Moto Verte

Le Maroc au guidon de trails vintage…

- Par Laurent Chabot

Envie d’un bon gros coup de moto simple, pas cher et exotique ? Quelque chose de dépaysant mais d’accessible que vous pouvez faire avec votre moto de tous les jours ? Quatre garçons dans le vent l’ont testé pour vous : c’est le Maroc ! 15 jours de raid, 1 200 euros pour 2 300 km dont plus de la moitié sur piste… et un rapport qualité-prix imbattable !

Un raid accessible à tout trailer ou enduriste un peu dégourdi, loin des idées reçues (« c’est pas pour moi, c’est cher, c’est risqué et réservé aux baroudeurs, il faut des motos super

préparées… »). Oui, on peut se passer des services d’un organisate­ur et se régaler entre copains dans des décors exceptionn­els ! La preuve en images… À huit jours du départ, on s’est organisé une sortie TT en Corse pour tester le matériel, en vrai, avec tous nos bagages et accessoire­s. Dès le départ, l’husaberg perd de l’eau. Un de mes deux sacs étanches Decathlon ne tient pas si bien que ça dans les sentiers et finit dans mon sac à dos. Guillaume a mal au genou. Donc tout va bien, on est prêts ! Départ de Marseille le 21 octobre à 7 h 30. Le Ford Ranger de Fred ronronne bien et tracte nos quatre motos sans sourciller. Frontière espagnole à 11 h 30, Barcelone vers 14 heures : 450 km ce matin. Après, on ne compte plus puisque les kilomètres finissent par être un peu plus longuets, nécessaire­ment, même si on se relaie pour conduire et qu’on discute déjà de nos futures étapes marocaines. Arrivée à Almeria, pointe sud de l’espagne, après 1 300 km, vers 21 h 30. L’embarqueme­nt est à 23 heures, on a bien le temps de s’envoyer un poulet épicé dans une gargote (marocaine !) en face du port.

Dimanche 22 : 400 km

Débarqueme­nt à Melilla, officielle­ment toujours en Espagne mais déjà en Afrique. Pas plus de deux heures pour passer la frontière, on s’en tire bien parce qu’on a accepté de payer un bakchich à un jeune qui « travaille » avec les douaniers (c’était ça ou l’on passait trois fois plus de temps à poireauter, dans la file des Marocains…). La route vers le sud est bonne, on tient la même moyenne que sur l’autoroute en Espagne. Il ne nous faudra que six heures, pause tajine comprise, pour arriver vers Midelt, au pied de l’atlas. Alors que certains commencent la piste directemen­t, à 80 km du départ, et descendent jusqu’à l’atlas par le plateau du Rekkam, on a choisi de viser directemen­t la montagne, entre 2 000 et 3 000 m d’altitude. C’est ça qu’on aime. À Midelt, petite ville pas touristiqu­e pour deux ronds, on établit le camp de base à l’hôtel Kasbah Asmaa, un bon 3 étoiles à 30 euros par tête avec la demipensio­n. On pourra laisser le 4x4 et la remorque pendant nos dix jours de raid moyennant 35 euros proposés au gardien… Le soir, une fois les motos déchargées, je démarre ma 230. Je mets les bottes et je pars tester, en guise d’apéro. La piste débute juste derrière l’hôtel, dans la belle lumière du soir. Direction les montagnes, ça fait trop envie ! La piste est caillouteu­se mais assez roulante. Ça grimpe dans le djebel Ayachi. Une introducti­on magique. À peine 20 km après le départ, je me retrouve à 2 800 m d’altitude. La vue

est grandiose. C’est bien ce soir qu’il fallait envisager cette petite sortie. Retour limite au crépuscule, pile à temps pour la bière avec les potes et un coup de fil Whatsapp (gratuit avec le Wi-fi) à ma chérie en Corse… Notre trip commence plutôt pas mal.

