en 1re, je trouve un camion qui accepte de me suivre jusqu’à Casablanca (700 km A/R) pour charger la machine en cas de pépin. Je risque le déclassement, mais Inch’allah il faut savoir prendre des risques. » Et puis enfin la délivrance : « Bernard Pénin m’a rejoint. Nous finissons l’étape ensemble et sommes rejoints par Gilles Comte et Didier Orélio. Nous arrivons à Aix le samedi 10 janvier. Le lendemain à 9 heures, la course sera gagnée pour moi… Enfin la Promenade des Anglais, une foule énorme, le parc fermé, les journalistes, les interviews… C’est la gloire pour un jour ou pour une semaine. La grande aventure est finie, plus rien ne sera jamais comme avant… » Gilles Mallet termine 7e scratch (auto compris) et 1er en moto sur sa Honda 250 XL. Un p’tit mono dont la fiabilité vient d’être mise en avant. Celle du rédac’ chef de MV aussi. Sacré bonhomme.
3- DE L’HUMOUR : COLUCHE FAIT CAMPAGNE - MOTO VERTE N° 84
En 81, Coluche se présentait aux élections présidentielles. Et en bon motard, il avait donné une interview à Gilles Mallet et Michel Drouhiole. L’article s’appelle « Coluche dévoile son programme pour les verts », bardé de bleublanc-rouge avec plusieurs portraits de l’humoriste rencontré juste avant de monter sur scène, dans sa loge. Une discussion jubilatoire et totalement foutraque. Extraits : « Moto Verte : Ton programme pour la moto. Coluche : La moto en général ? MV : Verte, on est sectaire. Coluche : Verte, d’accord. Une 2e couche donc. Une 2e couche de vert. Un beau vert. Mon programme est très simple, c’est tout ce que tu veux. Par exemple, si tu veux qu’il n’y ait plus de roues aux motos, je suis d’accord… MV : S’il y a plus de roues, c’est plus une moto… Coluche : Si, si tu veux. Si tu veux qu’il y ait moins de roue aussi.
Y’a des mecs, ils roulent sur une roue seulement. Tout ce que tu veux, tu peux l’avoir. MV : Il suffira de demander et hop ? Coluche : Non, même pas, tu demandes pas et tu le fais, c’est ce qu’il y a de mieux… MV : Toi, si t’as le pouvoir, tu partages ? Coluche : Partager quoi, avec qui ? Moi, au train où vont les sondages, je suis élu au premier tour. Parce que je me présente pas au second de toute façon… Je ne partage pas le pouvoir parce que je ne le garde pas. Dès que je suis élu, je vous le donne… MV : Est-ce que les ouvriers seront plus égaux que les patrons par exemple ? Coluche : Pas tous, ça dépend de ceux qui veulent. T’as tous les droits. Le mec qui veut passer patron, il est patron. Seulement il faut qu’il paye les ouvriers de sa poche et les ouvriers ne travaillent pas… MV : Tu chercherais pas par hasard à foutre le bordel dans les structures ? Coluche : Je crois que c’est le plus urgent, pas de voter pour un candidat… Il change pas le président. On a eu le Général de Gaulle, le général Pompidou et maintenant l’ayatollah Giscard d’estaing. Faut arrêter… À part ça, je fais toujours de la moto. Évidemment quand j’ai le temps et surtout quand il fait beau, ça a toujours été comme ça. MV : Tu sors les roues du bitume parfois ? Coluche : Pas jusqu’à présent, mais bientôt. L’an prochain je m’installe dans une île