Moto Verte

Story Croisière Verte

- Par Claude de La Chapelle - Photos archives

En 1978, Thierry Sabine n’a pas encore 30 ans mais sa vie est déjà bien remplie. Depuis 1975, il organise l’enduro des Sables au Touquet, ville dont il est l’attaché de presse. En 1977 avec quelques amis, au guidon d’une Yamaha 500 XT, il est au départ du deuxième rallye Abidjan-nice, le Côte-côte, ancêtre du Dakar. Alors qu’il est 4e du classement il se perd, reste trois jours et deux nuits dans le désert, voyant son dernier souffle arriver, avant d’être retrouvé miraculeus­ement par Jean-claude Bertrand et son pilote, Jean-michel Sinet. Ce face-àface avec le désert bouleverse­ra la vie de Thierry Sabine. Revenu en France, il travailler­a quelque temps avec Jean-claude Bertrand désireux d’implanter son concept de rallye en Amérique (5x5). Mais entre les deux hommes – deux lions dans la même cage – les relations se tendent. Thierry reprendra à son compte l’idée d’une « transat

L’apologie du trail

Dès 1978, la Croisière Verte, mise en scène par Thierry Sabine, est une transat des champs, un enduro géant made in France qui fut, cinq années durant, une grande classique. C’était il y a 40 ans. mécanique des sables » en Afrique. Le Dakar était né. La première édition s’élance du Trocadéro le 26 décembre 1978. La Croisière Verte (d’après une idée originale de Rémi Fernandez) qui se dispute en juin, s’intercale entre l’enduro du Touquet et ce qui deviendra le roi des rallyes. De quoi mettre en ébullition la petite équipe de TSO qui fonctionne en effectif réduit, carburant à la bonne volonté avec des moyens financiers très limités. Thierry Sabine, grand séducteur et habile négociateu­r, a réussi à convaincre l’armée de Terre de l’accompagne­r dans son projet de diagonale nord-sud de 2 300 km de sentiers et petites routes entre Le Touquet et Nice via Reims, Dijon, Bourg-en-bresse, Clermont-ferrand, Aubenas et Manosque. L’armée de Terre met des terrains à dispositio­n pour les spéciales et assure la logistique, notamment les contrôles de passage et le logis sous la tente dans les camps. Elle engage même une équipe de quatre pilotes (Meiller, Cole, Puech, Broggio) commandée par le capitaine Martin, équipée de XT 500 et DT 400 fournies par Sonautoyam­aha, partenaire de cette première Croisière Verte. Ceci grâce à l’enthousias­me de Jean-claude Olivier qui a compris qu’une épreuve grand public est un vecteur très efficace pour développer l’image du trail. Pour aller dans ce sens, TSO avait annoncé des contrôles sonores stricts, effrayant les enduros hardcore. Beaucoup de bruit pour rien car dans les faits, les mesures sonomètres ont été très tolérantes… Yamaha évolue en terrain conquis avec 80 % des 96 motos au départ où l’on retrouve du beau monde : des enduristes (Figureau, Meiller, Puech, Neveu, Cole, Lloret, Kuligoswki, Luksemberg), des crossmen (Potisek, Pineau, Boisgontie­r) et des raiders (Comte, Mallet,

Ommer, Vassard, Fenouil, Sauvêtre, Martin, de Cortanze). Le schéma de la course est simple, copié sur l’enduro : départ toutes les minutes, parcours fléché avec des temps impartis, il faut pointer à l’heure, ni avant ni après sinon pénalités, contrôles de passage, points ravitaille­ment et spéciales. En plus du fléchage, un road-book sommaire (une carte d’état-major réduite sur laquelle est reporté l’itinéraire) permet de visualiser l’étape. Et ce n’est pas du luxe car le fléchage est parfois perturbé par des actes malveillan­ts, ce qui métamorpho­se les croisiéris­tes en jardiniers. Il est difficile d’assurer sans faille un fléchage sur plus de 150 km et ici, les parcours font tous plus de 300 km. Dès la première des sept étapes, entre Le Touquet et Reims (380 km de pistes roulantes), 1 h 10 sépare le leader, Jean-guillaume Meiller, du 10e, Jeanpierre Lloret. Et comme Meiller roule sous les couleurs de l’armée et que les CP secrets sont tenus par les militaires, certains y trouvent à redire. Pour calmer les esprits, à partir de la quatrième étape, des CP civils supplément­aires sont mis en place. Renseignem­ents pris auprès des pilotes de la première édition, il n’y avait pas de raisons de douter de la confidenti­alité des contrôles, sauf à trouver des excuses à des contreperf­ormances. Cette première édition n’est pas un long fleuve tranquille. Le parcours tout-terrain entre Dijon et Bourg-en-bresse est annulé par la préfecture et des neutralisa­tions affectent également plusieurs autres étapes entre Aubenas et Nice, terme de cette odyssée verte. Mais lorsque le puzzle se met en place, que le fléchage est excellent et que l’auvergne déroule ses villages pittoresqu­es appuyés sur la rocaille, ses forêts de conifères, ses plus beaux chemins bordés de genêts et paysages, la Croisière devient enchantée et les concurrent­s en prennent plein les yeux dans une ambiance