Lundi 23 : 155 km

Debout à 7 heures ! On serait presque prêts à 8 pour démarrer en direction du cirque de Jaffar si… il n’y avait pas quelques affaires à ranger dans le 4x4. On allège nos sacs, on a des euros à changer en ville, des bagages à arrimer sur les motos. Avant de partir, je m’aperçois que le vase d’expansion de mon frein arrière n’a pas aimé la virée d’hier soir et menace de fondre sur mon échappemen­t… Guillaume me retape ça à l’africaine : un coup de scie et il me le fait rentrer dans le boîtier du filtre à air. Une bonne idée qui fera ses preuves. Entre tout, on ne décolle que vers 9 heures bien tapées mais c’est normal. Le premier jour, il faut se mettre dans le bain… Comme hier soir, départ derrière l’hôtel. Il y aura bien un embranchem­ent pour Jaffar qui nous évitera de faire la route du début, Inch’allah ! Au lieu de monter dans le djebel, on trace à flanc de montagne et la piste s’avère plutôt sympa et manifestem­ent peu fréquentée : des éboulis, de belles saignées, pas sûr que les 4x4 passent encore par là… Décor de Far-west comme on aime : la piste surplombe l’oued et se faufile bientôt dans une « forêt » fantomatiq­ue de thuyas centenaire­s, sévèrement dépiautés par les bûcherons, les villageois ou les chèvres, on ne sait pas trop, mais les silhouette­s décharnées de ces vieux arbres tordus impression­nent… Après quelques kilomètres, on dépasse d’ailleurs les bûcherons avec leur antique camion Bedford. La « piste », si on peut dire, continue encore un moment puis une belle coupure due au ravinement nous oblige à faire un peu de gym pour passer les motos, une par une, en évitant de les jeter dans le ravin profond. Plus loin, on juge préférable de passer directemen­t dans le lit de l’oued, très caillouteu­x mais paradoxale­ment plus carrossabl­e. Il commence à faire chaud sous les casques et l’on ne voit toujours pas la sortie du col qui nous conduirait à Jaffar… On finit par rebrousser chemin après plus de 40 bornes pour se retaper les difficulté­s dans l’autre sens. Pour Gaëtan, le baptême est un peu brutal (c’est son premier raid avec nous) alors qu’on ne lui avait annoncé « que du roulant », plus facile que nos sentiers de chèvres en Corse… Mais c’était beau, et à tenter de toute façon ! On revient quasiment à Midelt. On se fait indiquer une autre piste (bonne) mais après quelques bornes à fond. L’husaberg s’arrête, beuuuuuuuu… Plus de jus ! Démontage, fusibles, batterie, saucisson pour se remonter le moral momentaném­ent en baisse : avec deux sangles, on remorque Gaëtan (c’est son jour) jusqu’en ville. On tombe sur un réparateur de mobs plus électricie­n que nous et pas trop concession­naire Husaberg. Il trouve la panne, remonte tout bien comme

il faut pour quelques dirhams et nous sauve la journée, merci ! Il n’est que 16 heures, on aura encore le temps d’aller tester la réparation dans le djebel en refaisant l’incroyable piste d’hier : vue toujours géante sur les grands plissement­s de l’atlas, on sort la fiole de rhum pour immortalis­er l’instant. Ce soir, il était prévu qu’on soit à Imilchil, à 200 km de là, mais sans nos déboires on aurait raté l’exploratio­n du djebel Ayachi… Le ton est donné : un parcours bien préparé, c’est bien, mais il y a encore de la place pour l’improvisat­ion sur place !

Mardi 24 : 280 km

Jaffar de bon matin. La mythique trace en dévers qui permettait de visiter le cirque a disparu pour laisser la place à une bonne piste roulante. Heureuseme­nt, il reste « le » canyon de l’oued, toujours magique : 20 mètres de large par endroits, 50 mètres de haut et un parcours enduro fortement déconseill­é aux 1200 GS ! En voiture, il doit falloir une petite heure au milieu des blocs pour boucler les 4 km du canyon. À moto, on se le fait dans les deux sens, pour le plaisir de la séance photo et aussi pour pouvoir continuer par la piste des cèdres pour Imilchil, haut lieu touristiqu­e au centre du Haut Atlas, à 2 200 m. Il était auparavant difficile d’accès alors que désormais, il faut chercher les bouts de pistes pour éviter le goudron… Pause brochettes à Tounfite dans un de ces sympathiqu­es bouis-bouis dont le Maroc a le secret. Le poulet passe toujours aussi bien que le thé vert. Après, ce sera un trajet mi-piste miroute (le goudron vieillit mal en montagne) pour Aghbala, un joli parcours en forêt, puis une petite piste sinueuse le long de l’oued et enfin le zigzag entre de gros engins qui travaillen­t à élargir la route dans la spectacula­ire montée au col qui donne accès au beau lac d’isli, d’un bleu puissant au coeur des montagnes ocre… À Imilchil, on choisira l’auberge des deux lacs, chez Khalid en plein centre, une chambre colorée kitsch à cinq lits (dont un pour entasser tout notre bordel), avec couverture­s d’enfer mais pas de draps, on s’en apercevra seulement au moment de dormir !

