L’injection 2T à la sauce Katé/husky, ça marche ?…
En juin prochain, ça fera une année que circulent les KTM et HVA deux-temps à injection électronique. Quelles leçons en tirer ? Quels problèmes ont rencontré leurs propriétaires ? Quels avantages/inconvénients offrent-elles ? On a posé la question à ceux qui les utilisent et ceux qui les entretiennent.
Je possède cette moto depuis octobre 2017. Elle est allée six fois chez le concessionnaire depuis. » Ainsi commence le témoignage de « Patrick », un propriétaire de KTM 250 EXC TPI contacté par téléphone qui a souhaité rester anonyme. « J’ai eu d’abord un problème de démarrage. Il m’a fallu une demi-heure pour la démarrer. Mon concessionnaire a ensuite installé la nouvelle cartographie qui améliore les démarrages à froid. Ensuite j’ai eu des coupures, comme des gros trous d’accélération quand on roule debout dans les chemins. Même une fois sur une réception de saut, j’ai failli passer par-devant. Il y a des chauffes moteur à cause de l’herbe dans les radiateurs et la moto qui se met en mode ralenti. Il y a également des coupures de faisceau électrique au niveau de la colonne de direction, là où la gaine se plie contre le cadre. » Juste avant d’ajouter : « Lors d’une rando organisée, on était cinq possesseurs de moteurs 2T à injection KTM ou HVA et seulement un n’a pas eu de soucis avec ce type de moto. » Patrick a conclu notre entretien en manifestant son souhait de remplacer cette moto par un 250 deux-temps d’une autre marque. Suite à la polémique née cet hiver sur les réseaux sociaux (voir encadré), on était donc en droit de se poser quelques questions sur la fiabilité des nouvelles KTM et Husqvarna deux-temps à injection électronique. Des machines présentées au printemps 2017 et mises en vente chez les concessionnaires français à partir du mois de juin/juillet. Pour en avoir le coeur net, on a décroché notre téléphone, traqué les réseaux sociaux, contacté des moto-clubs, appelé des concessionnaires et certains de leurs clients. Après tout, KTM France et Husqvarna France ont vendu
environ 1 180 enduros deux-temps à injection d’après notre calcul sur le nombre d’immatriculations entre juillet 2017 et fin mars 2018. Un beau succès commercial pour une nouvelle technologie. Et de quoi déjà avoir un retour significatif après plusieurs mois de roulage plus ou moins intensif. Non seulement faire un bilan technique mais également connaître le ressenti des pilotes.
Fuites et surchauffes
Finalement, aucun cas de serrage moteur n’a été signalé par les nombreux concessionnaires contactés (voir « L’avis des concessionnaires »). Seul le PDG de KTM France révèle ouvertement une dizaine de casses moteur prises en garantie (ci-après
interview d’eric Antunès). Des casses parfois dues à des pannes identifiées, d’autres d’origine inconnue. « Mais pas plus que sur les
modèles à carburateur », explique le boss de KTM France. Il y a par contre eu plusieurs cas de surchauffe suivis de coupures d’injection, que ce soit en franchissement ou en spéciale. Mais aussi pas mal de signalements de motos trop pauvres en carburation, surtout par temps froid. KTM a réagi en procédant à des mises à jour de cartographie durant l’hiver. Deux nouvelles courbes sont disponibles pour les 300 EXC TPI et Husqvarna TEI, une courbe pour les 250 des deux marques. Des courbes qui enrichissement plus ou moins la carburation suivant que l’on choisit la courbe Sport ou la courbe Enduro (en fonction de son utilisation). Malgré ça, tous les possesseurs de 2T à injection n’ont pas souhaité obtenir ces nouvelles courbes, satisfaits de leur moto et de son fonctionnement actuel. Les adeptes du franchissement ont, eux, monté un ventilateur sur le radiateur afin d’éviter les surchauffes. Les amateurs de spéciales font régulièrement attention au colmatage des grilles de radiateurs. Autre constat, certains concessionnaires ont fait part de fuites d’huile du réservoir de graissage séparé sur les premières motos livrées. Un défaut de montage de la première série pris en garantie et corrigé sur la série suivante. Des possesseurs nous ont également fait part de microfuites sur le bouchon de remplissage ou au niveau de la jauge de niveau d’huile. Rien qui n’empêche de rouler mais fait un peu défaut sur une moto quasi neuve. Au final, « Patrick » fut le seul propriétaire totalement mécontent lors de notre enquête, au point de vouloir changer de moto. Les autres commentaires négatifs portent plutôt
sur le comportement de la moto. Certains pilotes trouvent que le bloc autrichien a perdu la vivacité habituelle du 2T. Surtout comparé au modèle antérieur à carburateur. L’injection électronique analysant en permanence le besoin en essence, elle n’envoie que le nécessaire. Le moteur devient plus rond, moins violent. Et ce qui ajoute en efficacité fait perdre en « fun ». C’était déjà le constat fait sur les premiers 4T à injection il y a une dizaine d’années. On les trouvait trop mous. Un peu trop aseptisés. Ça c’est depuis nettement arrangé. Et tout le monde approuve la facilité d’utilisation des 4T en enduro. D’autres pilotes, ayant basculé vers le 2T à injection après des années de moteur 4T, ont été déstabilisés par le simple passage au 2T. Non par l’injection mais par le fait qu’un 2T reste un 2T, injection ou pas : c’est plus léger, plus « volage » donc. C’est aussi plus vif. Un temps d’adaptation semble gommer ces défauts. Mais quelques-uns parmi eux nous ont dit vouloir revenir au 4T. Quant aux aspects positifs du passage à l’injection, ils sont nombreux aux dires des utilisateurs : baisse de la consommation d’essence et d’huile. Plus de fuites d’essence
quand la moto cabriole ou se couche en franchissement. Plus besoin de faire le mélange et ce pour 4 à 5 pleins d’essence. Fonctionnement du moteur plus régulier, plus efficace dans tous les compartiments du pilotage et notamment dans le technique. Agrément moteur supérieur en rando, proche d’un 4T… L’injection semble de toute façon promise à un bel avenir sur le 2T. Si les autres marques ont réussi à homologuer leurs 2T enduro selon la norme Euro 4, ils savent tous que la norme Euro 5 arrive à grands pas (dès 2020). À ce moment-là, l’injection devrait être l’unique solution pour passer au travers. Et donc se généraliser. KTM a déjà pris une certaine avance… ❚