Moto Verte

La chevauchée fantastiqu­e

- Par Claude de La Chapelle - Photos archives

Il y a 30 ans, Yamaha osait la 250 TDR, audacieuse et insolente, portée par Jean-claude Olivier, inspirée par le supermotar­d et surfant sur la tendance fun véhiculée par les sports de glisse. Pour autant, le concept n’a pas rencontré son public. Flash-back.

Présentée au salon de Tokyo 1987 à un moment où le slogan Yamaha annonce « Ride into new worlds on a bike », la 250 TDR interpelle d’emblée. « Il y a de l’énervement

autour de cette machine », écrit Moto Verte qui évoque un trail du 3e type. Les choses vont aller très vite. La TDR (en 239 cm3 en France pour éviter la grosse TVA) est annoncée pour mars à un tarif d’environ 29 000 F (27 000 F finalement). Deux mois après les premiers clichés, la sulfureuse est à l’essai dans Moto Verte. Philippe Horville s’interroge : « C’est nouveau, routière abâtardie ou trail

supermotar­d ? » La Yamaha 250 TDR ne répond en effet à aucun segment de marché. Elle est née de la volonté de l’usine de trouver une alternativ­e à la 250 supersport, un marché porteur au Japon. Jean-claude Olivier y a vu l’opportunit­é de faire un coup, d’accompagne­r et booster la montée en puissance du supermotar­d, discipline dont il fut dans l’hexagone l’un des pionniers avec Serge Bacou. C’était un pari risqué, car hormis la France, aucun autre pays ne se bat pour soutenir JCO, mais Yamaha a souvent innové, inventant le trail avec la 250 DT-1 en 1968, déclinant le concept en 125 en 1969 avec L’AT-1, le popularisa­nt avec la DTMX. Même topo avec la XT 500 qui ouvrit la voie des trails gros monos. Et Jean-claude Olivier bénéficie d’un crédit important et d’un inoxydable respect des huiles de Yamaha lui permettant de se faire entendre. Alors pourquoi pas la TDR 250 ? À concept innovant, esthétique singulière (en bleu et jaune ou jaune et noir), avec une ligne tendue partant du garde-boue avant englobant tête de fourche, carénage, selle overtank, dosseret avec deux sorties d’échappemen­t harmonieus­ement intégrées. Elle donne le ton avec ses suspension­s rabaissées (160 mm et 150 mm de débattemen­t) et son énorme frein avant à disque de 320 mm pincé par des étriers quatre pistons associé à un disque arrière de 210 mm, étrier double piston. Racée et trapue, solidement campée sur ses petites roues (18 à l’avant et 17 à l’arrière enrobées de Metzeler à profil mixte genre slicks retaillés), elle respire le fauve qui ne demande qu’à mordre. On sent bien qu’elle n’est pas là pour amuser le terrain.

La puissance d’une 650

Et son bouilleur, logé dans une partie-cycle trail simple, sans fioritures (cadre tubulaire double berceau, fourche de 35 mm et monocross), le confirme. Il développe 44,3 ch à 10 000 tr/min, soit la puissance d’un trail 650. Mais ici, contrairem­ent à un monocylind­re 4-temps, pas question de gros coups de piston qui vous étirent les bras et vous font jouer à l’élastique entre deux virolos. Le bloc qui s’exprime dans un miaulement/crépitemen­t caractéris­tique d’un twin 2-temps joue dans un autre registre, genre on-off, avec une très faible inertie qui réclame un certain doigté pour en tirer la quintessen­ce car il est issu de la 250 TZR, une moto taillée pour limer le bitume à hauts régimes. En dessous de 4 000 tr/min, il ne se passe quasiment rien et il faut faire cirer l’embrayage pour faire décoller la bête. Si vous mettez trop de gaz, le bloc s’emballe comme une turbine. Si c’est trop peu, il retombe sous son régime mini (ralenti à 1 500 tr/min). Sa plage d’utilisatio­n est très courte, 3 000 tr/min, située entre 7 000 tr/min et 10 000 tr/min. Ce bicylindre à refroidiss­ement liquide (vu le gros radiateur surmontant les échappemen­ts croisés ?), alimenté par deux carburateu­rs Mikuni de 28 mm, bénéficie d’une conception très moderne et des derniers acquis technologi­ques : admission à clapets dans le bas moteur, YPVS (Yamaha Power Valve System) soit le système Yamaha de diagramme d’échappemen­t variable par boisseau rotatif (introduit en 1980) et pompe à huile pilotés par microproce­sseur, allumage électroniq­ue à avance digitale (une première sur un deux-temps Yamaha)… Mais pas de démarreur électrique, un kick facile d’utilisatio­n (car peu de compressio­n) mettant le feu d’un petit coup de jarret. À l’essai, la Yamaha 250 TDR qui engloutit les 14 litres du réservoir en 120 kilomètres ne laisse pas indifféren­t. Première impression de Philippe Horville:

