Il était une fois la Honda Dominator…
Il y a 30 ans, au moment où Honda lance son vaisseau des sables Africa Twin, la 650 Dominator renoue avec les racines du trail monocylindre, polyvalent, punchy, maniable, tout en faisant le pari de la sophistication. Bien joué. D’emblée, elle s’impose comme une référence !
Pour Honda, dont la Transalp caracole en tête des ventes d’un hit-parade où sept trails figurent dans le top 10, le Salon de Paris 1987 (après celui de Tokyo) est l’opportunité de surfer sur la vague avec une gamme qui comprend la vieillissante 750 XLV, la Transalp, la 650 Africa Twin, mais aussi la 250 NX (mono 4T
à refroidissement liquide) et notre protagoniste, la NX 650. Après avoir effectué des recherches sur une centaine de noms, Honda décide d’y accoler, en toute modestie, l’appellation Dominator. L’événement est de taille et la presse évoque même un nouveau concept. L’idée est d’élargir la cible des acheteurs que les gros trails, inspirés par les exploits dakariens, massifs, hauts sur pattes, taillés pour les grands espaces avec leurs bidons bedonnants, rebutent un peu. La Honda 650 Dominator est une alternative élégante, comme peut l’être un SUV racé et sophistiqué face à un 4x4 rude et rustique. Elle succède aux XL 600 LM et XL 600 RM, remettant au goût du jour l’inoxydable mono 4T refroidi par air, simple arbre à cames et culasse RFVC (chambre de combustion hémisphérique à 4 soupapes radiales) mais avec un surcroît de cylindrée qui réveille les sens. Pour parvenir à ses fins, Honda, sur la base du bas moteur de la 600, a fait passer les cotes d’alésage et de course de 97 x 80 mm à 100 x 82 mm en recyclant un piston de Ø 100 mm D’XR de 1983 et en rallongeant la course pour obtenir un 650 cm3. Pour fonctionner avec douceur, ce berlingot à carter sec (l’huile est contenue dans l’épine du cadre qui fait office de réservoir) est équipé d’un système évolué de balancier à simple arbre d’équilibrage. Le moteur, alimenté par un carburateur Keihin à dépression de 40 mm, développe 46 ch à 6 000 tr/min et 5,8 mkg à 5 000 tr/min, et le démarreur électrique (batterie sans entretien) est secondé par un kick couplé à un système de décompresseur réduisant de 30 % l’effort au démarrage. Ce kick sera supprimé sur le millésime 1990. La Dominator dévoile un tout nouveau châssis (cadre de section rectangulaire et bras oscillant en acier) avec système Delta Prolink (évolution du Pro-link, façon 250 CR)
dont le dessin du basculeur en triangle offre un meilleur positionnement de l’amortisseur afin de grappiller du poids. Les jantes en alu (21 et 17) héritent de rayons, légers et solides à placement tangentiel améliorant la répartition des contraintes et la résistance à la flexion. La NX 650 est une séductrice qui surclasse ses concurrentes en termes de design, équipement, finition, exceptionnelle pour un trail : carters, jantes, guidon, collecteur d’échappement et embouts de silencieux anodisés or, tableau de bord très complet planqué dans le carénage avec remise à zéro du compteur journalier « pushbutton », bouchon de réservoir fermant à clé, protège-mains, belles platines en aluminium des repose-pieds, porte-bagages, généreuse trousse à outils logée dans le robuste sabot en aluminium… Disponible en rouge, noir et gris en France, la Dominator affiche 152 kg à vide (172 kg vérifiés avec tous les pleins).