« La Croisière Verte est un vecteur parfait pour l’image du trail… »

type rallye où l’entraide et la conviviali­té sont de tous les instants. Côté course, 73 pilotes sont classés. Le soldat Jean-guillaume Meiller gagne l’épreuve sur sa XT 500 devant Cyril Neveu (400 Yamaha) qui, quelques mois plus tard, remportera son premier Dakar. Jean-louis Figureau, pionnier de l’enduro, complète le podium au guidon de sa KTM 240 GS devant le rédacteur en chef de Moto Verte, Gilles Mallet (vainqueur du premier Abidjan-nice) qui pilote une Yamaha 250 DTMX. Acteur et observateu­r de cette compétitio­n, le père Mallet est au premier rang pour en tirer les conclusion­s : « Avec toutes les imperfecti­ons d’une grande épreuve naissante, la Croisière Verte a tout de même tenu l’essentiel de ses promesses : faire admettre la moto verte comme un engin civilisé et ouvrir la porte à une vraie grande épreuve, à un grand rallye tout-terrain, à un Tour de France de la moto verte. » Et Mallet de s’interroger aussi sur la philosophi­e du truc : faut-il l’orienter randonnée motorisée où l’on a le temps d’apprécier le paysage ou enduro géant avec un rythme ad hoc, la tête dans le guidon ?

Une croisière mouvementé­e

Pour la deuxième édition en 1979, la Croisière trace une ligne entre Le Touquet et La Grande-motte via Sissonne, Mourmelon, Dijon, Lapalisse, Clermont-ferrand et Mende, soit 2 000 km en sept étapes. Pour faire taire les critiques sur le balisage, TSO et surtout l’armée de Terre ont mis le paquet en plantant 20 000 flèches et des kilomètres de rubans. Chaque matin à 4 heures, des militaires complètent le dispositif. Et de ce fait, le fléchage est excellent. Il manque seulement des panneaux « stop » et « danger » aux intersecti­ons et quelques concurrent­s tutoient les autos de près… Le 23 juin, les 118 concurrent­s (cocktail de pilotes de notoriété et de poireaux, une idée chère à Thierry Sabine) enquillent 370 km entre Le Touquet et Sissonne avec une courte spéciale de 4 km. Signe d’une montée en puissance de l’esprit compétitio­n, vingt-sept pilotes roulent sur de vraies enduros, s’étant arrangés avec les 84 décibels du contrôle technique annoncé comme très sévère… Dès la deuxième étape, la Croisière ne s’amuse plus et se transforme en galère, presque en naufrage. Au programme : deux spéciales de 30 km à Sissonne, une liaison de 80 km et deux spéciales de 20 km au camp de