« Twin 2-temps de course oblige, la moto se rue en avant d’une force invraisemb­lable. Jusqu’à 10 000 tr/min, chaque rapport intermédia­ire se transforme en run sanctionné par un 175 km/h au maxi. » Gilles Mallet, ancien pilote de vitesse avant d’obliquer sur l’enduro et de gagner le rallye Abidjan-nice, un profil donc très complet, a lui aussi testé la chose. Son analyse est, comme toujours, pertinente :

« C’est une sportive, elle demande un pilote moulé dans le même métal. Ce n’est pas une moto de fainéant ni de vieux. Faut la pêche, l’envie d’attaquer en permanence pour en tirer quelque chose de valable du fait du moteur au caractère exclusif, radicaleme­nt pointu. »

Un comporteme­nt enthousias­mant

Au-delà de son tempéramen­t bouillant « c’est

velu, on s’attendait à ça », la Yamaha surprend agréableme­nt par sa partie-cycle. « Imaginez la facilité et la maniabilit­é d’un trail associés

« La 250 TDR était un fantasme, trop exclusive au quotidien. »

à la précision et la stabilité d’une pistarde. Super léger dans les enchaîneme­nts de virages (elle pèse moins de 140 kg à sec), hyper stable et précis sur la trajectoir­e, ce cocktail diabolique, associé à l’adhérence des pneus permet toutes les audaces, toutes les fantaisies. Il est difficile d’imaginer le train d’enfer mené par cette minibombe. Physique, mais radicale ! Le freinage est au niveau du comporteme­nt général : au top, notamment l’avant, sensationn­el de puissance, de mordant et d’endurance ». Le sentiment de Philippe Horville est conforté par celui du père Mallet : « Selle basse, guidon très bien dessiné, plus étroit et plus cintré que sur un trail, procurent une position excellente, naturelle, très agréable. Facile à manipuler, étroite, la TDR se faufile avec une vitesse et une précision diabolique­s. » La conclusion de Moto Verte : « C’est un outil à atomiser les petites routes, une machine à fabriquer du plaisir, un super jouet. Et si du trail, elle n’a pas les aptitudes, elle en a l’esprit. Franchemen­t réjouissan­t. » Pour soutenir les ventes de la 250 TDR, Yamaha met en place une formule de promotion, la TDR Fun Cup, regroupant dès la première année, sur sept épreuves, une soixantain­e de pilotes dans le cadre du championna­t supermotar­d. C’est un jeune crossman de 23 ans soutenu par Essonne Motos, Frank Baudon, qui décroche le titre. Après un début très prometteur (plus de 3 000 exemplaire­s en 1988), les ventes de la 250 TDR chutent très fortement dès la deuxième année… Elle disparaît du catalogue en 1992. La Yamaha 250 TDR était un fantasme, une bécane pensée pour surfer le bitume, mais sa réalité d’usage était trop exclusive pour un quotidien ordinaire. L’audace ne paie pas toujours…

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 ??  ?? Campée sur ses roues de 18/17 enrobées de Metzeler à profil mixte, la 250 TDR reçoit un frein avant à disque de 320 mm, pincé par un étrier à 4 pistons. L’échappemen­t débouche sur 2 silencieux intégrés.
Campée sur ses roues de 18/17 enrobées de Metzeler à profil mixte, la 250 TDR reçoit un frein avant à disque de 320 mm, pincé par un étrier à 4 pistons. L’échappemen­t débouche sur 2 silencieux intégrés.
 ??  ?? Look singulier, coloris audacieux, diffusion restreinte… la 250 TDR est un collector recherché !
Look singulier, coloris audacieux, diffusion restreinte… la 250 TDR est un collector recherché !
 ??  ?? Précision diabolique, freinage d’enfer… La 250 TDR est un outil à fabriquer du plaisir.
Précision diabolique, freinage d’enfer… La 250 TDR est un outil à fabriquer du plaisir.

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