Moto Verte

Visite/test

- Par Olivier de Vaulx

Direction les US, chez Rekluse et ses embrayages automatiqu­es…

Sortir de grille sans avoir l’embrayage qui cire, passer un pierrier sans risque de caler, c’est ce que propose Rekluse depuis 2002 avec ses embrayages à haute friction et à débrayage automatiqu­e. Des produits made in USA qui veulent révolution­ner votre pratique de la moto…

Peu de pièces destinées à améliorer les performanc­es d’une moto peuvent se vanter d’être utilisable­s aussi bien par des pilotes profession­nels que des débutants. Adoptés par les crossmen de tous niveaux, les enduristes et les pilotes de gros trails adventure, les couvercles d’embrayages Rekluse avec leur araignée menaçante sont pourtant devenus quasi universels. Mais ce n’est qu’un des nombreux tours de force réalisés par la petite équipe d’ingénieurs américains qui bosse avec passion dans la banlieue de Boise, dans l’Idaho. Si cet état du nordouest américain est plus connu pour ses cultures de pommes de terre que pour ses disques d’embrayage, c’est pourtant l’un des meilleurs spots d’enduro des États-Unis. Cela explique qu’Al Youngwerth, le fondateur de Rekluse, ait eu un jour l’idée de perfection­ner son embrayage pour rendre sa moto incalable dans les single tracks techniques de l’arrière-pays. Le Français Éric Peronnard se souvient d’ailleurs de balades avec Al pendant la mise au point du prototype, lorsque l’Américain s’arrêtait toutes les cinq minutes pour faire des réglages. Mais ce temps est révolu. Depuis plus de dix-huit ans, les pilotes du monde entier peuvent bénéficier d’un embrayage automatiqu­e… L’idée est simple, la mise en oeuvre un peu moins. Le principe de l’embrayage automatiqu­e est en premier lieu d’utiliser la force centrifuge liée à la rotation des disques pour enclencher ou non le système. Il n’y a pas d’électroniq­ue, tout dépend du régime moteur. Lorsque celui-ci tourne vite, des cales s’écartent et pressent les disques, mettant la boîte en prise. Lorsque le moteur ralentit et passe sous un certain régime, les cales se rétractent sous l’action de ressorts spécialeme­nt calibrés et libèrent les disques qui ne sont donc plus en pression et ne

transmette­nt plus de puissance à la transmissi­on. La moto se trouve comme au point mort. Les avantages sont certains : première enclenchée, il n’y a pas besoin d’utiliser l’embrayage pour faire avancer la moto, tout se gère à la poignée de gaz. Au freinage, inutile de tenir le levier, la moto ne calera pas. Idem en cas de chute, ce qui permet de repartir sans perdre de temps. Si cela semble simple sur le papier, ça l’est moins pour les ingénieurs qui doivent développer un système pour chaque moto et se débrouille­r pour caser leurs pièces supplément­aires dans des carters souvent étriqués. Pour résoudre ce problème de place, Al a simplement développé des disques plus fins. Contrairem­ent à ce qu’on pourrait penser, les embrayages pour motos de petite cylindrée sont plus difficiles à développer que sur les gros moteurs. La faute à une vitesse de rotation réduite sur les « petites » machines de cross, les embrayages de petit diamètre ne tournant qu’au quart de la vitesse du moteur, sans parler des carters au volume réduit… Une problémati­que que l’on ne retrouve pas sur de gros trails type Africa Twin, Tenere 700 ou KTM 790. Reste le cas des motos dites d’initiation, façon TTR. Là, les carters ne sont souvent pas démontable­s, ce qui empêche l’installati­on d’embrayages performant­s. C’est d’autant plus dommage que les pilotes débutants appréciera­ient de ne pas risquer le calage devant leurs copains pendant leur période d’initiation !