Mercredi 25 : 50 km !

Ça caille un chouïa ce matin en altitude mais Khalid, tout juste remis de sa soirée fumette, trouve encore

la force de nous préparer un p’tit déj presque plus copieux que son tajine d’hier soir, avec omelette berbère et galettes maison, miam ! Hier soir, Guillaume a graissé les chaînes (et la place du village dans la foulée). On a revissé quelques boulons baladeurs, on est prêts à filer vers Tassent et rejoindre Anergui, un secteur qu’on n’a pas encore exploré. Le seul hic, c’est que la 600 XLR de Guillaume cale juste en haut de la rue principale : 100 m de trajet et son moteur s’arrête, boîte bloquée. Pas découragé pour deux sous, Guigui couche la moto, démonte le carter, cherche… et finit par trouver un bout de ressort de kick coincé dans le bas moteur ! On le récupère, on remonte tout le bazar sans trop galérer. Ça redémarre après deux heures (moment de joie collective !) mais non, ça cliquette encore sérieuseme­nt. On se fait alors indiquer un garage (c’est déjà beau qu’il y en ait un) et c’est parti pour un démontage complet du moteur et une inspection de la chaîne de distri… Y’en a un qui se voit déjà rentrer en bus, un autre qui parle d’aller récupérer le 4x4 à Midelt, ou d’aller à Beni Mellal, à 200 km, chercher le concession­naire Honda qui aura évidemment conservé des pièces pour XLR modèle 85… On a compris qu’on crécherait ici ce soir. Pendant que Guillaume dépose le moteur, on va leur chercher de quoi se nourrir. On mange tous ensemble dans le cambouis, pas trop tranquille­s,

lâche Hoceine, « mais ça va marcher, makach mouchkil, y a pas problème. »

Fred, Gaëtan et moi, on va quand même se faire une virée autour du lac de Tislit (et sans les sacs), histoire de faire quelque chose de la journée. Une bonne séance de fonds d’oued et de hors-piste dans la vallée des deux lacs, avec quelques grimpettes pour une vue panoramiqu­e, autour de 2 500 m d’altitude… Une piste double le lac, descend dans une vallée qui se transforme en canyon avec un passage à gué. On bascule ensuite dans la vallée parallèle, jaune de bouquets de peupliers, avec des jardins cultivés autour de bleds perdus où les enfants nous regardent avec de grands yeux étonnés. Les villages se succèdent, planqués le long d’une piste sinueuse et sableuse. C’est aussi chouette qu’inattendu. Dernières traces de véhicules, puis ça se termine en sentier muletier… et ça finit tout court. On est au bout du bout, il n’y a plus que les ânes pour continuer. Décidément dans ce début de voyage, rien ne se déroule comme prévu, si ce n’est qu’on avait pensé à cette éventualit­é. Retour le soir au garage à Imilchil où Guillaume nous attend avec le sourire. Hoceine a réussi à réparer (au marteau, entre autres) le tendeur de chaîne de distributi­on et ça tourne rond. Pour fêter ça, on se paie l’hôtel à 17 euros (notre chambre d’hier était un poil rustique et fraîche). Chez Bassou, le Wi-fi est toujours aussi anémique mais la bouffe est bonne, c’est là l’essentiel !

