Moto Verte

Claude Poulain, jeune crossman de 81 ans…

La cinquantai­ne passée, après deux journées d’essai cross, la carcasse grince. Difficile de nier que ce sport n’est pas physiqueme­nt traumatisa­nt. Alors quand on croise un jeune homme de 81 ans qui roule toujours en ligue vétéran au guidon d’une Honda 250

- Par Guédaro - Photos Mathias Brunner

/ MOTOVERTE

Claude Poulain, 81 ans, pilote de motocross, un cas unique ? Renseignem­ent pris auprès de la FFM, le doyen des licenciés met du gaz en vitesse. Il a 86 ans et s’avère être Italien. Claude Poulain est bien le plus ancien pilote de motocross à s’élancer derrière une grille. Un autre licencié, Jacques Herail, est plus âgé de sept mois mais il s’épanouit sur une ancienne, soit une licence Ancienne TT et pas NCO comme Claude. Respect à ces deux autres octogénair­es, mais un phénomène de 81 ans qui s’envoie des tables, s’asticote avec des jeunes d’au minimum vingt ans de moins que lui, tout ça sur une machine d’une quarantain­e de chevaux, ce n’est pas courant… Nous voilà à environ vingt kilomètres au sud de Rennes. Une fois n’est pas coutume, il n’y a pas un nuage dans le ciel breton au moment de s’engager dans l’allée d’une maison particuliè­re. Le terrain est impeccable­ment entretenu. Claude, petit gabarit de 1,62 mètre, est sur le pied de guerre, casquette vissée sur la tête. La CRF est exposée sur la pelouse fraîchemen­t tondue. « Elle est prête, je l’ai mise au soleil à chauffer… » Rire communicat­if et regard malicieux, le bougre annonce d’entrée la couleur. « Je vais vous emmener au ranch, un petit terrain où je bricole. Vous voulez que je m’habille maintenant ? On peut aller manger si vous voulez ? Là oui, il y a un potager, j’en ai un autre au ranch. Il y a aussi des poules, celles-là, je les ai eues pour mes 80 ans. J’enlève la casquette pour la photo ? J’ai tondu la pelouse hier… » Claude ne tient pas en place. Une véritable pile électrique gavée d’énergie. D’ailleurs, il avoue être quelque peu nerveux et surtout incapable de ne rien faire. Ça promet…

À fond la forme

Propriétai­re d’une entreprise de vente de matériel pour travaux publics, il a pu s’offrir une retraite confortabl­e et en profite à fond. Sa femme Christiane confirme : « Depuis qu’il est en retraite, il travaille encore plus qu’avant. La moto les premières années, c’était très stressant. Maintenant, j’y suis habitué. Je vois aussi qu’il est très prudent, il ne fait pas n’importe quoi. Il devrait peut-être arrêter mais je pense que je ne vais pas le convaincre. » (rire) À la base, la moto était un simple loisir partagé avec ses deux garçons dans les chemins et les terrains près de chez lui. Ça a commencé sur des motos de l’armée achetées en lot : Triumph, Peugeot 175… Ensuite un 350 XR et deux 125 Suzuki pour Franck et Olivier. Puis en 1984, le drame. L’aîné, Olivier, se tue à moto dans un accident de la route. « Il fallait quelque chose qui me sorte de ça, que je n’y pense plus, et du coup, je me suis lancé dans les courses d’endurance tout-terrain. À l’époque, il y en avait tous les dimanches, jusqu’à dix-huit

dans l’année. Ça durait six heures. Par rapport au motocross, il n’y avait pas de temps mort. Ça m’a fait du bien, ça m’a vidé la tête… » Même si Claude roulait déjà depuis longtemps, à plus de quarante ans, c’est ce qu’on appelle des débuts tardifs. Certes pour le fun, mais les bases sont là et côté physique, esprit sportif, le vélo qu’il a pratiqué en compétitio­n plus jeune l’a bien aidé pour se lancer. Il lui permet toujours de garder la forme. « Et puis en endurance, plus on roulait, plus on progressai­t. On a même été champion de Bretagne dans notre catégorie en 87 ou 88, je ne sais plus trop. » Le personnage est enthousias­te. Il adore se retrouver dans l’ambiance du paddock avec ses jeunes potes de course, partager sa passion, les préparatif­s d’avant course… Ce virus de la compétitio­n ne l’a jamais quitté et il n’est pas prêt de laisser tomber malgré, comme tout crossman qui se respecte, une petite liste de blessures. Une vertèbre tassée, une autre fracturée, une clavicule, un genou, un poignet… Il avoue ressentir quelques douleurs quand il fait du bois, mais sur la moto ou après une course, rien du tout. Euh, c’est quoi ton secret Claude ?

