Moto Verte

Gilou réveille la mémoire du cross mondial…

Simple passionné à la base, Gilles Lecoq est devenu au fil des années un acteur désormais incontourn­able de notre sport préféré, créant progressiv­ement avec Memotocros­s une base de données rapidement devenue une source d’informatio­ns vitale pour tous.

- Par Pascal Haudiquert - Photos Eric Sandra et PH

Le coup de force de « Gilou » est sans aucun doute d’avoir bâti au fil des années un outil qui n’existait pas et que personne, pas même une fédération, n’oserait imaginer tant la charge de travail est colossale. Car contrairem­ent à ce que l’on pourrait imaginer, les différente­s Fédération­s en charge du motocross, qu’elles soient nationales, américaine­s, européenne­s ou internatio­nales ne possèdent pas d’archives complètes sur l’histoire d’un sport qu’elles gèrent depuis des dizaines d’années, pas plus que les pilotes qui bien souvent ne gardent pas trace de leur palmarès. « Concrèteme­nt, il n’y a que Marc Pétrier, l’ancien attaché de presse de la FIM, qui nous a donné un sacré coup de main. Je l’avais contacté, il s’intéressai­t à ce que je faisais et un jour au courrier, j’ai reçu une grosse enveloppe avec une multitude de tableaux de résultats officiels de la FIM. Cela m’a permis de vérifier mes données et de trouver par ailleurs quelques coquilles dans certains tableaux car nous recoupons toujours les infos pour être sûr de ce que nous publions », confie Gilou qui s’est lancé dans une aventure dont il n’imaginait pas un instant où elle l’emmènerait. « Je me suis toujours intéressé à l’histoire du motocross et un jour, j’ai acheté un livre de football écrit par Eugène Sacomano, Memofoot. C’était un recueil de données, de chiffres et de statistiqu­es, et de là est née l’idée de créer Memotocros­s. »

Une passion née à Brou

Natif de Châteaudun, c’est à Brou qu’est née cette passion pour le motocross. N’habitant qu’à une poignée de kilomètres du circuit des Tonnes, il avait tout juste 7 ans quand il tomba sous le charme de la discipline. « Chaque année le Lundi de Pentecôte, mon père allait au circuit. Quand j’ai eu 7 ans, il m’y a emmené pour la première fois. J’ai été impression­né par le bruit, les sauts, l’ambiance et en rentrant à la maison, je voulais faire du motocross, lire du motocross. J’achetais une revue quand j’avais quatre sous et je m’amusais à faire des récits de course imaginaire­s. J’ai commencé à remplir des cahiers avec des résultats. Ça a commencé comme çà », poursuit notre homme qui ne pourra jamais assouvir sa passion. « J’étais menuisier, j’avais une Suzuki pour aller travailler et un jour alors que j’allais au travail un camion s’est déporté et m’a fauché. J’avais 18 ans, je me suis retrouvé direct à l’hôpital où je suis resté pas moins de sept mois ! J’ai failli être amputé de la jambe, j’ai subi plusieurs opérations et j’ai été arrêté pendant quatre ans, restant partiellem­ent invalide. Le seul point positif de cette période de ma vie est que

j’ai rencontré ma future épouse pendant ma

convalesce­nce. » Alors qu’il espérait pouvoir acheter dans un jour proche sa première moto de cross pour assouvir sa passion, il lui a fallu trouver une autre voie profession­nelle du fait de son handicap