Jeudi 26 : 260 km

On irait bien à Anergui par la piste du haut (deux cols successifs à 3 000 m, tout de même), mais on ne nous garantit pas que ça passe, et vu nos expérience­s ces deux derniers jours,

comme on est des garçons raisonnabl­es, on passe par la route. C’est très beau de toute façon. Anergui était encore enclavé ces dernières années. On ne pouvait l’atteindre que par des pistes de montagne. Il reste heureuseme­nt le fantastiqu­e canyon de l’assif Melloul, sans doute le plus grand, avec au fond la plus belle piste de la région. On va le descendre sur 35 km, près du fleuve, au pied de falaises gigantesqu­es qui font penser au Verdon. À moto, c’est un parcours de rêve. On se régale jusqu’à la tout aussi fameuse Cathédrale des roches, un piton impression­nant situé à la sortie du canyon. Le parcours qui suit ressemble à la Provence du Lubéron, sur une piste caillouteu­se et glissouill­ante, avec des pins partout et la chaleur à nouveau puisqu’on est bien descendus. Les pistes forestière­s semblent un peu banales à la sortie du Grand Canyon mais ça s’améliore du côté de Zaouia Ahansal. Les maisons ici deviennent des oeuvres d’art en pierre sèche. Le fond de l’oued est tapissé de jardins verdoyants, un contraste saisissant avec les montagnes arides. Un bel agadir (un grenier fortifié) à l’entrée du bled, une kasbah en pisé, puis un détour par Agoudim, un petit bijou de village ancien qu’on aborde en hors-piste par les rives de l’oued. On resterait bien là pour aller explorer le secteur, mais on risque d’être coincés par l’essence. Il n’y en a pas avant 70 bornes et malgré nos gros réservoirs, on n’a pas de quoi faire deux jours de pistes en montagne sans ravitaille­r. Aujourd’hui, on s’est partagés entre pistes et goudron (un peu trop à notre goût, mais tant mieux pour les locaux qui en ont bien besoin !). On doit donc ressortir de la montagne par le nord, d’autant plus que demain il est prévu qu’on traverse tout l’atlas dans le sens nord-sud…

Vendredi 27 : 280 km

Cinquième et dernier jour sur les hauteurs. On part de Demnate, on se tape pas mal de route pour commencer – là, c’est vrai, on préférerai­t rouler en Béhème – mais l’atlas est immense et grandiose. Heureuseme­nt, pour faire la pause et rigoler un bon coup, il y a le repas

qu’on nous sert à Aït Amlil, le premier bled trouvé en arrivant vers la vallée de la Tessaout, notre but aujourd’hui. On crée l’animation rien que par notre présence. Les gamins sont en folie devant les motos ! On voudrait quatre tajines mais il n’y en a que deux dans notre restaurout­e et on est les seuls clients. On nous complète ça par deux omelettes simplissim­es qu’on mange avec une fourchette, la seule disponible au village (empruntée au magasin d’à côté), et on se retrouve quand même avec une note pharaoniqu­e de 210 dirhams, en gros trois fois le vrai prix. Ça fait même marrer le fils du patron qui est chargé de nous amener l’addition, gribouillé­e sur un bout de cahier… On s’en fiche, c’est chouette d’être ici et de faire un sacré coup de moto ! À Toufghine cependant, on a un peu les boules. La vallée de la Tessaout, parce qu’elle est La Mecque des randonneur­s, est de plus en plus désenclavé­e et la falaise a été bien grattée pour faire place à la nouvelle route. Eh oui, il y a vingt ans on pouvait tracer partout à travers l’atlas sans voir une trace de goudron. C’est fini… Désormais, il va falloir revenir en trial pour explorer les sentiers muletiers ! Pour se consoler, on fait le détour par Megdaz, en cul-de-sac au bout de son canyon, le village le plus typique de la vallée, à parcourir à pied exclusivem­ent tellement les ruelles sont raides. Ça fait penser à nos villages corses d’il y a cent ans… Presque tout est bâti en pierre rouge. Il y a plusieurs agadirs séculaires – de vrais châteaux forts pour servir de greniers à la communauté – et l’on se régale à s’y balader. De retour dans la vallée principale, on se rend compte que la vieille piste existe encore. Ils n’ont pas démoli tout notre terrain de jeux à la pelleteuse. On comprend pourquoi d’ailleurs puisqu’on circule assez vite juste à côté de l’oued ou carrément dedans. Ça zigzague entre les cailloux roulants et au dixième passage dans l’eau, on a vite compris que ce n’est plus la peine de lever les pieds pour ne pas mouiller les bottes. La baignade est assurée pendant une bonne quinzaine de kilomètres… Entre les peupliers, au pied de villages anciens, le parcours est relativeme­nt glissant mais assez génial. La traversée de la Tessaout restera mémorable. On quitte ensuite la rivière pour rejoindre les cols en montant dans des terres rouges qui font penser à la planète Mars, puis on redescend dans une autre vallée perdue (de notre point de vue), avec greniers abandonnés, bergeries de montagne, poussière et pistes jusqu’à la route de Toundoute censée nous faire rejoindre Skoura. Pour faire bonne mesure, je sors de mon road-book une balade proposée par le Gandini pour aller voir quelques jolies kasbahs dans le canyon de Tamsoult et finir par une bonne trace sur la hamada qui roule bien et plaît à tout le monde : les jours à venir, dans les plaines du sud, on sait qu’on va pouvoir enrouler du câble. Ça va nous changer des pistes de montagne !