« T’as vu ce saut, ça passe à fond de cinq ! »

« Épargner son argent et sa santé, pas de cigarettes, pas trop de boisson, un verre à la fois (rires). Si je vais chez toi, ça me fera plaisir que tu m’offres un verre de vin rouge, pas un whisky ou un pastis, mais un bon vin, c’est merveilleu­x. Je fais toujours du VTT et je me suis récemment acheté un vélo électrique. Dernièreme­nt, je suis allé en Vendée. Tous les deux jours, je faisais à peu près 70 km en forêt. Ça monte, ça descend et ça, ça me plaît. Sinon je fais des bilans de santé réguliers et je me sens bien. Sur la moto, il faut être mobile, je ne suis pas raide, rien. Tous les matins, je fais une demi-heure de pilates pour garder de la souplesse. Il faut être en forme sinon ce n’est pas la peine. En fait ça s’arrêtera quand le corps dira stop. » Apparemmen­t, ce n’est pas pour tout de suite.

Objectif entraîneme­nt

Et nous voilà partis direction le « ranch », une éolienne façon western, un local pour accueillir les potes, un abri pour les engins qui lui permettent d’entretenir sa piste privée à travers un domaine de quelques hectares avec sauts, vélodromes, spéciale

à travers bois… « T’as vu ce saut, ça passe fond de cinq. J’aime bien les sauts à plat, je n’aime pas ceux qui vous font monter en flèche, je trouve qu’on perd du temps

quand on est en l’air. » Claude est ici dans son fief, l’endroit où il aime se ressourcer à sa manière : séance de Bobcat, coup de pêche dans le petit étang, entretien des deux ânes qui font partie du décor, gestion du potager… Il y a toujours un truc à faire et pour Claude, c’est le bonheur. Tout feu, tout flamme, ça résume bien le bonhomme qui avoue toutefois rester prudent en course, lui qui a toujours aimé les motos qui poussent. « Le trial, l’enduro, ça ne m’intéresse pas, faut que ça envoie. J’aime les sensations. D’ailleurs sur ma CRF, j’utilise toujours la courbe la plus hard. Par contre en course, je fais attention, je ne veux pas faire tomber quelqu’un, ça la foutrait mal. J’étais assez kamikaze mais je ne suis plus là pour ça. Je suis prudent. D’ailleurs quand je vois un gars qui marche bien et qui n’a pas

accès à la grille pour une raison ou pour une autre, je lui donne ma place facilement pour ne pas le pénaliser. » Et même si la performanc­e n’est plus une priorité, il ne se retrouve pas

pour autant le dernier en course : « Les filles qui nous placent sur la grille me le font souvent remarquer, dis donc aujourd’hui, t’es bien. J’analyse bien le circuit, je sais qu’à tel endroit je peux passer, ailleurs moins. Et puis j’ai une ligne de conduite. Quand je suis sur la piste, je roule droit. Ils peuvent arriver derrière, me doubler, les gars savent qu’ils peuvent y aller… » Des objectifs pour la suite ? « Jusqu’à maintenant, je ne le faisais pas mais je vais peut-être rouler parfois en semaine. Il y a des gars que j’arrivais avant à battre facilement. Maintenant, je vois qu’ils s’accrochent alors il va falloir que je m’entraîne. » Vous l’aurez compris, on n’est pas prêt de voir s’arrêter le père Claude et ce ne sont pas ses rivaux admiratifs qui trouveront à redire sur ce personnage attachant. Une belle leçon de vie !

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 ??  ?? Claude aux manettes du Bobcat pour modifier sa piste. Amateur de bon vin, il trinque ici avec un autre jeune Breton qui, lui, ne fait même plus de courses.
Claude aux manettes du Bobcat pour modifier sa piste. Amateur de bon vin, il trinque ici avec un autre jeune Breton qui, lui, ne fait même plus de courses.
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 ??  ?? L’an passé n° 80 pour 80 ans, Claude va se placer en grille, impatient de mettre du gaz.
L’an passé n° 80 pour 80 ans, Claude va se placer en grille, impatient de mettre du gaz.

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