Moto Verte

Découverte

- Par Laurent Reviron - Photos Elodie Lantelme

Icône du vélo, Pauline FerrandPré­vot s’entraîne à moto…

C’est pour progresser en pilotage en vue des prochains JO de Tokyo que l’icône française du VTT Pauline Ferrand-Prévot a décidé de se mettre à la moto tout-terrain. La journée que l’on a passée avec elle a confirmé qu’elle prenait énormément de plaisir sur sa KTM Freeride.

C’est pour progresser sur le vélo que Pauline a décidé de se mettre à la moto.

Ça faisait un bout de temps que Pauline Ferrand-Prévot avait dans l’idée se mettre à la moto toutterrai­n. Mais la Française qui détient le plus gros palmarès de l’histoire de cyclisme dans l’Hexagone n’avait pas encore franchi le cap. C’est en revenant de son dernier voyage au Japon pour découvrir la piste de VTT cross-country des prochains Jeux olympiques qu’elle s’est décidée : « Ce parcours est vraiment super-engagé. Physiqueme­nt, ça va être dur, mais techniquem­ent, c’est impression­nant. Les descentes sont super-raides, avec des gros rochers à descendre. Le genre de situation que l’on n’a pas forcément l’habitude de rencontrer. Ça fait peur et ce n’est pas évident à passer. Il va falloir en faire pour s’y sentir à l’aise. C’est pour mieux m’y préparer et pour progresser techniquem­ent sur le vélo que j’ai décidé de me mettre à la moto. J’arrive à descendre rapidement quand c’est raide. En revanche, quand il faut prendre beaucoup de vitesse, j’ai l’impression que tout se passe un peu trop vite autour de moi. La moto, qui permet de prendre plus de vitesse, peut vraiment m’aider à accepter de me lâcher sur le vélo. C’est avant tout dans le but de progresser et de prendre de la confiance. » Pour partager un petit coup de moto avec la championne, nous nous sommes rendus dans les Vosges où elle partage une partie de l’hiver un appartemen­t avec son conjoint Julien Absalon, double champion olympique de VTT. Le reste de l’année, c’est à Fréjus qu’ils ont leurs quartiers. L’hiver, les Vosges offrent un terrain parfait pour rouler à vélo et aussi à moto. Après sa super saison 2019 où elle a décroché un nouveau titre de championne du monde, Pauline est actuelleme­nt en coupure. Le programme de la journée n’est donc pas aujourd’hui minuté par ses séances d’entraîneme­nt. On attaque donc tranquille­ment autour d’un café. Une bonne occasion de parler « moto » : « Je ne me suis jamais intéressée à l’actualité de la moto. Je ne connais d’ailleurs aucun champion de la discipline. Je suis novice de A à Z. Il y a pas mal de pilotes de VTT français qui font de la moto. Et c’est d’ailleurs l’un d’eux, Victor Koretzky, qui m’a conseillé de prendre une KTM Freeride pour débuter. J’aime vraiment cette moto. Elle ne fait pas peur et elle met vraiment en confiance. Elle est douce au démarrage. C’est un peu pépère, mais ça me va bien. »

Freinage d’urgence

La matinée est finalement bien entamée quand on se met en route. On avait envisagé un petit coup de course à pied et du vélo avant de partir à moto. On passe direct au vélo car, à cette période, les journées sont courtes. Pauline évolue évidemment sur son VTT Canyon comme un poisson dans l’eau, mais elle prend le temps de partager cette boucle avec moi sans pression, tout en continuant à discuter : « Je n’ai quasiment aucun souvenir de moto étant petite. Je ne suis jamais allée voir de course. Quand j’habitais à Reims, j’en voyais juste de temps en temps dans les bois qui ouvraient souvent des traces que l’on pouvait ensuite utiliser en VTT. J’ai regardé une fois la course dans le sable à la télé (NDLR : Le Touquet). C’est vrai que c’est impression­nant. Les ornières, les bosses... Mais à part ça, je ne m’y suis jamais intéressée. Ah si, j’ai dernièreme­nt pas mal regardé les tenues pour choisir la plus jolie. » Cette première expérience était donc en quelque sorte une plongée dans l’inconnu : « Il a fallu d’abord apprendre à passer les vitesses, et d’ailleurs, tu verras cet après-midi que je ne maîtrise pas encore tout à fait la manoeuvre. J’ai fait une chute dès le début. Julien m’emmène souvent dans des endroits assez compliqués. Il ne se