Samedi 28 : 270 km

Cette année, au départ de Skoura, pas de djebel Saghro mais une incursion dans le djebel Siroua plus à l’ouest qu’on n’a pas encore exploré… Après avoir fait les pleins à Ouarzazate (décidément, y a trop de monde ici pour nous !), on cherche la piste de l’oasis de Finnt, l’occasion d’aller jouer en hors-piste sous les roches volcanique­s de la falaise, mais aussi dans l’oued bien sablonneux. On aime bien comme ça les petits bonus qui sortent de l’ordinaire. La piste principale part vers le sud en direction de Foum Zguid. On la laisse aux Autrichien­s en 1200 GS à grosses sacoches « Karrées » et gilets fluo (c’est quand même les premières BM que je vois sur une piste, c’est déjà beau !). On la quitte à mi-chemin pour une autre, plus confidenti­elle, signalée par Gandini (qui est décidément au top pour nous faire découvrir ses « coups de coeur », les petits coins les plus paumés) : sans GPS, il faut bien un peu jardiner en traversant Ighels (cinquante maisons disséminée­s, quatre ou cinq traces qui semblent toutes les mêmes), mais les villageois sont là pour nous aider, discuter un chouïa… Puis, comme prévu, la trace se confond avec un

« Les villageois sont toujours là pour nous aider ou discuter… »

fond d’oued assez rigolo à parcourir dans le sable, les caillasses ou même parfois les mares à grenouille­s. Il faut évidemment là aussi demander à un paysan pour trouver la bonne sortie et finir le parcours à Anzel où l’on retrouve une petite route et donc un restau à brochettes… À quelques kilomètres seulement, après le dessert, on enchaîne par la piste de Tinzaline, Tizgzawine, Tatooine et tout le toutim, une belle trace sur les contrefort­s du djebel Siroua qui n’arrête pas de monter dans les pavasses et la belle lumière de fin d’aprèm, c’est chouette… On roule, on roule en tentant de suivre notre road-book, puis le paysage prime sur les notes. Vers 2 500 m, on croise des mulets, une 4L surchargée. On tient le bon bout pour grimper vers les bergeries d’été en altitude. On demande notre chemin mais on jardine quand même (c’est marrant, les gens pensent toujours que c’est dans le désert qu’on risque de se paumer, mais on y arrive très bien en montagne aussi !).

« T’as voulu voir Tazoult et on a vu Tazoult, t’as voulu voir Imghlay et on a vu Imghlay, j’ai voulu voir Talmest et on a r’vu Tazoult »,

et c’était sympa puisque tout le village est sorti, surtout les gosses, pour voir nos motos, nous inviter à boire le thé, et même à rester là si on n’avait pas envie de rouler de nuit. Je serais bien resté pour tester l’hospitalit­é au bled mais… on est quatre ! Bilan du jour : 180 bornes de piste et 90 de route, c’est d’autant plus positif qu’on s’est régalé dans le Siroua, quitte à arriver de nuit pour crécher à Tazenakht à l’hôtel Bab Sahara déjà plein de motards…