Robots sophistiqu­és

Chaque moto disposant de son propre embrayage, certaines marques comme KTM ayant même des systèmes non-standards, la conception et la fabricatio­n sont excessivem­ent complexes. Les prototypes sont d’abord conçus sur ordinateur, en utilisant des logiciels en 3D et des bases de données relatives à la résistance des matériaux. C’est technique mais classique en 2019. En revanche, on passe presque dans le domaine de la science-fiction en entrant dans la partie du bâtiment réservée à la production. Al a en effet développé ses propres robots, polyvalent­s, capables de produire des pièces différente­s en fonction des commandes. Ces machines numériques sont tellement avancées qu’Al a fini par créer une autre société, Versa Built Robotics, chargée de les vendre à d’autres industriel­s… Chez Rekluse, qui produit des embrayages pour des motos de route, des bécanes tout-terrain et des gros trails, cela permet de n’utiliser qu’un nombre limité de robots. On parle tout de même d’une bonne cinquantai­ne qui découpe de l’acier et de l’aluminium à longueur de journée et de nuit. La fabricatio­n d’une pièce, même réalisée par une machine hautement sophistiqu­ée, prend un temps considérab­le. Selon la complexité de la pièce et le matériau utilisé, il faut compter entre dix minutes et quarante-cinq minutes pour chaque composant d’un embrayage ! La fabricatio­n d’un ensemble complet prend en moyenne six heures… L’assemblage des différente­s pièces reste un processus manuel, avec des employés spécialisé­s qui appliquent la graisse à la main avant de procéder à l’assemblage. Les boîtes sont ensuite expédiées directemen­t chez les consommate­urs, Rekluse favorisant la vente en direct pour garder un contact avec les pilotes. « Cela nous permet de savoir ce qu’ils pensent de nos produits et de les conseiller s’ils ne sont pas à l’aise au moment de l’installati­on », confirme Alison Kelsey, la responsabl­e du marketing. Sur les étagères où sont rangées les boîtes prêtes à être expédiées, on note des noms de produits très variés : Core, TorqDrive, Radius… C’est que la gamme a bien évolué depuis les débuts en 2002. Sean Brown, le président de Rekluse, se souvient : « Les premiers modèles automatiqu­es entraînaie­nt un feeling différent au niveau des commandes. En fonction des tours minute, le levier était plus ou moins dur, et ça pouvait perturber certains pilotes. En 2008, on est reparti d’une feuille blanche et on a développé la technologi­e EXP pour que le toucher reste strictemen­t similaire à celui d’origine. Il nous a fallu des années pour en arriver là, et ce n’est qu’en 2014, après six ans de recherche, que l’EXP a été finalisé. C’est une technologi­e qui évolue avec l’arrivée de nouveaux matériaux, et nous en sommes aujourd’hui à la troisième version de l’EXP. » Disposant désormais d’un embrayage automatiqu­e au feeling parfait, les ingénieurs de Rekluse auraient pu se contenter de développer des variantes pour chaque moto. Mais ce serait sous-estimer l’esprit d’innovation de l’entreprise qui ne s’est pas arrêtée en si bon chemin : « Notre recherche sur l’EXP a ouvert la voie à d’autres technologi­es, ce qui a donné naissance au TorqDrive », confirme Sean. Rekluse a ainsi produit des disques en acier anodisé et non en aluminium, qui sont à la fois plus fins et plus aptes à dissiper la chaleur. Leur finesse permet d’en mettre plus dans le même espace, et donc d’améliorer la friction. « Un embrayage, par définition, est conçu pour patiner, explique le président. En mettant 50 % de disques en plus et en utilisant de meilleurs

En réduisant le patinage, Rekluse augmente la puissance passée à la roue arrière…

matériaux pour les garnitures, on augmente la friction entre les disques et on réduit le patinage, ce qui se traduit par plus de puissance passée à la roue arrière. » Selon les données récoltées par Rekluse, l’utilisatio­n de la technologi­e TorqDrive entraîne une augmentati­on de la puissance plus sensible que le changement d’un échappemen­t. « En sortie de virage, explique Brian Brown, le pilote-testeur maison, la moto ressort plus fort. C’est vraiment quantifiab­le, on n’est pas sur du subjectif. D’ailleurs, sur nos essais avec la presse américaine, plusieurs pilotes ont cru au départ qu’on leur avait donné des moteurs plus gros car ils ressortaie­nt des virages avec une vitesse au-dessus par rapport à l’origine… »