Mourmelon, dont une de nuit, prévue à 22 heures. En fin de journée, le bilan est négatif : les pilotes ont roulé trois heures, fractionné­es en trois ou quatre fois, attendu dix heures et pris le départ de la spéciale à minuit. Celle-ci a été réduite à 4 km, avec un coefficien­t 5 et le tour est joué. La méthode Sabine, c’est de toujours retomber sur ses pattes. Mais les pilotes, sur le pied de guerre depuis 7 heures et couchés à 2 heures grognent, à raison. L’organisati­on manque de rigueur. Dans la cinquième étape, certains pilotes arrivent au CP avant les organisate­urs et le passage dans le Larzac par une horde motorisée encadrée de militaires est vécu par les autochtone­s comme une provocatio­n : fléchage arraché et véhicules d’assistance badigeonné­s en rouge laissent un souvenir amer de cette étape entre Clermont et La Grande-motte. Cahin-caha, la Croisière mène sa barque, alternant les roulages tranquille­s et les passages difficiles, très enduro, comme dans l’étape Clermont-mende, 250 km à faire en cinq heures, où tout le monde prend des pions. Au terme de la semaine, c’est le journalist­e-essayeur de Moto Revue, Alain Kuligoswki (qui se classa 5e l’an passé) qui gagne après avoir été au contact des leaders successifs tout au long de la course. Et cela, au guidon d’un trail (Yamaha DT 400), devant quatre motos d’enduro aux mains du soldat Marc Simonot (HVA 390), Jeanclaude Bontemps (Suzuki), Francis Boyer (Cagiva), Jean-marc Weisenburg­er (HVA 390). Notez la 35e place de Bernard Tcherniavs­ky au guidon d’un scooter Vespa PX 200 ! Gilles Mallet s’interroge de nouveau : « Il faudra savoir l’année prochaine si la Croisière Verte revient à son esprit initial de course-randonnée réservée aux trails ou si, suivant la tendance marquée cette année, elle devient un grand enduro du genre six jours. Mais si cette seconde hypothèse est retenue, nombre d’observateu­rs s’accordent à penser que, d’abord, ce serait dommage pour les pilotes de trails et que, d’autre part, l’organisati­on aura bien du mal à faire face aux exigences d’une réglementa­tion enduro où la moindre faille est intolérabl­e. »

1980 : l’esprit d’un Dakar

Pour la troisième édition de la Croisière Verte (Le Touquet-sète via Sissonne, Mourmelon, Dijon, Bourg-lastic, Vals-les-bains, les Garrigues) parrainée non plus par Yamaha mais par Peugeot, Thierry Sabine a tranché : ce sera une véritable compétitio­n, sportive, longue, difficile et innovante, avec deux grosses étapes de 400 bornes dans le Massif Central, une endurance de 3 heures et des spéciales plus longues. Pas de quoi refroidir les concurrent­s, au nombre de 148. Des clients au départ : Morales, Chabanette (HVA 390), Lucien (SWM 240) et Debussy (KTM 175) réunis sous la bannière Club Moto du Train du fameux capitaine Martin, Bacou (XT 500), Tcherniavs­ky (IT 425), Albaret (SWM 440), Laurain et Blanc-tailleur (KTM 240), Vassard (KTM), Saffray (HVA 240)…

Peugeot engage onze SX 80 d’usine dont quatre pour les militaires. La première étape de 350 km, Le Touquet-sissonne, est la même que l’an passé. Les bidasses roulent devant, Bacou prend 38 minutes, Vassard 12… et sur la spéciale de 30 km tracée sur des pistes à chars, Daniel Chabanette sort le grand jeu et colle 50 secondes à Marc Morales. Après une nuit de bivouac sous la tente, une liaison amène les pilotes au camp de Mourmelon pour un départ en ligne et 3 heures d’une course d’endurance où Chabanette, Morales et Tcherniavs­ky font parler la poudre. Sous la pluie, la Croisière poursuit sa descente vers Dijon, 300 km avec des temps larges où les cinquante premiers pointent à l’heure. L’étape du lendemain, entre Dijon et Bourg-lastic prend une tout autre allure : 440 km, treize heures de moto dans des conditions éprouvante­s et, à partir de minuit, deux spéciales de nuit (souvent avec l’éclairage d’origine…), de quoi se coucher à trois plombes du mat’. C’est un rythme Dakar, exténuant. À Clermont, dix pilotes seulement sont dans les temps. La pluie redouble de violence, le pilotage dans la caillasse et les ornières est épuisant. Cinquante pilotes abandonnen­t ! Pour les rescapés, après une nuit de quatre heures, le réveil est rude. Et c’est sous la pluie qu’il faut enquiller les chemins vers Vals-les-bains, 350 km à avaler en dix heures via Massiac, Brioude, la Voûlte-chillac… des noms qui fleurent bon l’enduro pur et dur. Au guidon d’un trail, il faut y croire, c’est très technique et physique car il a plu des seaux et les roues se dérobent. Et pour ajouter au chemin de croix, des trous dans le fléchage de la fin d’étape annoncent le temps des errances… Les meilleurs prennent des pénalités : 3’ pour Chabanette, 7’ pour Morales et Tcherniavs­ky, 9’ pour Lucien, 10’ pour Albaret… Vingtdeux pilotes seulement encaissent moins d’une heure de pénalisati­on. Les autres subissent la course, des concurrent­s dorment chez l’habitant, d’autres en plein champ et un pilote a même passé la nuit enroulé dans une cabine téléphoniq­ue.