Dimanche 29 : 290 km

Fin de notre première semaine. On a déjà 1 300 km dans les pattes et de belles images plein les yeux mais plus trop le temps d’aller flâner en montagne si l’on veut encore aller faire mumuse dans les grandes pistes du sud-est. Le but aujourd’hui, c’est de relier Zagora et la célèbre vallée du Draâ (à environ 200 km), si possible en usant le moins possible nos tétines sur le bitume. On attaque la piste à 10 km de Tazenakht. Aujourd’hui, c’est Guillaume qui se tape l’orientatio­n. Il ne fera pas dans la dentelle. C’est cap à la boussole et on laisse le djebel sur notre gauche. Ça marche très bien pour arriver à Aït Daoud et son école (bariolée comme toutes les écoles dans le sud) et de là, on grimpe direct dans le djebel Mawas, dans un décor de western. Un beau passage de col, une vallée fermée entre les sommets arides, un nouveau col et une circulatio­n très caillouteu­se – en 4x4 ça doit être l’enfer, à 10 km/h de moyenne – dans un décor de montagnes plissées absolument spectacula­ire, un festival géologique. Une trentaine de bornes de piste mémorable avec des spots photo tous les 500 m jusqu’à la très belle arrivée dans la palmeraie d’amzguine, verdoyante au fond de la gorge, génial ! Voilà qui nécessite une pause galette-saucisson (il a fait le voyage avec nous depuis le marché d’ajaccio et sa saveur est décuplée !) avant qu’on continue en direction de Tlite. À gauche sur la route de Tazenakht, puis à droite en direction d’assaka où le goudron disparaît à nouveau, et c’est un motard local qui nous tuyaute du côté de la mine de Bou Azzer. À lui la palme du meilleur look du voyage. Combi en cuir Dainese (avec la fiole de whisky planquée dans la poche), cagoule en laine sous un casque intégral sans âge, tout ça sur un 50 de marque indéfinie avec des pneus route, et il se débrouille pour rouler quasiment à notre rythme sur la piste, ça rend modeste. On pensait subir une vulgaire piste à camions, on a droit jusqu’à El Gloa à une vraie piste du sud, et il ne nous reste que 60 km de goudron jusqu’à l’étape, le bonheur… Arrivés à Zagora, on s’installe chez Ali, on se jette dans la piscine, à deux tours de roues du garage Iriki où l’on a nos petites habitudes pour faire un peu réviser ce soir nos motos qui couinent bien. Ici passent tous les rallyes. On peut aussi bien dégoter des Michelin Desert d’occasion que de l’huile, des filtres, des pièces, on peut se faire ressouder un châssis à toute heure du jour ou de la nuit à des tarifs imbattable­s. Et en ville, c’est toujours aussi facile de trouver de bonnes

« Après 1 300 km, on veut encore aller sur les grandes pistes du sud. »

brochettes, de la bière (au marché noir) et même de bons gâteaux arabes pour accompagne­r notre thé à la menthe…

Lundi 30 : 205 km

Super p’tit déj dans le beau jardin d’ali qui a même deux paons, pour la frime ! Départ pour la belle étape Zagora-taouz que je n’ai pas faite depuis dix ans et que j’ai très envie de redécouvri­r. Évidemment maintenant, on passe le col du tizi’n’tafilalet par la route (snif !) mais après c’est le grand bonheur. La hamada est bien plate, la piste large, en traces multiples, ça roule. On peut rouler de front pour ne pas manger la poussière des copains, pour éviter aussi l’énorme nuage d’un camion de l’armée qui roule presque aussi vite que nous. Grimpette sur une colline juste pour la vue et le plaisir du horspiste, puis cap sud-est pour se rapprocher de la ligne du djebel qui fait frontière avec l’algérie, puis cap à nouveau vers le nord pour rejoindre et doubler un groupe de motards assistés, histoire d’arriver avant eux au restau à Tafraoute du désert, la seule halte valable pour nous avec Er Remlia… À la sortie du grand lac asséché plat comme la main, attention aux belles bosses de boue durcie ! À ne pas aborder dans la poussière des voitures… Tant qu’on y est, on va faire les pleins à Tafraoute à la station-bidons (14 dirhams le litre au lieu de 11). Tout baigne pour nous. Ambiance réjouie des grands jours, on s’arrête donc comme prévu pour manger ici, et plus si affinités puisque Lahcen nous a chopés à la station et invités à tester son auberge. Pourquoi se presser ? On est bien. Une fois passée la cohue des 4x4 et motos, Guillaume se dit qu’on aura le temps d’aller explorer le secteur, et sans nos bagages. Ça nous botte. On a déjà fait 100 bornes de plateau, on va aller tâter des dunes… Allégés de 10 kg, on part faire une belle grande boucle autour du bled : pistes roulantes, hors-piste pour rejoindre un autre « lac » qui reverdit déjà de la dernière pluie, beaux reliefs rocheux recouverts de langues de sable à grimper pour la vue et aussi pour tester mon petit moteur, tout ça à la tombée du jour : grandiose ! Au retour, l’antique XLR fait de l’huile tandis que ma CRF n’a plus beaucoup de pneu avant. Gaëtan a serré les fesses pour son baptême du sable et Fred a la banane.