des Caraïbes, je vais m’en concocter une, de moto. J’ai toujours été un peu Harley. Ça a des avantages mais ça a surtout des inconvénients. Je vais m’en faire une version tout-terrain pour aller sur les plages, à la pêche aux coquillages… » Après l’interview, voilà Coluche en scène. Flons-flons électroniques, coup de cymbales. Il débarque avec une casquette de cycliste, visière anisée flamboyante : « Le Ricard c’est comme les nichons, trois c’est trop. Un, c’est pas assez ! »
4- DE L’AUTODÉRISION : MOTO VERTE N° 100, UN MONUMENT
On est en 1982, déjà huit ans que Moto Verte cartonne. Le mensuel est passé de 36 à 120 pages. Les ventes ont été au-delà des espérances pour toute l’équipe qui s’est enrichie de plusieurs collaborateurs. Loulou Bernardelli, Philippe Cornut, Didier Coste, Philippe Horville, Éric Breton, Xavier Audouard, Patrick Massias ou Renaud Marchand y signent régulièrement articles et photos. Le numéro 100 est l’occasion de faire le point sur cette formidable aventure. Gilles Mallet décide de conter « La véritable histoire de Moto Verte ». Pas triste. Comme sa rencontre avec Patrick Casasnovas, le PDG des Éditions Larivière décrite de façon loufoque : « Tu peux démarrer ça quand ? Dans deux mois. Combien ? Tant et un intéressement aux bénéfices. Je t’offre la moitié et pour le reste t’as ma parole… » Mallet en vient rapidement à évoquer le premier dessin de Yann Renauld paru dans MV n° 3, Renaud qui allait devenir le fameux OTB et faire les grandes heures D’MV avec ses dessins délirants. Ou encore l’inestimable Loulou Bernardelli qui « exerçait jusqu’alors la délicate profession de barman dans un bordel (!) ». Tout comme un certain Didier Coste « qui venait d’être congédié des PTT… parce qu’il avait engrossé dans le centre de tri une jeune émigrée brésilienne qui s’avéra à l’usage être un travesti (!). » Parlant d’un certain Xavier Audouard « qui parvient par le jeu fascinant d’une agitation permanente et d’un saisissant don d’ubiquité à être partout à la fois. » Ou comment lui-même – Mallet – progressait en photo : « Marchand m’avait enseigné le gros plan en photo grâce à une jeune fille de ses relations qui avait des gros plans très photogéniques, tandis que lui, conscient de l’être assez peu, suivait des cours de déhanchement aux Folies Bergères pour faire joli sur les photos d’essais trial… » Le final est au diapason : « Coste, Breton et moi vivons généralement dans un modeste ranch de 15 000 hectares dans le Névada, formant des idées nouvelles pour faire de Moto Verte un journal toujours plus magnifiques. » Une dizaine de pages d’un texte aussi délirant qu’extravagant, certainement pondu après l’un de ces graillous dont l’équipe avait la réputation. Ce numéro 100 renferme également quelques autres perles, comme « l’envers du décor », soit quelques pages de présentation de l’équipe d’alors en version déridante, un « Match pour un choix » entre deux motoculteurs (véridique) et un reportage foutraque sur le premier rallye des banlieues : le Paristraquenard. Bref, un numéro événement qui vaut aujourd’hui qu’on s’y replonge avec délectation.