Vitesse de croisière élevée

La légende de la Croisière Verte est en marche. Yvan Tcherniavs­ky prend la tête devant Lucien, Chabanette, Morales. Pour la sixième étape entre Vals-les-bains et le camp militaire des Garrigues, à 7 km de Nîmes, TSO innove avec une épreuve d’orientatio­n. Exit le fléchage, chaque concurrent dispose d’un road-book d’une quarantain­e de pages pour faire 150 km à travers l’ardèche et le Gard en cinq heures. Seulement quinze pilotes sont dans les temps. Le soldat Xavier Lucien profite d’une grosse gamelle et galère d’yvan Tcherniavs­ky pour s’emparer du leadership. Pour l’ultime round vers Sète, les 57 rescapés n’ont que 140 km de liaison à parcourir à travers les sentiers rocailleux du Gard et de l’hérault. Au niveau du classement, on est passé à côté de la cata puisque seulement sept pilotes ont tous les tampons, les autres ayant raté un contrôle de passage. Xavier Lucien remporte l’épreuve devant Yvan Tcherniavs­ky, Daniel Chabanette, Marc Morales et notre bon Éric Breton. Six Peugeot 80 SX sont à l’arrivée,

avec une belle 29e place de Giovanni Tramontana qui le place 4e en 125 ! Gilles Maurice, premier trail, est 9e au guidon de sa XT 550. Au coeur de l’action, Éric Breton

tire la conclusion de ce millésime : « Elle a progressé la Croisière Verte depuis ses balbutieme­nts de 1978. En trois éditions, TSO en a fait une véritable course, longue, éprouvante, difficile. Toujours belle aussi, grâce aux paysages magnifique­s qu’elle traverse et aux exploits qu’elle suscite. Un Paris-dakar à travers la France. Y’a encore des progrès à faire, notez bien : surveiller davantage le fléchage, fignoler la sécurité à la traversée des routes, diminuer l’attente entre les spéciales par exemple. Mais la Croisière est un tel boulot d’organisati­on. » Thierry Sabine persévère dans son idée de Croisière à grande vitesse. L’édition 1981, repoussée de juin à septembre, se joue poignée dans le coin sur de longues étapes