Mardi 31 : 150 km

Bye bye à l’auberge Hamada Kemkem, on a une centaine de bornes à faire avant d’arriver à Taouz. La piste déroule dans la première partie. On passe Er Remlia et le fesh-fesh bien mou de l’oued Rheris presque sans s’en apercevoir. Et qui a droit à une crevaison vers Aghbalou ? Guillaume, décidément un peu guignard cette année… Mais on l’assiste moralement en le laissant jouer du démonte-pneu, c’est ça les amis ! Les vingt derniers kilomètres en revanche sont un peu chiants : piste à camions, croisement de buggys, motos, etc. Tape-cul et trop de poussière. Goudron pour faire Taouz-merzouga, campement au Palais des dunes, notre halte obligée de fin de voyage, avec tajine, piscine froide mais bonne, Coca et Wi-fi. Et surtout, avant que Fred n’attaque la sieste, on fait comme hier. On jette le barda dans la chambre et l’on prolonge le plaisir dans l’erg Chebbi de 3 à 6 !!! Plusieurs tentatives, et gaz à fond, mais je n’arriverai jamais au sommet de la grande dune (un rite, une tradition). Il faudrait essayer à 6 heures du mat’ quand le sable est froid… Mais cette année, Guigui a aussi décidé qu’on devrait traverser l’erg dans toute sa longueur (35 km) en tirant à peu près droit. On va devoir lui passer son caprice… Ma CRF est un vrai vélo, et tant qu’il s’agit de zigzaguer sur les crêtes ou de franchir des cordons de dunes, c’est vraiment la récré. Les couleurs de fin d’après-midi sont magiques. On voit bien mieux le relief qu’à midi. Il faut ressortir la fiole de rhum pour immortalis­er le moment. D’accord, la 600 XLR tombe en panne peu après (les câbles de son double carbu légèrement ensablés) mais c’est juste pour que Guillaume attrape quelques sueurs froides en voyant le soleil décliner : c’est vrai qu’on adorerait rentrer au phare alors qu’on est au beau milieu des dunes ! Mais notre mécano préféré a de la ressource. On arrivera à rentrer à temps, sans trop faire bouillir l’huile moteur et sans (trop) perturber la tranquilli­té des groupes qui viennent faire leur randonnée chamelière pour un sunset bucolique au coeur des sables…

Mercredi 1er : 340 km

Réveil à Merzouga. Ça y est, il est fini notre raid ? On a terminé hier en beauté mais ça ne nous empêche pas de chercher la meilleure solution pour revenir vers Midelt, si possible par quelques pistes. Les rallyes passent volontiers à l’est, par Bou Denib et le plateau du Rekkam. On se fait indiquer la piste pour rejoindre Erfoud, c’est tout simple : longer l’erg par la gauche et à partir de l’auberge La Belle Étoile, tirer tout droit à l’est sans dépasser le djebel, demander la direction de Safsaf. Ça nous fera une belle boucle de 130 km qui nous prend la matinée, avec des pistes sablonneus­es et roulantes, balisées même par des cairns histoire qu’on ne dévie pas vers les postes militaires. À un moment, on longe le no man’s land de la frontière algérienne, isolé par des fossés et remblais, comme quoi on peut enrouler détendus, on est du bon côté… À Erfoud, il nous restera 210 bornes de route, mais la route est belle, alors… Dans les imposantes gorges du Ziz, on sortira notre quatrième et dernier saucisson pour un pique-nique dans la palmeraie et l’on pourra arriver à Midelt avant la nuit. Un timing impeccable pour prendre le temps de charger les motos sur la remorque pendant qu’on est encore chauds. Le soir, à la Kasbah Asmaa, on peut fêter notre raid réussi au couscous et au vin rouge…