rend pas compte que ce n’est pas évident pour moi qui n’ai jamais pratiqué. C’était un parcours facile dans l’absolu mais, quand tu ne maîtrises pas la discipline, ce n’est pas évident. J’ai eu du mal à intégrer le système de freinage avec l’arrière au pied. J’ai pris un peu de vitesse et, quand j’ai voulu freiner, j’ai actionné le frein avant et je suis tombée. Je suis encore un peu hésitante, mais je pense être quelqu’un qui apprend vite. Quand j’ai un nouveau truc entre les mains, je n’ai pas envie de demeurer longtemps comme un boulet. D’autant plus que les sensations me plaisent vraiment. Je me vois bien désormais avoir toujours une moto dans mon garage. Mais c’est quelque chose qui prend du temps, aussi bien dans la pratique qu’en préparatio­n, mais c’est vraiment bien que l’on puisse partager ce moment à deux avec Julien. J’espère que l’on va continuer à rouler ensemble régulièrem­ent. » Le risque de blessure à moto a évidemment été pris en compte : « Je sais qu’il faut rester prudente. Ça m’embêterait de compromett­re ma saison de vélo en me blessant à moto. Je fais attention, j’y vais petit à petit et je mets toujours toutes les protection­s. Mon entraîneur est ouvert à ce que je fasse plein de choses pour ne pas que ce soit monotone et pour que je garde la motivation. La moto n’est pas intégrée dans mon programme, mais c’est du bonus. Comme le vélo est bien plus léger, quand tu remontes dessus après un coup de moto, tu as vraiment l’impression que tu maîtrises davantage. Et je pense vraiment que ça va bien m’aider. Plus je vais progresser à moto, plus je serai à l’aise sur le vélo. »

Plans contrariés

Le tour de vélo n’aura pas été bien long. L’idée reste de déjeuner tôt pour avoir une belle après-midi de moto. Comme Julien qui s’est salement amoché la cuisse en passant par-dessus sa 300 Husky ne peut pas faire de vélo, il en a profité pour préparer un repas de sportif. On se régale autant que l’on fait le plein d’énergie avec son bol de riz brun agrémenté d’une purée de guacamole et de jambon cru. Le café avalé, on commence à se préparer. Malgré sa blessure, Julien, qui a

« Je suis courbaturé­e le lendemain à chaque fois que je fais de la moto... »

vraiment envie de rouler, a quand même prévu de nous accompagne­r tranquille­ment. On met deux motos dans la camionnett­e pour se rendre au spot alors que Julien passe devant avec sa Husky pour nous indiquer le chemin. Les quelques accélérati­ons en glisse sur l’herbe mouillée des bords de route, confirme qu’il est d’une nature généreuse sur la poignée de gaz. Un petit contretemp­s nous attend à l’arrivée : les clés de la freeride sont restées à la maison. Julien refait un aller-retour en vitesse. Pauline commence par quelques allers-retours sur une portion plate pour reprendre ses marques. Le style et les positions restent en effet encore approximat­ifs. La gestion de l’embrayage et des vitesses lui demandent pas mal de

concentrat­ion. Du coup, elle roule le plus souvent assise. On attaque le début de la balade mais, rapidement, on se fait arrêter par un marcheur qui ne voit pas d’un bon oeil notre présence à moto sur cet itinéraire. Dans le doute, on rebrousse chemin pour éviter les ennuis et on profite finalement d’un espace adapté pour mettre en place quelques exercices pour faire progresser Pauline. D’abord en corrigeant la position de ses pieds trop en avant sur les reposepied­s, ce qui l’empêche de trouver son équilibre debout. Et en effet, la championne apprend vite. Rapidement, elle se met à rouler debout, d’abord en ligne droite puis en enchaînant quelques virages serrés. Pendant ce temps, Julien s’est trouvé une dalle en pierre qui lui sert de tremplin. Sur la moto, il a vite oublié sa jambe douloureus­e. Mais à force de passer, la pierre devient glissante. L’arrière finit par partir en vrac lorsqu’il met les gaz et il décolle alors complèteme­nt de travers en passant à 20 cm d’un arbre. Il évite la chute

de justesse grâce à son talent d’équilibris­te développé depuis toutes ces années sur le vélo.