qui l’empêchait de poursuivre son métier. Obligé de se cantonner au rôle de spectateur alors qu’il espérait en devenir un modeste acteur, il continuera à fréquenter les circuits proches de Tours où il réside, tout en devenant un fervent lecteur des différents magazines traitant de motocross. Et c’est à la fin des années 2000 qu’est née cette idée de créer un site dédié à son sport préféré. « La première version de Memotocros­s a été lancée sur le net le 1er septembre 2012, après trois ans de travail de collecte d’informatio­ns et de résultats, de mise en page et de découverte de l’informatiq­ue. Je n’avais que des connaissan­ces de base, il a fallu acquérir un logiciel, trouver un hébergeur et s’occuper de la mise en page. J’ai passé pas mal de temps à faire et refaire pour que ce soit présentabl­e, mais je dois dire que la première version était assez fastidieus­e, avec peu de photos et de couleurs… J’ai contacté des gens du milieu comme Xavier Audouard pour avoir un avis sur ce que j’avais fait. De suite il m’a dit que c’était top et il en a parlé dans sa colonne mensuelle sur MX Magazine. Cela m’a motivé encore plus », reconnaît notre homme qui travaillai­t alors sur son projet tard chaque soir après le boulot. Blogueur sur motoverte.com peu après la création du site, il créera assez vite son propre réseau d’informateu­rs un peu partout dans le monde pour aller plus loin dans son projet. « Internet et les réseaux sociaux m’ont permis d’entrer en contact avec des gens autrefois intouchabl­es pour le fan, que ce soit Marc Pétrier à la FIM, Xavier Audouard, Davey Coombs (boss Racer X et promoteur du cross US) ou David Luongo (vice-président de Youthstrea­m en charge du Mondial) avec qui j’arrive à échanger. Des fois on a de bonnes surprises, mon but n’étant pas de rechercher la notoriété, mais de partager des infos et de faire évoluer les choses pour le bien du sport. »

Une base de données unique

Que vous recherchie­z qui a gagné le GP 250 de Russie en 1963, le circuit où a eu lieu le GP du Japon en 1992, que vous cherchiez dans le détail où Stefan Everts a gagné ses 101 GP, vous êtes sûr de trouver l’info sur Memotocros­s ! Au fil des 3 000 fichiers (2 940 pour être précis à la date du 1er mai) en ligne sur Memotocros­s, vous trouverez obligatoir­ement réponse à la question que vous vous posez ! « Memotocros­s, c’est 1 300 fiches pilotes, motos et circuits, sans compter tous les tableaux de résultats. On traite depuis leur création des championna­ts du monde, d’europe, de France, des États-unis, du Motocross et Trophée des Nations, du side-car, du Minivert et des filles et là, on travaille sur la Trans Ama et les champions nationaux des différents pays », poursuit notre passionné qui peut compter sur un autre mordu pour l’accompagne­r dans ses recherches. « Il y a quelques années, j’ai rencontré Alain qui, à titre personnel, avait fait des fiches pilotes que

« Mon but n’est pas la notoriété mais le partage… »

l’on a intégrées au site tout en l’agrémentan­t de couleurs et photos pour que ces fiches soient agréables à lire. Alain se déplace souvent sur les circuits, récupère des infos, fait des photos. C’est un allié incontourn­able. » Aujourd’hui, le site est une mine d’infos, mais nos deux lascars ont bien l’intention d’aller encore plus

loin. « À ce jour, il nous manque encore certains résultats de manches de GP des années 60 car à l’époque, on ne retenait que le classement du GP pour attribuer des points au championna­t. On ne donnait pas de points après chaque manche. On cherche encore ces infos, que ce soit auprès de la FIM, des clubs ou de mes différents contacts. J’ai des interlocut­eurs dans 21 pays, des contacts qui se sont faits au fil du temps pour créer un réseau et je travaille beaucoup avec

l’allemagne, l’angleterre et la Slovaquie », confie notre jeune retraité qui a désormais encore plus de temps pour se consacrer à son bébé. Vous l’aurez compris, Gilou est un pur passionné qui passe chaque jour trois à quatre heures minimum pour que ce site qu’il a créé prospère et soit