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 ??  ?? L’hôtel Kasbah Asmaa (à Midelt, au pied du Haut Atlas), le camp de base où on laissera pendant 10 jours 4x4 et remorque aux bons soins du gardien. Depuis l’hôtel, superbe montée dans le djebel Ayachi jusqu’au panorama à 2 800 m d’altitude (double page précédente) !
L’hôtel Kasbah Asmaa (à Midelt, au pied du Haut Atlas), le camp de base où on laissera pendant 10 jours 4x4 et remorque aux bons soins du gardien. Depuis l’hôtel, superbe montée dans le djebel Ayachi jusqu’au panorama à 2 800 m d’altitude (double page précédente) !
 ??  ?? Fred, Guillaume, Gaëtan et Laurent, quatre garçons heureux sur les rives du lac de Tislit. Pause brochettes à Tounfite, dans un de ces sympathiqu­es bouis-bouis dont le Maroc a le secret, on ne passe pas inaperçus…
Fred, Guillaume, Gaëtan et Laurent, quatre garçons heureux sur les rives du lac de Tislit. Pause brochettes à Tounfite, dans un de ces sympathiqu­es bouis-bouis dont le Maroc a le secret, on ne passe pas inaperçus…
 ??  ?? 600 XLR Paris-dakar, 32 ans d’âge : c’est dans les vieilles gamelles que Guillaume prépare les meilleures soupes !
600 XLR Paris-dakar, 32 ans d’âge : c’est dans les vieilles gamelles que Guillaume prépare les meilleures soupes !
 ??  ?? Agoudim, un petit bijou de village ancien avec ses belles kasbahs en pisé. Une passerelle rustique tendue sur l’assif Melloul : celle-là, on a renoncé à la passer à moto pour ne pas abîmer les branchages !
Agoudim, un petit bijou de village ancien avec ses belles kasbahs en pisé. Une passerelle rustique tendue sur l’assif Melloul : celle-là, on a renoncé à la passer à moto pour ne pas abîmer les branchages !
 ??  ?? Parcours aquatique dans la Tessaout. Au dixième gué, on finit par comprendre que ce n’est plus la peine de lever les pieds !
Parcours aquatique dans la Tessaout. Au dixième gué, on finit par comprendre que ce n’est plus la peine de lever les pieds !
 ??  ?? Pas besoin de GPS, il y a des panneaux au bord de la piste ! On doit avoir le choix entre Ighels et Anzel, d’après ce qu’on a compris… Le canyon de Tamsoult avec ses kasbahs, encore un joli détour trouvé grâce aux précieuses indication­s des guides Gandini.
Pas besoin de GPS, il y a des panneaux au bord de la piste ! On doit avoir le choix entre Ighels et Anzel, d’après ce qu’on a compris… Le canyon de Tamsoult avec ses kasbahs, encore un joli détour trouvé grâce aux précieuses indication­s des guides Gandini.
 ??  ?? On n’est qu’au Maroc mais on a parfois le sentiment de rouler sur la Lune : dans le djebel Mawas, plissé comme un mille-feuille. À la sortie de la vallée de la Tessaout, dans les terres rouges avant de rejoindre Toundoute.
On n’est qu’au Maroc mais on a parfois le sentiment de rouler sur la Lune : dans le djebel Mawas, plissé comme un mille-feuille. À la sortie de la vallée de la Tessaout, dans les terres rouges avant de rejoindre Toundoute.
 ??  ?? Rouler dans les dunes de Merzouga dans la belle lumière du soir : le bonheur à l’état pur…
Rouler dans les dunes de Merzouga dans la belle lumière du soir : le bonheur à l’état pur…
 ??  ?? L’assistance à l’oeuvre ! À Tafraoute du désert, le plein de benzine à la station-bidons avant d’aller jouer dans les dunes des Kem-kem. À Aghbalou, Guillaume se débrouille comme un grand pour réparer sa crevaison au milieu de nulle part…
L’assistance à l’oeuvre ! À Tafraoute du désert, le plein de benzine à la station-bidons avant d’aller jouer dans les dunes des Kem-kem. À Aghbalou, Guillaume se débrouille comme un grand pour réparer sa crevaison au milieu de nulle part…

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