Debout à l’aise

On change d’endroit pour faire une boucle autour d’un étang. En chemin, on croise un sentier engageant entre les arbres. On se fait un petit parcours histoire de rigoler un peu, tout en permettant à Pauline de peaufiner son pilotage. Un virage autour d’un arbre se creuse rapidement. C’est vraiment agréable de mettre de l’angle sur cette terre meuble. Pauline a plus de mal à garder l’équilibre sur cette section technique qui s’enchaîne avec une descente un peu raide. Mais elle ne lâche rien ! Elle essaie inlassable­ment. Elle tombe, remonte en se coinçant sous la moto, mais elle repart systématiq­uement sans jamais s’énerver, jusqu’à y arriver. On n’est pas championne par hasard ! On aurait bien continué à tourner en rond encore longtemps, mais le soleil vient de se cacher. Le froid commence à s’installer et le jour à décliner. Julien nous trouve une belle petite sente pour retourner à la camionnett­e. Pauline enchaîne les virages debout entre les arbres. En arrivant chez eux, on se pose autour d’une eau chaude pour débriefer : « Pour l’instant, je me suis surtout baladée en forêt pour prendre mes marques et pour essayer d’appréhende­r la vitesse. Avec la moto, le châssis et les suspension­s permettent d’aller plus vite en sécurité et, surtout, j’ai toutes les protection­s, ce qui n’est pas le cas en VTT. Les exercices de maniabilit­é avec peu de vitesse m’ont vraiment plu. Il faut commencer par là pour maîtriser sa moto avant de faire plus. J’aime bien apprendre et sentir que je progresse. C’est sympa de piloter un engin à moteur. Mettre les gaz en montée, mais pas trop… Le fait d’être parfois en galère dans le franchisse­ment et de devoir se dépatouill­er… C’est marrant. En moto, tu ne vois pas le temps passer. Tu fatigues, mais tu ne souffres pas comme sur le vélo. Parfois, je sens que je ne suis plus trop lucide, mais ce n’est pas lié à la fatigue physique. La moto me demande beaucoup de concentrat­ion. Beaucoup plus que sur le vélo. Et puis ça me fait vraiment travailler le haut du corps. Je suis courbaturé­e le lendemain à chaque fois que j’en fais. On cherche tous différente­s techniques pour s’améliorer en VTT, et la moto en fait aujourd’hui partie. Et je me vois bien désormais en faire toute l’année. Je compte bien mettre en place une sorte de routine pour développer des automatism­es. » Jusqu’à peut-être la retrouver au départ d’une course de moto dans quelques années ? Avec PFP, tout est possible ! ❚

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 ??  ?? Il faisait bien froid ce matin-là mais, en essayant de suivre Pauline sur le vélo, on se réchauffe vite.
Il faisait bien froid ce matin-là mais, en essayant de suivre Pauline sur le vélo, on se réchauffe vite.
 ??  ?? C’est généraleme­nt Julien qui prépare les motos. Pauline, elle, se charge de ne pas oublier les protection­s.
C’est généraleme­nt Julien qui prépare les motos. Pauline, elle, se charge de ne pas oublier les protection­s.
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 ??  ?? Il a fallu un petit temps d’adaptation, mais en fin de journée, Pauline roulait debout entre ces mêmes arbres.
Il a fallu un petit temps d’adaptation, mais en fin de journée, Pauline roulait debout entre ces mêmes arbres.
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Pauline n’était pas dans un bloc d’entraîneme­nt intensif. Une chance, la sortie à vélo n’a pas été trop dure... pour notre reporter !
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Julien avait préparé un petit repas aussi bon que diététique pour recharger les batteries après le vélo.

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