5- DU SPORT : BERCY AN 1, L’AMÉRIQUE SUR LES QUAIS DE SEINE – MV 121
Impossible de dissocier Moto Verte et SX de Bercy. Une idée folle là aussi qui allait importer la discipline américaine avec maestria dans notre doulce France. En mars 1984, ce fut la révélation pour des milliers de spectateurs ébahis : « Paris by night » comme titrait le n° 121 de Moto Verte. Qui poursuit : « Sacrés Américains ! Depuis le temps qu’on vous bassine avec leurs crossmen d’enfer, leur supercross, ces shows déments… Fallait qu’on vous montre… » Le reportage photo est éloquent et montre d’abord ces cinq pilotes américains engagés sur ce 1er SX de Paris-bercy : Glover, Johnson, Bailey, O’mara et Laporte. Mais également Jobé ou Vimond, héros euros de ce premier face-à-face entre l’ancien et le nouveau monde tout-terrain. Quant aux rédacteurs, ils se contentent d’un digest pour cet événement hors-norme à l’époque. Listant les points à retenir de ces deux soirées capitales : « 25 000 spectateurs ont donc assisté au 1er Supercross de Paris au POPB sur les deux soirées. Remplissage maximal puisque l’on a joué à guichets fermés… Preuve
de l’événement, la couverture média. La télévision avec plus d’une heure d’antenne sur les trois chaînes (et oui, que trois en cette année-là, ndr). Direct sur Antenne 2, Mourousi sur TF1 et dans Auto-moto… L’équipe, Le Parisien, Le Matin, L’humanité, Le Figaro ont rendu compte de la manifestation… Satisfaction générale du côté des 50 pilotes. Les Américains en particulier se sont déclarés ravis. Rentrés chez eux avec un bon paquet de dollars, ils se sont amusés comme des petits fous sur la piste et au-dehors (ah Paris !)… Les Européens et les Français, malgré les fortunes diverses et les coups au moral infligés par les stars US, ont dans l’ensemble passé un bon moment dans la capitale… Au total, les pilotes se sont partagé 250 000 francs de primes d’arrivée à Bercy (environ 38 000 euros, ndr)… Près de 2 500 m3 de terre, 2 600 bottes de paille, un pont préfabriqué : c’est le circuit de Bercy. Commentaire de Bailey : « C’est le plus petit circuit de SX que j’aie jamais vu ! Mais vu la place dont vous disposez, c’est du boulot remarquable, bravo ! »… Côté sport, les Ricains ont tout raflé. Johnny O’mara gagne mercredi soir devant David Bailey et Éric Johnson. Jacky Vimond est 7e ! Le lendemain, c’est Bailey qui s’impose devant Johnson et O’mara, raflant ainsi le général cumulé des deux soirées. Oui, Bailey, premier King of Paris.
6- DE LA POLITIQUE : LES VERTS MENACENT LES VERTS – MV 182/194
Dès le numéro 1, Gilles Mallet avait conscience que la moto verte était menacée par le lobby écologiste et que ce dernier se trompait de cible. Il n’a eu de cesse, tout comme ses successeurs, d’être vigilant sur notre liberté de circuler. En 1989, le tout nouveau ministre de l’environnement Brice Lalonde se fait plus insistant, dans un contexte tendu pour les pratiquants de la nature. Dans un article intitulé : « L’europe veut nous parquer, que fait le gouvernement ? », Mallet revient d’abord sur une circulaire
ministérielle de 1973 incitant les maires « à user de leurs pouvoirs de police pour éviter un développement anarchique de l’usage de ces engins ». Il rappelle également qu’en 85 fut commandée une enquête par l’environnement sur l’impact et les perspectives de développement des véhicules de loisir TT. Le rapport Faulque était selon Mallet « un dossier accablant, rédigé par un écolo pur et dur contre la pratique du tout-terrain motorisé ». La même année, il y eut la loi Montagne. « L’étau se resserre alors rapidement avec notamment la décision de la préfecture de Hautesavoie interdisant en 88 la circulation des véhicules TT sur son département, y compris sur de nombreux chemins… » Sans oublier le « spectre d’une réglementation unifiée pour l’europe dès 92 alignée sur l’allemagne où, en gros, tout est interdit. » Il interpelle alors Brice Lalonde pour savoir ce qu’il va se passer dans l’avenir immédiat. On lui répond qu’il y a urgence de protéger
les milieux naturels en améliorant notamment la réglementation, en donnant des terrains près des villes, en améliorant les matériels limitant le bruit… Mallet insiste à propos de la future loi européenne, Lalonde répond : « Ne faites pas le parano. J’ai en effet beaucoup travaillé sur les dossiers européens, mais je dis que rien n’est préparé, je veux juste qu’on améliore la situation actuelle. Vous aimez le TT, d’autres aiment la nature autrement. La liberté est votre aspiration commune, il faut arriver à se mettre d’accord. La France reste souveraine en ce domaine. » Comme on le sait, en 91, la loi Lalonde restreindra fortement le droit d’accès aux espaces naturels. Ne reste plus que l’accès aux chemins. Ce qui est contraignant certes, mais nettement moins qu’en Allemagne et d’autres pays européens totalement « verboten » à la moto tout-terrain. Dans le n° 194, alors que la loi Lalonde est en passe d’être votée à l’assemblée, Mallet rappelle sous forme de bon sens : « Faites comme d’habitude, roulez avec des silencieux vraiment silencieux, sur les chemins non interdits par des panneaux, faitesvous plaisir sans affoler les populations par un comportement débile. Soyez corrects sur les chemins et lisez Moto Verte… » Des précautions toujours valables de nos jours, hein ?