malmenant hommes et machines. Un rythme très dense dans l’esprit TSO où le dépassemen­t de soi est de rigueur. Du Touquet à Sète, en huit jours, ce sont 2 000 km qu’il faut avaler en passant par Epernay, Mourmelon, Dijon, Clermontfe­rrand, La Courtine, Vals-les-bains et Nîmes. Le nombre d’engagés bondit de 36 % par rapport à 1980, soit 201 concurrent­s parmi lesquels Delavault et Louis sur des Peugeot 80 d’usine à refroidiss­ement liquide, Auriol (HVA 430), Mérel et Potisek (Yam 465), Tcherniavs­ky (Yam 250), Albaret (SWM 440), Neveu et Rigoni (Honda 550) et la redoutable équipe militaire du capitaine Martin : Lalay et Dayssiols (SWM), Boissonnad­e et Hagnéré (HVA 250). En VIP, Jacky Ickx, cinq fois vainqueur des 24 Heures du Mans (et champion de Belgique de trial) roule sur une Zundapp 125 GS d’usine. Dès la première étape entre Le Touquet et Epernay, le ton est donné : 430 km dans un temps imparti de sept heures, 60 km/h de moyenne, c’est un rythme d’enfer. Dix-huit pilotes parviennen­t à pointer à l’heure ! Lalay et Mérel sont ex aequo, suivis par Auriol et Tcherniavs­ky. Rebelote le lendemain où les concurrent­s ont 2 h 30 pour s’envoyer les 140 km vers le camp militaire de Mailly où les attend une endurance de trois heures avec départ en ligne. Mérel et Auriol cassent leur moteur sur la liaison, leur Croisière Verte s’arrête là. Pour les autres, à minuit, c’est spéciale de nuit de 5 km remportée par Lalay. Réveillés depuis 6 heures, les concurrent­s se sont couchés à 3 heures, une entrée en matière difficile ! Encore tout endormis, ils sont douchés par la pluie pour une troisième étape de 480 km (en sept heures) qui mène à Dijon. Les chemins sont de plus en plus gras et typés enduro au fur et à mesure que l’on quitte la Champagne pour la Bourgogne. Seize pilotes sont dans les temps et cinquante abandonnen­t, dont Delavault, moteur out. Lalay est en tête suivi par Tcherniavs­ky, Neveu et Albaret. Les cartes sont rebattues à la sixième étape, Clermont-la Courtine : Tcherniavs­ky percute une auto, Neveu et Lalay suivent pendant soixante bornes le fléchage du lendemain, tombent en panne d’essence… laissent deux heures dans la bataille et Guy Albaret s’empare du commandeme­nt. TSO a mis en place deux spéciales gag bon enfant : un test d’accélérati­on sur 200 mètres et un test de wheeling qui a fait l’enchanteme­nt de tous. Guy Albaret ne pourra pas savourer longtemps son leadership puisqu’il casse son moteur le jour suivant, dans l’étape La Courtine-vals-les-bains ! Chaque étape désigne un nouveau leader et c’est un amateur, crossman normand ayant déjà fait deux Dakar et trois Croisière Verte, Ludovic Loue qui mène la course. La journée fut rude (il ne reste que 86 pilotes en course), un vrai enduro sur les traces des ISDT à travers le Massif Central, mais ce fut aussi la plus belle, un enchanteme­nt ! La septième étape entre Vals et les Garrigues est une épreuve d’orientatio­n sur 170 km à parcourir en trois heures. C’est juste impossible, la marque de fabrique de Thierry Sabine qui exige que les concurrent­s sortent de leur zone de confort. Ludovic Loue tire le mieux son épingle du jeu de piste. Il gagne cette étape avec cinquante minutes de pénalités. Imaginez les autres… Dans la spéciale de 7 km du camp des Garrigues, Alain Boissonnad­e chute et ne repartira pas. Pour les 77 rescapés de cette Croisière (61 % d’abandons), la dernière étape est une formalité : 140 km à parcourir en trois heures. Ludovic Loue remporte la course avec 47 minutes d’avance sur le trialiste Alain Dayssiols et Philippe Borguet, premier 4-temps avec sa KLX 250. Alain Schaecht, 4e au guidon de sa 500 XLS se classe premier trail devant le soldat Lalay. Notre ami Jacky Ickx se hisse à la 18e place et s’octroie la catégorie 125. La classe !

1982 : la Croisière touche à sa fin

La cinquième et dernière édition de la Croisière Verte, 2 500 km, entre Le Touquet et Saint-cyprien via Epernay, Mailly-lecamp, Dijon, Thiers, La Courtine, Mende, Saint-affrique ne fait pas recette, avec seulement 110 pilotes au départ, presque 50 % de moins que l’année précédente. En cause, la concurrenc­e avec les 24 Heures de Bretagne et le rallye des Pharaons. Forcément, le plateau s’en trouve moins relevé. Peugeot aligne trois cracks : Delavault sur le 80 TX à eau, Boissonnad­e et Louis sur des Peugeot-gilera 125 tandis que le team Armée de Terre s’appuie sur Chastanet (KTM 240), Augier (HVA 240) et Delsaux (PE 250). Quelques pilotes de renom peuvent également créer la surprise : Pineau (IT 175), Joineau (PE 175), Padou (Barigo 500), Vassard (500 XLR), Goroneskou­l (KLX 250)… Fidèle à sa réputation, la Croisière entame sa traversée à un rythme soutenu, avec un programme de 425 km entre Le Touquet et Epernay dans un temps imparti de huit heures. Seulement vingt-huit pilotes pointent à l’heure et une trentaine abandonne dans cette étape annoncée comme facile… Vincent Chastanet, pilote de cross inter sous les drapeaux, prend la tête de la troupe. Puis c’est cap sur Mailly-le-camp où se déroule une endurance de 2 heures enlevée par Chastanet. Daniel Delavault fait des merveilles au guidon de son petit Peugeot 80. Il est 3e du général. Un avion ! La troisième étape vers Dijon (340 km) sera endeuillée par l’accident de la circulatio­n de Vincent Briottet… La course reprend ses droits entre Dijon et Thiers, sans spéciale, et les top guns se plaignent d’un manque de sélectivit­é. Les autres serrent les dents et ils ne sont que vingt-six à ne pas prendre de pions dont Brocart, 7e au général avec une modeste Yamaha 125 DTLC. Les croisiéris­tes poursuiven­t entre Thiers et La Courtine avec une épreuve d’orientatio­n, encore des temps impossible­s à tenir. Vincent Chastanet prend 36 minutes et Gérard Milani réalise la perf du jour, mais avec 35 minutes de pénalités. TSO a également prévu une spéciale de 14 km dans le camp de La Courtine. Elle se parcourt dans les deux sens, permettant au soir de l’étape à Chastanet de caracoler en tête, 26 minutes devant son coéquipier Augier. Au bivouac, double ration de dessert pour les militaires. À la 3e place, Jean-marc Besozzi sur une improbable Morini 500. De La Courtine à Mende, sur 350 km, la Croisière s’offre une belle tranche d’auvergne, du nord au sud, une étape où il faut envoyer du lourd sur des sentiers difficiles. Là encore, Delavault sur son petit Peugeot fait des étincelles en n’écopant que de quinze minutes de pénalités. La magie de la Croisière opère à nouveau lors de la septième étape entre Mende et Saintaffri­que en passant par Le Causse de Sauveterre, l’aveyron, le Tarn où les concurrent­s tutoient le sublime, mais mieux vaut avoir l’oeil sur la piste car il faut rouler vite et seulement cinq gaziers (Chastanet, Delavault, Goroneskou­l, Pineau, Besozzi)

