Gas Gas 300 « Johnny Aubert »…
La 300 Gas Gas de J’AU est comme son pilote : une moto super sympa, facile à vivre mais qui cache bien son jeu. Une arme à chronos redoutable héritée de la série, simplement bien ajustée là où il faut.
C’est sûr, dès le premier coup d’oeil on a l’impression d’avoir affaire à une moto de série : la série spéciale Endurogp mise en production depuis 2018 par Gas Gas. Une machine qui se distingue par quelques accessoires « premium » par rapport au modèle EC Racing de base. Oui, la 300 EC de Johnny Aubert ne fait pas franchement « factory » quand on l’aperçoit dans le paddock la veille de l’aveyronnaise Classic en août dernier. Son pilote est d’ailleurs en train de peaufiner lui-même sa finition, collant les derniers stickers devant sa camionnette tel l’amateur lambda. Mais un amateur venu tenter d’accrocher une nouvelle classique à son palmarès après sa victoire à la Rand’auvergne au mois de juin et sa 6e place au Trèfle Lozérien. Même s’il se concentre désormais sur les rallyes-raids, Johnny est également en tête du championnat espagnol en E3 (officieusement, les étrangers ne sont pas comptabilisés). Il y a également remporté un scratch et doit faire partie du top 3 officieux chez les Ibères à une épreuve de la fin. Bref, J’AU est en phase avec cette 300 EC qu’il avoue avoir développée tout au long de l’hiver dernier et de cette saison 2018. Une moto très bien née d’après lui, équilibrée, facile à piloter et presque suffisamment performante d’origine même pour un pilote de sa trempe. Et de nous expliquer ce qui change sur cette machine finalement assez proche de la série. Le moteur, où il a cherché de la force à mirégimes, et les suspensions, aux ressorts plus durs, en fonction de son poids et de sa vitesse. Le reste, ce ne sont que des détails, finalement
insignifiants. Il est même revenu à l’échappement d’origine et non au FMF monté sur l’endurogp de série « qui la rend un peu
trop violente… », dixit Johnny. Par contre son carburateur est réalésé de façon ovale pour augmenter le flux de mélange air-essence.
« Je gagne en bas régimes et également en allonge grâce à ça. » Il a adopté depuis le début de saison une nouvelle culasse que l’on retrouve désormais sur les Gas Gas 2019… et conservé le démarreur électrique, contrairement à Christophe Nambotin ou Antoine Basset. « C’est un confort dont je ne peux pas me passer », confirme J’AU. Côté châssis, il a conservé les Kayaba d’origine, simplement préparées à sa convenance : ressorts tarés plus durs dans la fourche et sur l’amortisseur. « Mais pas de cartouche semi-usine ou usine à l’intérieur, ni de tubes au traitement anodisé… »,
assure-t-il en nous montrant sa fourche qui effectivement semble être le modèle stock.
« C’est un préparateur espagnol qui nous règle nos suspensions et ça va très bien comme ça,
les Kayaba sont parfaites de toute façon », ajoute l’ex-champion du monde. Pour le reste, on cherche un peu ce qui pourrait distinguer cette moto de la série. À part le disque arrière plein, le reste du freinage est le Nissin d’origine. Il a fait poser un dosseret à sa selle SDV pour mieux se caler en sortie de virage, un guidon Renthal 997 à sa convenance, fait enlever le té supérieur Xtrig pour le remplacer par le té de série afin d’avoir une hauteur de guidon parfaite (« on n’arrivait pas à le régler comme je le veux avec le té Xtrig, dixit l’intéressé »).
Voilà tout.
FA-CI-LE!