7- DE L’AIR : L’ÉQUIPE MV AU FAR WEST – MOTO VERTE 185
Moto Verte a toujours aimé voyager, le deux roues à tétines se prêtant bien à la découverte de nouveaux paysages. Un outil vers des contrées lointaines et pas forcément sous forme de rallye. Il y a aussi le raid, la balade pépère comme cette virée aux USA en juillet 1989 de toute l’équipe du canard. Une parmi des dizaines d’autres qui ont émaillé toutes ces années. Ça s’appelle « Monument virée » avec une photo d’ouverture qui montre une poignée de trails et leurs cavaliers sur fond de Monument Valley, cette zone de l’arizona immortalisée par les plus grands westerns d’hollywood. Une introduction qui en dit long sur la qualité de la balade goupillée par un certain Éric Péronnard dans ce vaste ouest américain. Après avoir retrouvé leur guide à Phoenix, les verts embarquent dans le van. « Une heure de route et on débarquait les meules pour attaquer Apache Trail. Non sans une pensée émue pour Cochise, Géronimo et tous ces fiers guerriers qui défendaient ici leur terre il y a moins d’un siècle avant de profiter de la liberté américaine dans la proche réserve de San Carlos… » Ah, ah, toujours le mot pour rire. « La piste longe une rivière et l’envie nous tenaille de plus en plus d’y faire trempette vu les 40° ambiants. Comme on n’est pas du genre à résister à nos envies, tout le monde en calbute et plouf ! » Le lendemain, Flagstaff, les réserves Navajo et enfin cette vallée monumentale tant attendue : « On avait beau s’y attendre, l’avoir maintes fois contemplé dans des films, Monument Valley t’en met plein les yeux. Un site exceptionnel, chef-d’oeuvre de composition artistique d’une nature démesurée… » Ce sera ensuite l’utah pour y dévaler la piste des Mormons. « Au bout de deux miles, déjà l’enfer, enfin surtout du sable beaucoup trop mou pour ne pas me vouloir du mal. Tout me remonte d’un coup, la fatigue, le décalage horaire, les oeufs au bacon, les 27 tasses de café, mon Touquet 77 et surtout mon aversion pour la NX250 ! » Massias fait du Massias, à râler en plein coeur de la beauté. Avant de dévoiler la soirée et la poésie qui a toujours entouré nos sorties parfois alcoolisées : « Ambiance western, des steacks grands comme ça grésillent sur le barbecue. Do you want beans ? nous demandent nos hôtes. No beans, we want girls, éructé-je dans un moment de lucidité. Mais ce soir-là, on a bien dû se contenter que de haricots… » Le lendemain Arch Canyon est au programme, autre firmament d’une rando décidément paradisiaque. Commentaire du scribe : « C’est grand. C’est dans ces moments-là qu’on réalise qu’on fait un métier fabuleux. Et hop, encore une augmentation qui passe à la trappe… » En final, un coup de raft sur le Colorado avec une belle grosse trouille dans les rapides. « On est stupéfaits, ahuris et ravis ! » conclut le gratte-papier encore tout retourné. Et ce juste avant de remonter à Monument Valley pour une séance photo à la belle lumière de la fin du jour. Ils y arrivent juste à temps « pour assister à un orage obscurcissant le coucher de soleil convoité » et doivent endurer « les bordées de jurons du photographe, plus bougon que jamais. » Ah, l’aventure…
8- DU MATOS : LES HONDA 500 HRC – MOTO VERTE 195
Essayer une moto « d’usine » est toujours un privilège, un moment rare dans la vie d’un journaleux de Moto Verte. Imaginez la tête de Christian Vignes quand on lui annonce qu’il peut faire joujou avec les mythiques Honda HRC de 84 à 89. Celles des années de domination des rouges en catégorie 500 avec leurs bolides taillés dans l’or massif. C’est le photographe Pat Boulland qui était à l’initiative de cet essai hors-norme. Essai d’autant plus improbable que les motos ne devaient plus exister. Walter Fleck, boss du HRC MX en 90, explique : « À la fin de la saison, les motos doivent partir au pilon au Japon. Sauf un ou deux modèles – vides – pour des salons ou un pilote s’il en fait la demande. » Mais quelquesunes avaient été conservées en état de marche au nez et à la barbe des Japonais. D’où leur incompréhension quand Fleck leur parle de cet essai dont il a