exhaustif. « Mon moteur, c’est de voir que des profession­nels du milieu viennent sur Memotocros­s pour y trouver des infos qui leur manquent et communique­nt avec nous. Moi, je ne suis rien, je ne suis qu’un simple spectateur, pas un pro. Je n’ai jamais demandé un laisser-passer pour aller voir une course, j’ai toujours payé mon entrée. On est des artisans et quand on a des personnali­tés qui nous envoient un message, on est content car le but était de partager nos infos pour tous les fans de ce sport. C’est du plaisir, que du plaisir, et c’est notre moteur », rappelle-t-il à quelques semaines de venir, comme chaque année, assister au MXGP de France. « Mis à part en 1977 du fait de mon accident, je suis allé voir des courses chaque année. Je vais sur cinq-six courses par an et j’aime arriver avant le week-end, avant que les pilotes entrent en piste, quand le lieu est prêt. C’est de plus en plus difficile pour moi de me déplacer car il y a de moins en moins de circuits autour de Tours où j’habite. Je ne vais qu’en France, je ne suis jamais allé voir une course à l’étranger et ça ne

me dérange pas, du moment que je peux voir la course sur le net ou à la télé », poursuit le supporter n° 1 de l’équipe de France et des Français. « Je suis supporter de l’équipe de France, à fond. Je ne suis pas toujours d’accord avec la sélection, mais une fois qu’elle est faite, je suis à fond derrière elle, même si je ne comprends toujours pas que la Fédération n’explique pas ses choix. » On retrouve là l’ancien militant syndical qu’il fut, et qu’il restera à chaque fois qu’il en aura

la possibilit­é. « Je ne suis pas fermé aux évolutions du sport, mais quand même. Si je prends exemple sur le Qatar, je n’étais pas chaud du tout sur cette épreuve mais finalement, ils ont fait un circuit artificiel, ont fait la course de nuit à cause de la chaleur, et pour le fan que je suis, c’était acceptable. Par contre Assen aux Pays-bas, Jacksonvil­le aux USA ou Frauenfeld en Suisse je suis désolé, quand dans ces pays il y a des circuits magnifique­s, je n’accepte pas ces choix. C’est aberrant de déplacer du sable pour en amener à Assen alors qu’il y a de beaux circuits comme Lierop ou Valkenswaa­rd ! Je râle aussi au sujet de la visibilité des circuits car cela devient un vrai problème pour le spectateur avec ces publicités de plus en plus grosses qui masquent la piste, ou ces grillages de deux mètres de haut qui empêchent le spectateur de prendre des photos », râle-t-il non sans continuer

à rêver. « Je rêve d’un GP des USA qui compte à la fois pour les championna­ts du monde et des États-unis, avec vingt pilotes de chaque côté. Ce serait une épreuve fantastiqu­e, j’en ai parlé avec Davey Coombs… » ❚

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 ??  ?? Dès qu’il le peut, Gilou se transforme en premier supporter des forces françaises engagées en Mondial ou au MX des Nations. Le coq le plus tricolore parmi les fans n’est pas près de s’arrêter de chanter.
Dès qu’il le peut, Gilou se transforme en premier supporter des forces françaises engagées en Mondial ou au MX des Nations. Le coq le plus tricolore parmi les fans n’est pas près de s’arrêter de chanter.
 ??  ?? En 1976, Gilou rêve encore à une carrière de pilote. Un accident le reléguera à un rôle de spectateur. Mais quel spectateur !
En 1976, Gilou rêve encore à une carrière de pilote. Un accident le reléguera à un rôle de spectateur. Mais quel spectateur !
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 ??  ?? Un coup de surf sur memotocros­s.fr permet de recueillir toutes les infos possibles et imaginable­s sur les courses et les champions. Un travail de dingue !
Un coup de surf sur memotocros­s.fr permet de recueillir toutes les infos possibles et imaginable­s sur les courses et les champions. Un travail de dingue !
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 ??  ?? Gilou possède des contacts dans 21 pays pour enrichir et développer sa base de données. Il passe au minimum quatre heures par jour sur son site…
Gilou possède des contacts dans 21 pays pour enrichir et développer sa base de données. Il passe au minimum quatre heures par jour sur son site…
 ??  ?? Lors du MX des Nations en 2005 à Ernée. Premier supporter, Gilou souhaite que les GP restent bien visibles pour les fans qui se massent derrière les barrières…
Lors du MX des Nations en 2005 à Ernée. Premier supporter, Gilou souhaite que les GP restent bien visibles pour les fans qui se massent derrière les barrières…

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