Un hymne à la joie
En action, la Dominator se montre enthousiasmante. C’est assurément le mono le plus vivant du marché, avec un caractère très joueur ! Honda a privilégié les sensations à la performance pure qu’elle distille dans la belle sonorité grave de ses deux échappements. Le moteur est efficace, il pousse sans effort, avec civilité, sans brutalité ni secousses. La puissance est omniprésente, disponible avec générosité sur toute la courbe, offrant avec une souplesse féline de belles envolées à mi-régimes jusqu’à atteindre les 160 km/h. Comme souvent chez Honda, la boîte est douce, précise, rapide, les commandes sont onctueuses, la réponse de la poignée de gaz et le toucher des freins sont parfaits. La Dominator est une « petite » moto avec une selle basse, une position groupée, assez enduro, pas très confortable, mais qui incite à l’attaque. Et là encore, les attentes des enrouleurs de câble ne sont pas déçues car la partie-cycle est royale. Placée sur une trajectoire, la Honda, très bien équilibrée, ne dévie pas d’un centimètre, n’émet pas la moindre oscillation ni instant de flou grâce à des suspensions Showa bien accordées. Elle est remarquable de rigidité et de précision. Un vrai rail ! Elle est aussi très performante en virage grâce à son petit gabarit et sa position de conduite assez sportive, l’étroitesse de son réservoir au niveau des genoux qui permet un bon maintien de la moto. Son rayon de braquage est également excellent. Elle ajoute à sa précision une légèreté, une facilité de l’avant très agréable qui en fait un joujou extra sur routes sinueuses. Cerise sur le gâteau des énervés de la gâchette, c’est une freineuse d’exception. Le disque avant de 265 mm avec étrier double piston et le disque arrière de 220 mm avec étrier simple piston sont à la fois puissants et endurants et peuvent s’exprimer avec force grâce à la fourche de 41 mm dont la rigidité ne fait pas défaut. En mai 1988, Moto Verte emmène la Dominator dans le désert algérien lors d’un comparo de 5 000 km entre trails gromonos. Face à la Kawasaki KLX 650 R, Suzuki DR 750 S, Yamaha XT 600 Z Ténéré et KTM MX 600 LC4, la Honda fait plus que tirer son épingle du jeu. Elle remporte la partie « statique » mettant en avant son équipement, l’agrément des commandes, etc., le chapitre « bitume » et se classe deuxième ex aequo avec la Kawasaki derrière la KTM en « tout-terrain ». Au final, la Dominator domine, à raison, ses rivales. Voici la conclusion du rédacteur en chef de l’époque Gilles Mallet : « La sortie de la 650 Kawasaki KLR l’an dernier avait amorcé de
belle façon le retour du trail à ses sources : celle du mono de caractère, de plaisir, de polyvalence. La Honda Dominator, en affinant encore cette définition, confirme par une victoire sans bavure la justesse de cette définition du trail. » Et dans toute la presse, la Dominator s’attire les commentaires les plus élogieux, au point qu’honda en fait un axe de communication, reprenant sur une double page, sous le titre « Toute la presse sous l’empire de la Dominator »,
les critiques positives des magazines de référence que sont Moto Verte, Moto Revue, Moto Journal, mais aussi des publications plus éloignées de la moto comme l’équipe, leader de la presse sportive, Ouest France, premier quotidien de France, ses confrères la Voix du Nord, l’est Républicain… et même l’humanité. Fort de son succès, Honda se lâche, pavoise et déclare : « Le mono est mort. Vive le nouveau mono ! Avec la Dominator,
« Son monocylindre distille du caractère et du plaisir ! »
le concept mono a pris un sacré coup de jeune. Carrément un coup de génie ! Bancs d’essais et comparatifs le prouvent, la Dominator domine du mono jusqu’au bout des roues, alignant perf sur perf… À l’arrivée, un concert de louanges joué “crescendo” par une presse unanime. La Dominator ? Elle n’a pas volé son nom. » Honda avait prévu d’écouler 5 000 Dominator en France en 1988. Produite jusqu’en 1999, ayant très peu évolué (réservoir passant de 14 à 16 litres en 1991 pour faire oublier son autonomie de 170 km et nouveau carénage, comme en 1996), elle a été vendue à 14 437 exemplaires jusqu’en 1999, quatre ans après que sa production ne soit délocalisée du Japon en Italie. Elle se négocie dès 1 500 € et nous ne saurions que trop vous conseiller d’en dénicher une pour son plaisir de conduite et sa fiabilité, en témoigne sa participation à de nombreux rallyes dont le Dakar.