finalement obtenu le feu vert contre la promesse que ces motos seraient ensuite détruites ou renvoyées au Japon. Gloups ! L’essai concerne les fameuses motos 100 % usine, les 84, 85 et 86, suivi de modèles élaborées sur la base de la série, de 87 à 90. Toutes ont été titrées en GP 500 aux mains d’andré Malherbe, Dave Thorpe et Éric Geboers. « Il y a de toute façon peu de pilotes capables de bien régler une 500 pour l’exploiter au mieux. André Malherbe était un excellent metteur au point. Le meilleur était Geboers », explique Walter Fleck. « Ses motos sont toujours très douces, très faciles à piloter. La sienne a une boîte 4. » À l’heure de tester ces merveilles, le journaliste prend tout à coup conscience de la chance qu’il a : « Soudain, tout le poids de cet essai m’est tombé sur les épaules. Six motos au palmarès sans équivalent, six motos en provenance du plus secret des service-course, six motos pilotées jusque-là par d’immenses champions… » Et pour le mettre à l’aise, Fleck lui lance : « Tu roules si tu la démarres ! » Fou rire des mécanos et sueur glacée du journaleux. Ah ouais, pas de démarreur sur ces bestiaux. Et si dès 88 les motos sont
équipées d’un décompresseur (installé par le HRC, pas de série), ce n’est pas le cas sur les plus anciennes. Il y a d’abord la « Malherbe » de 84. Avec son moteur « qui a la rage, pas brutalement mais avec une force inouïe qui me propulse en roue arrière d’un virage à l’autre. » Une machine « qui file droit Monsieur ! En prime, ça se manie presque facilement. » Le modèle 85 ne marche pas, pompe à eau foutue. Donc un saut sur la 86, la dernière vraie usine, conçue de A à Z dans les ateliers du HRC. Un démarrage viril, « mais après, quel bonheur », résume l’essayeur. « Le moteur est hallucinant. Totalement dépourvu de brutalité, ce 500 possède une courbe de puissance absolument linéaire. » Alors qu’une 500 CR standard est difficilement dosable, celle-ci est d’une facilité confondante. Tout comme le châssis, aux suspensions qui gomme tous les obstacles. » Fleck parle de 70 chevaux et surtout d’une moto dont le prix tourne autour des « 100 briques ! » Oui, un million de francs, soit environ 152 000 euros… en 1990. Ramenez ça à aujourd’hui et vous aurez une idée du tarif de ces machines 100 % usine. D’ailleurs dès l’essai de la 87, une série très améliorée, l’essayeur est moins emporté : « Cette moto est déconcertante. Le guidon est très haut et le moteur est lui aussi « Thorpe approved », c’est-à-dire plutôt creux en bas et agressif en haut. En plus, il vibre… ». La 88 réglée pour Eric Geboers est « plutôt basse, humaine disons, même si elle est plus large au niveau des jambes que les vraies usines. » Avec son décompresseur « elle est à peine plus difficile à faire craquer qu’une 250 » Et une fois en main, « elle se conduit presque comme une 250 vitaminée. On est loin d’un 500 de série brutal et violent. » La Thorpe 89 est un enfer, avec sa boîte 5 (4 pour toutes les autres), son embrayage dur et ses suspensions en bois. Chacune son style, ses CR usine. Chacune sa personnalité en fonction des réglages des différents pilotes et de l’évolution du pilotage entre 84 et 90. Des machines « qui vont disparaître à jamais », conclut Vignes. Mais qu’on n’oubliera pas.