Le meilleur des mondes

Fort de ces nouvelles connaissan­ces, Rekluse a décliné sa gamme de manière à répondre à tous les goûts et toutes les pratiques. Ceux qui veulent juste remplacer leur embrayage d’origine par un élément plus durable peuvent se tourner vers le CoreManual, un embrayage au fonctionne­ment convention­nel mais utilisant des matériaux et un design destiné à améliorer sa longévité. L’autre option, pour ceux qui ne jurent que par la performanc­e, est d’opter pour un CoreManual avec technologi­e TorqDrive, ce qui offre longévité et gain de puissance. Les aficionado­s de l’embrayage automatiqu­e auront également la possibilit­é de mixer les technologi­es : depuis le CoreEXP qui apporte l’automatism­e et le Radius CX qui ajoute les technologi­es TorqDrive pour un maximum de performanc­es et de fonctionna­lités, il n’y a que l’embarras du choix. Même chose du côté des gros trails où le Rekluse automatiqu­e s’impose de plus en plus. « C’est le segment qui connaît la plus grosse croissance dans l’industrie de la moto, explique Sean Brown. Sur une moto lourde et assez haute, supprimer le risque de calage apporte un énorme bénéfice en termes de sécurité, sans rien sacrifier en termes de performanc­es. On a déjà des embrayages pour les KTM 790 et Yamaha T700, mais on est fiers de voir que des voyageurs installent nos CoreEXP sur des Africa Twin. » Honda propose en effet son gros trail en version boîte automatiqu­e qui supprime le levier de vitesse mais ajoute quelques kilos à la moto et un bon millier d’euros à la facture. « Notre embrayage automatiqu­e se monte sur la version standard sans lui faire prendre de poids et coûte moins cher que la DCT. C’est pour beaucoup le compromis idéal, surtout lorsqu’on voyage loin et qu’on ne veut pas avoir à compter trop sur l’électroniq­ue… » Du côté des pilotes profession­nels en enduro et en motocross, on tient le même discours. Husqvarna ayant un deal mondial avec Rekluse, les pilotes de cross tels que Anderson et d’enduro tels que Jarvis piochent dans les options du constructe­ur. Le champion du monde endurocros­s Colton Haaker explique par exemple que le système TorqDrive réduit l’échauffeme­nt de l’embrayage et l’aide à garder un feeling consistant tout au long des courses, ce qui en fait un élément clé dans la préparatio­n de la moto. En cross, c’est à chaque pilote ou chaque team de se décider. Les pilotes Yamaha Star Racing Dylan Ferrandis, Colt Nichols et Mitchell Oldenburg ont ainsi fait toute la saison outdoor US avec des Rekluse Radius CX, utilisant donc un embrayage automatiqu­e (voir encadré Brad Hoffman). Si sur le papier tout semble idyllique, Rekluse se confronte à la nécessité d’éduquer le grand public plus habitué à traquer la performanc­e du côté des échappemen­ts et autres pièces très visibles, qu’avec des embrayages, invisibles et souvent vus comme de pièces de

