À l’abordage!
« Jean-michel est un pilote très rapide, brillant et hyper technique. En Europe, c’est le roi. Le problème, c’est qu’ici personne n’en a rien à foutre de Bayle. Ce n’est qu’un pilote comme les autres qui n’impressionne pas du tout. Tout le monde est là pour s’imposer et la course est autrement plus hard que chez vous. » Février 1989, le décor est planté par la star du cross US Ricky Johnson, accessoirement coéquipier de JMB chez American Honda qui s’apprête à traverser l’atlantique « officiellement » un an plus tard pour la deuxième de ses trois carrières moto. À peine son titre mondial 125 fêté à Bercy fin 88, Jean-michel a bouclé ses valises avec un dico d’anglais en poche, direction Redondo Beach, la banlieue chic de Los Angeles, pour effectuer les courses de présaison US ainsi que l’ouverture du championnat 250 SX avant de retourner en Europe chercher un titre mondial 250 qui ne l’intéresse guère. La maison est louée près de la famille Laporte, le contact noué avec Roger Decoster et Mitch Payton qui lui prête une moto. JMB est « Américain ». Voilà le premier pilote français à la conquête des USA, prêt à casser les codes d’un système Europe-amérique bien en place, en route pour le grand saut à l’image de son mentor Alain Prieur. Pierre Karsmakers appartient à un autre temps. Il y a bien eu l’australien Jeff Leisk mais JMB apparaît comme le vrai premier non-américain à oser se mêler aux stars étoilées. La défiance est énorme. Il faut se remettre dans le contexte d’une époque où en SX comme dans plein d’autres sports emblématiques aux États-unis (basket, foot US, hockey…), très rares sont les champions à tenter le défi. Presque trente ans plus tard, l’histoire du sport US a intégré les « émigrés ». Beaucoup ont occupé ou occupent même des rôles clés dans leur discipline. Dans le sillage de JMB, ils seront une petite quinzaine à tenter le challenge, avec plus ou moins d’ambition. Certains décrocheront des titres, d’autres des podiums, la plupart auront l’opportunité de concrétiser un rêve de gosse en endossant le statut de pilote officiel dans une structure pro. À l’heure où Marvin Musquin a bouclé une fantastique saison SX, où il a réussi à installer dans les teams, chez les fans et plus encore auprès de ses adversaires une respectabilité énorme, il est important de prolonger l’effort pour garder à la France le statut de 2e nation du cross. Le MXDN en octobre sur les terres de l’oncle Sam pour un événement qui s’annonce électrique avec une équipe de France conquérante, quatre fois titrée, aura une saveur particulière. Johnson et ses copains avaient débarqué tels des extraterrestres en 88 à Villars. C’est cette fois un staff bleu-blanc-rouge fort d’un palmarès et d’un statut de number one qui viendra défier les oustiders ricains sur leurs terres. Drôle d’histoire…*
Bertrand Sanlaville, Directeur de la rédaction