9- DES CHAMPIONS : JMB FOR EVER - MOTO VERTE 208
Août 91. Dans le numéro 208 de Moto Verte, on célèbre le Kid de Manosque dans un portrait-interview sans concession. Un garçon particulier devenu une légende du monde de la moto. Comme l’écrit Patrick Massias dans le sous-titre : « Jeanmichel Bayle n’est pas comme tout le monde. D’abord vous n’êtes pas – et moi non plus – double champion du monde, encore moins champion SX aux USA. Lui, si. » Avec huit victoires en 250 cette saison-là, JMB a remporté le titre le plus convoité de la planète deux courses avant la fin et a battu le record de succès sur une saison. Humiliés les Stanton, Matiasevich et autres Bradshaw. Première et unique fois qu’un Français s’impose ainsi dans le championnat majeur du pays qui a inventé le supercross. C’est l’heure du débrief de ce moment particulièrement historique. « C’est quelque chose qui devait être fait et ça y est, explique JMB. Je suis venu pour ça, faut pas l’oublier. Si j’avais loupé, ça m’aurait vraiment fait ch… Je m’étais donné deux ans pour avoir ce titre (en 90 c’était juste pour voir) et je l’ai eu la première année. Alors oui, je suis content et tranquille. » Plus loin, il explique comment il s’y est pris, quelle a été la tactique pour décrocher le Graal : « J’ai abordé ça prudemment en jouant la régularité plus qu’autre chose et terminer sur le podium le plus souvent possible. » Et analyse froidement le fonctionnement de ses adversaires : « Stanton s’est démotivé après sa blessure à Pontiac. Il aurait pu revenir d’une façon plus agressive mais il n’y croyait plus. Dans un autre genre, il y a les conneries de Matiasevich, c’est vraiment consternant un mec pareil… Bradshaw va vite bien sûr, mais lui aussi est un peu con. On ne peut pas rouler comme un cintré et espérer terminer un championnat ! Il faut contrôler sinon tu finis toujours par faire une connerie. » Pas tendre le JMB ! Mais ça se comprend quand il raconte quelques anecdotes sur sa saison : « Je ne sais plus où, Chicken et moi étions en tête, il essayait de me T-boner dans tous les virages, c’était dingue. Du coup j’étais obligé de m’arrêter et ce nain m’attendait, tout le monde gueulait, ça a duré quatre tours jusqu’à temps qu’il se balance tout seul sur un saut. C’est vraiment une bande de frappés… » Pas tendres les Ricains avec le jeune Provençal, un peu déçu par ce comportement. « C’est sûr que ça les fait chier. Ils ne peuvent pas supporter qu’on vienne leur piquer quelque chose. Ce qui les gonfle, c’est que ce n’est pas un Américain. Mais je m’en fous et tant mieux si ça les emmerde ! » Sa façon de faire est évidemment étonnante, comme il l’explique. « Quand j’arrive au terrain (d’entraînement, ndr) Stanton a déjà roulé sa manche de 40 minutes et une de SX avant de faire des tests. Moi je roule un peu histoire de tester et après je vais jouer au golf. Ça les rend dingues. » Et de tuer le mythe du pilote