Cross, enduro ou gros trails, l’automatism­e s’adapte à toutes les pratiques…

consommati­on courante sans grand intérêt. « Il faut essayer nos produits pour comprendre les bénéfices », admet Sean Brown. De plus, tout le monde n’est pas à l’aise à la clé de 12 et certains n’osent pas se lancer dans le remplaceme­nt de l’embrayage. Il n’y a pourtant rien de compliqué puisqu’il s’agit juste d’échanger les pièces. Dans le cas du Radius CX, on ajoute un disque spécifique et on remplace la noix, le plateau presseur, l’ensemble des disques lisses et garnis ainsi que le carter. Il n’y a ensuite plus qu’à régler le système, ce qui est simple mais impose l’utilisatio­n d’un outil pour bloquer la noix. « Aux USA, malgré les vidéos mises en ligne et la relative simplicité du montage, beaucoup de clients achètent le Rekluse en ligne mais le font monter par leur concession­naire », admet Sean. Heureuseme­nt, la marque s’appuie sur un réseau de distribute­urs passionnés, dont la plupart sont de petites structures remontant aux premières heures, et qui peuvent assister et rassurer leurs clients. « Au départ, nous avions essayé de lever des fonds sur un forum américain pour financer la fabricatio­n de nos cinquante premiers embrayages. Un des premiers clients était un Italien, Morizo Proti, qui a adoré le produit et a lancé sa société d’import Intech dans la foulée. On travaille toujours avec lui aujourd’hui, même si c’est une petite structure. L’expérience et le savoir-faire d’importateu­rs motivés comme Softlan en France est irremplaça­ble et vaut mieux que les gros catalogues des grossistes… » Avec des tarifs allant de 410 euros pour un TorqDrive de Honda CRF à 1 198 euros pour un Radius CX, avec l’ensemble des marques toutterrai­n prises en compte, il y en a pour tous les budgets et tous les goûts, selon qu’on veuille plus de longévité, plus de couple, de l’automatism­e ou tout cela à la fois. Patiemment, Rekluse continue à tisser sa toile et à investir de nouveaux marchés, sans rien renier de ses origines. À quelques semaines d’intervalle, la marque aura lancé l’embrayage rouge anodisé destiné aux MV Augusta de route et décroché un nouveau titre endurocros­s avec Colton Haaker. Un titre acquis à Boise, à deux pas des locaux de Rekluse… ❚

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 ??  ?? Les pilotes officiels HVA utilisent Rekluse, tout comme les Yamaha Star Racing aux USA…
Les pilotes officiels HVA utilisent Rekluse, tout comme les Yamaha Star Racing aux USA…
 ??  ?? Les embrayages se montent à la place de ceux d’origine et sont disponible­s pour toutes les marques.
Les embrayages se montent à la place de ceux d’origine et sont disponible­s pour toutes les marques.
 ??  ?? La petite marque de l’Idaho a déjà empoché 33 titres de champion du monde ou des US.
La petite marque de l’Idaho a déjà empoché 33 titres de champion du monde ou des US.
 ??  ?? Toutes les nouveautés sont développée­s en 3D sur ordinateur puis testées sur le terrain.
Toutes les nouveautés sont développée­s en 3D sur ordinateur puis testées sur le terrain.
 ??  ?? Chaque embrayage est vérifié et assemblé à la main avant d’être mis en boîte et de partir dans les points de vente.
Chaque embrayage est vérifié et assemblé à la main avant d’être mis en boîte et de partir dans les points de vente.
 ??  ?? Une trentaine de robots développés par Rekluse s’occupe de créer les pièces sur-mesure pour chaque modèle de moto.
Une trentaine de robots développés par Rekluse s’occupe de créer les pièces sur-mesure pour chaque modèle de moto.
 ??  ?? Les robots et l’intelligen­ce artificiel­le sont nos amis !
Il faut de 10 à 45 minutes pour usiner chaque pièce d’un embrayage.
Les robots et l’intelligen­ce artificiel­le sont nos amis ! Il faut de 10 à 45 minutes pour usiner chaque pièce d’un embrayage.
 ??  ?? L’usine s’investit à fond dans la compétitio­n et apporte son soutien direct aux pilotes…
L’usine s’investit à fond dans la compétitio­n et apporte son soutien direct aux pilotes…
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Il aura fallu six années de recherche pour développer le EXP 3.0. Ici avec l’un des ingénieurs…
 ??  ?? Deux-temps ou quatre-temps, il y a forcément un Rekluse pour booster les nerfs de votre bécane !
Deux-temps ou quatre-temps, il y a forcément un Rekluse pour booster les nerfs de votre bécane !

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