Trois jours plus tard, on est à La Cavalerie, sur le Larzac. Johnny vient de remporter cette Aveyronnaise Classic n° 16. Sa deuxième, dix ans après (il avait fini 2e en 2016 après une chute le 2e jour). J’AU est tout sourire, il a collé 32 secondes à Julien Gauthier (un peu diminué par un bobo à l’épaule) et 5 de plus à Jérémy Miroir en 13 spéciales et trois jours de course. « Et puis je me suis régalé sur cette classique, beaux chemins, belles spéciales, c’était top », rajoute le double champion du monde. Nous, on a hâte de grimper sur sa moto, moins rutilante que la veille du départ, mais totalement intacte. Pas de cabriole cette fois-ci pour le n° 6 du Dakar 2018. À 38 ans, J’AU n’a rien perdu de sa finesse de pilotage, y ajoutant même une sérénité à toute épreuve. Et puis les 600 et quelques kilomètres de l’aveyronnaise,
c’est quoi ? Une bonne journée d’un Dakar, à peine… Hop, on grimpe sur la Aubertmobile. Déjà, le poste de pilotage est cohérent, rien de choquant, tout tombe sous la main. Le guidon Renthal est un peu haut, idéal pour de longues heures de roulage debout dans les chemins. Idem les leviers, la pédale de frein, le sélecteur, c’est comme à la maison ! Les suspensions semblent confortables, absolument pas « bout de bois ». Un coup sur le démarreur et le 300 cm3 espagnol s’ébroue. Un bruit contenu sort du silencieux FMF, même après trois jours de course. On est à moins de dix bornes du Viaduc de Millau, sur ce vaste causse sauvage du sud Aveyron. Pas un barbelé, l’horizon qui s’étend à perte de vue côté Cévennes et pas mal de bénévoles déjà en train d’enlever les banderoles. Mais après le passage de 440 pilotes, la trace est bien visible. D’entrée, je suis étonné par la souplesse du gros 300 deuxtemps. Et encore plus rapidement, je m’aperçois qu’il a des mi-régimes bien remplis ! Dès les premiers virages, je ressors de là comme une balle. Sans brutalité, mais avec un coup de pied au cul généreux. La motricité est extraordinaire sur ce terrain bien griffé par le passage des concurrents. Alors j’en rajoute un peu et monte le son. Je ne sais pas ce qui me plaît le plus : les accélérations à la fois fortes et progressives ou la facilité de l’ensemble ? Parce qu’en plus, L’EC 300 Aubert est restée souple en suspensions, même pour un pilote comme moi. Souples et efficaces, parce que quand j’entre dans des traces de tracteurs en pleine zone de freinage, ça ne bronche pas. Traces que je recroise à l’accélération et le cul reste rivé au sol. Plus loin, je me prends des cailloux roulants puis deux ou trois rochers plus gros, bien ancrés au sol. Je tape là-dedans sans me soucier de quoi que ce soit : la Gas ne bouge toujours pas. Un peu inclinée sur l’arrière, elle garde le cap. Tout en restant sensible dans les virages à plat quand je m’efforce à sortir de la trace pour tester la sensibilité des suspensions sur l’herbe vierge. Le feeling est génial. Collé au sol, j’en rajoute en m’amusant avec l’embrayage. L’EC sort des virages sans à-coups, cabrant à la remise des gaz, la roue à 30 cm du sol sur 50 mètres, sans chercher à se retourner, sans patiner exagérément. J’ai cette put’… de bonne sensation d’être devenu bon en dix minutes de roulage. Le freinage est puissant, mais loin d’être ébouriffant. Suffisant à mon niveau. Mais au sien ? Je me finis dans des épingles serrées et là encore, la rouge vire dans un mouchoir, sans forcer. Il manque un saut rapide, un peu haut pour tester l’amorti, mais il est clair que J’AU a réglé sa moto en configuration « Classiques », pour un maximum de grip. Privilégiant le confort pour 600 bornes de terrain sec. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal à lui rendre sa moto… si ce n’est qu’il doit encore la ramener à l’arrivée et pointer alors que tout le monde est parti ! Johnny me confirme qu’il règle toujours ses motos pour un maximum de facilité quand je lui rends son joujou extra. Je peux aujourd’hui confirmer que sa Gas Gas 300 EC conviendrait à 99 % des enduristes, qu’ils soient purs amateurs comme très confirmés. Une arme absolue en enduro…
merci...
À Sylvain Evanno et toute l’équipe d’organisation de cette 16e Aveyronnaise Classic pour leur accueil et nous avoir laissé rouler sur une spéciale en fin d’épreuve. Une classique à (re-)découvrir, assurément.