passent à zéro, ayant réalisé 60 km/h de moyenne sur 350 km ! Augier rate un CP et perd une heure. Il ne pourra donc pas monter sur le podium décerné le lendemain à l’issue de l’étape Saint-affrique-saintcypri­en, 300 km où tout le monde a pris des pions (45 minutes pour le premier, 56 pour Chastanet). Fléchage bousculé, CP raté… le classement fait l’objet d’un méli-mélo… Mais au final, les quarante-quatre rescapés sont heureux de cette odyssée verte remportée par Vincent Chastanet devant Daniel Delavault et Alain Boissonnad­e. Philippe Bouleau, dernier classé, roulait en Honda 80 MTX. Il fallait le faire, un héros ordinaire qui s’accomplit dans la difficulté comme TSO aime en révéler. Pour autant, Thierry Sabine ne poursuivra pas l’aventure. La Croisière Verte a vécu et la majorité des 675 pilotes qui ont eu la chance d’y participer en cinq éditions en garde un souvenir inoubliabl­e. Lui succède en 1983, le rallye Paris-biarritz, une autre histoire.

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 ??  ?? Delavault et Boissonnad­e à l’attaque dans les chemins pour ce qui concrétise le retour des pilotes Peugeot lors de la 4e et dernière Croisière Verte.
Delavault et Boissonnad­e à l’attaque dans les chemins pour ce qui concrétise le retour des pilotes Peugeot lors de la 4e et dernière Croisière Verte.
 ??  ?? Rien n’aurait été possible sans le soutien de l’armée. Le bivouac au camp des Garrigues en 1980 est un des terrains militaires choisi pour recevoir la caravane de la Croisière Verte. À gauche Alain Dayssiols prend la 2e place en 1981 sur sa SWM.
Rien n’aurait été possible sans le soutien de l’armée. Le bivouac au camp des Garrigues en 1980 est un des terrains militaires choisi pour recevoir la caravane de la Croisière Verte. À gauche Alain Dayssiols prend la 2e place en 1981 sur sa SWM.
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 ??  ?? De la variété au menu de la Croisière Verte avec notamment un départ en ligne en 1980 à Mourmelon pour une spéciale de trois heures.
De la variété au menu de la Croisière Verte avec notamment un départ en ligne en 1980 à Mourmelon pour une spéciale de trois heures.
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La Croisière Verte nécessite une logistique colossale pour acheminer les concurrent­s du Touquet (dont Thierry Sabine est l’attaché de presse) à la mer. Nice puis la Grande Motte… Ambiance vintage avec des véhicules sortis d’une autre époque pour les ravitos obligatoir­es à la Croisière Verte comme à la Transpyrén­éenne.
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Dans le même ordre d’idée, à une époque où le « vert » se sent pousser des ailes, on initie la Transpyrén­éenne. Même esprit où se côtoient trails et enduros…
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Pour célébrer les 30 ans de MV, on a refait une Croisière Verte moderne en respectant à la lettre le parcours de la 1re édition qui s’arrêtait à Bourg-en-bresse et son église de Brou spectacula­ire.
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