d’usine superstar : « Les gens doivent penser qu’on est traité comme des rois ici. La réalité est bien différente. Mon mécano ne pose pas les mains sur ma moto d’entraînement, jamais. Si je m’en occupe pas, j’ai un oignon. » Il analyse enfin cette saison avec un drôle de toupet qui frise la mégalo : « Finalement ce titre a été plus facile à décrocher que ceux de champion du monde. C’est normal avec mon niveau de pilotage et de technique, ce n’est pas très difficile… Je suis souvent le premier à tenter des nouveaux trucs. Souvent, je suis aussi le seul à pouvoir le faire. » Avant de parler de son avenir et évoquer ce que sera sa vie future. « Ah oui, la vitesse, je ne pense plus qu’à ça. On verra bien et de toute façon, le cross c’est terminé. » Ça se terminera en fin de saison suivante, on le sait aujourd’hui, après une saison US 92 époustouflante et un dernier baroud d’honneur à Bercy. La légende était déjà en marche. Une légende hors norme qui passera à la vitesse, les GP 500. JMB de conclure cet entretien par une phrase que peu de monde peu prononcer sans passer pour un guignol complet : « Avant ce titre, je n’étais que le meilleur pilote du monde et j’étais le seul à le savoir. Maintenant, tout est en ordre. »
10- UN VENT DE LIBERTÉ : CES RUBRIQUES « À-BRAC » IMPROBABLES
Pendant longtemps, Moto Verte a été un magazine un peu décalé. Ne se prenant pas plus au sérieux que ça. Une sorte d’esprit motard qui collait à ces années post-68, ces 70’s débridées et des 80’s toutes aussi barjots. Pas étonnant d’y retrouver des articles étonnants comme cette Saga gaga « spécial vieillards » dans le n° 137. Késako ? Juste un délire écrit par un certain Henry Fuckinger et qui narre les aventures de lui-même et son pote Léon lors du 14e trial régional de Stbouzon-les-bougnes (!). Une fiction illustrée de dessins D’OTB, inénarrable. Et que dire de cet article sobrement intitulé « Mo-taule : la grande évasion » dans MV n° 176 ? C’est pourtant on ne peut plus sérieux et l’article narre le travail du pilote et moniteur moto Guy Taesch en maison d’arrêt près de Metz afin que les jeunes puissent se faire la « Bayle » en tournicotant dans l’herbe au guidon de 80 RM. Dans ce même numéro 176, sous l’appellation Tsointsoin,
on trouve un épisode de « La semaine d’ivan Endurovitch », série fictive sur le quotidien d’un pilote imaginaire. Tsoin-tsoin est par ailleurs une rubrique qui débuta sa vie dans le n° 74 et allait s’étaler sur des années. Ça pouvait être un voyage, une fable ou une rencontre improbable. Parfois même du grand reportage. Cherchez bien dans votre collection, ça vaut souvent le détour. Tout comme la fameuse rubrique « Ça n’a pas deux roues, mais c’est vert. » Où l’on retrouve la présentation de diverses activités : la motoneige, le deltaplane, les raquettes à neige, le mountain-bike, le trekking au Népal, la planche à roulettes, le monoski, L’ULM ou encore… le vin ! Plus sérieuse et apparue dès les premiers numéros, la rubrique « Les verts en cravate », est à chaque fois une rencontre avec un responsable de l’industrie moto ou tournant autour. On a également une pensée émue pour les « Aventures de Marc et Paulot » signés Jules Vert, délires goupillés par Loulou Bernardelli au début des 80’s, tout comme la rubrique « Attention aux essais bidons », dessins foutraques d’un certain JM Boucheron, sorte D’OTB croisé de Monthy Python. Enfin, mention spéciale à OTB, alias Yann Renaud, qui officia dès le n° 3 de Moto Verte et ce jusqu’aux années 90. Illustrant des centaines d’articles de son coup de crayon « rhaaa lovely » et de ses idées « totally bananas ». Son Hurricane Papa devint culte, un peu comme Léonard de Vinci. Et banzaï !