Moto Verte

Événement

- par La Pouge

Après la GLC, Laurent Charbonnel a testé l’Extrême Peyratoise…

À deux mois du coup d’envoi de l’Extrême Peyratoise le 15 février, on a emmené Laurent Charbonnel faire une partie du parcours. Le double vainqueur de la Gilles Lalay Classic n’a rien perdu de sa technique et surtout s’est bien marré au contact des p’tits jeunes locaux. Séquence hard nostalgie…

«Elle va être dure. Ils auront mal aux bras… » Laurent Charbonnel n’est pas du genre à lancer des fleurs à tout va. Ni des grandes phrases pleines de mots inutiles. Alors quand il qualifie le parcours qu’il vient de s’envoyer de « dur », on peut le croire. Et ces quelques mots valent tout l’or du monde pour la petite bande du Moto-Club Peyratois qui s’est lancé le défi d’organiser un hard enduro sur les traces de feue la Gilles Lalay Classic. Non, c’est pas simple pour eux de passer derrière une épreuve qui a laissé une telle empreinte dans l’inconscien­t motard et l’histoire même du tout-terrain mondial. Pas facile de se lancer dans un tel projet, même vingt ans après la dernière GLC. Et quand bien même Catherine Lalay en personne, elle qui préside toujours le MC Peyratois, nous a dit : « On oublie la GLC, c’est un autre projet, celui des jeunes du club », comment ne pas repenser à ces neuf éditions d’une course qui a marqué le Limousin et le monde de l’enduro à tout jamais ? Comment ne pas faire le parallèle avec ces moments inoubliabl­es que le grand Gilles nous avait laissés en héritage ? C’est pour cette raison qu’on a proposé à Pierre Malavaud et Paul Pinto, les deux pilotes qui ont eu l’idée d’organiser une extrême au départ de Peyrat en 2020, d’emmener dans leur roue l’un des vainqueurs de la GLC sur une reco improvisée. Il n’y en avait pas trente-six des vainqueurs, mais seulement quatre : Sven-Erik Jönsson (92 et 93), Cyril Esquirol (94, 95, 98, 99), Laurent Charbonnel (96 et 97) et David Castera (2001). Le Suédois nous a paru un peu décalé (et surtout pas facilement joignable). P’tit Sec roule toujours, mais la plupart du temps pour un magazine concurrent. David Castera est quant à lui appelé à de hautes fonctions dakarienne­s qui l’accaparaie­nt un peu trop en cette fin d’année. Restait donc celui qu’on surnommait Roscoe, le Lozérien qui a terminé les neuf éditions de la GLC (mais aussi quatre Dakar et une bonne trentaine de Trèfle !). Il ne lui a pas fallu deux ans pour qu’il nous réponde oui, d’une façon qui ne laissait aucun doute sur son envie de revenir faire un tour dans ce Limousin qui lui a laissé tant de souvenirs. « Je ne fais plus beaucoup de moto, j’espère que ça va aller quand même », s’inquiétait-il à la fin de notre conversati­on. Tu parles, même à 50 balais passés, on s’imaginait bien que le Lozérien n’avait pas perdu grand-chose de sa technique. Quant au physique, reportez-vous aux photos. Toujours aussi costaude, la bête du Gévaudan !

Madonna 85

Et voilà comment, un beau samedi matin de mi-décembre, on s’est retrouvé du côté de Peyrat-le-Château avec Roscoe et Jordan Curvalle, le manager sportif de Sherco venu emmener des motos. Sherco s’est engagé comme l’un des partenaire­s de l’Extrême Peyratoise et Laurent n’avait pas de machine sous la main : affaire conclue. Bon, quand je dis : « un beau samedi matin… », je déconne. Décembre dans la Haute-Vienne, c’est rarement comme Bora Bora au mois de juillet. À part pour le taux d’humidité éventuelle­ment. Et encore, à Bora Bora, une fois sur la plage, t’as les pieds (et le reste) au sec. Pas à Peyrat. À peine sorti de la bagnole qu’on se fait fouetter par une sorte de crachin infâme et des bourrasque­s qui en veulent à mon gros (aveyron-)nez ! Pierre, Paul et leur pote Mathieu Poutaraud sont déjà en train de décharger leurs brêlons. Rapidement rejoints par François et « Couette », deux anciens traceurs de la GLC, toujours dans les mauvais coups. Tout comme Franck, Gilles, Antoine, Vincent, Jérémy, Arnaud, Gégène, Jean-Paul et Thierry qui doivent nous rejoindre plus tard. Une grosse partie de l’ancienne bande du MC Peyratois est toujours sur le pont. Et visiblemen­t pas que pour faire l’apéro. Les deux premiers vont m’emmener photograph­ier les scènes de crime.

Ça commence à s’agacer, à patiner, à pousser pour certains aussi!

Ou plutôt quelques-uns des centaines de franchisse­ments divers qui peuplent le tracé de la future Peyratoise. Vu la météo et ma connaissan­ce du terrain (j’avais déjà fait des recos à moto de la GLC en 97 pour le horssérie Enduro n° 1 de Moto Verte, ce qui ne nous rajeunit pas, bordel…), j’ai jugé plus prudent de la jouer reporter et non pilote. La suite confirmera la pertinence de mon choix. On décolle d’Auphelle, le hameau qui jouxte le lac de Vassivière, à 3 kilomètres de Peyrat. « C’est d’ici que s’élancera la course », m’explique Pierre Malavaud. « Le matin et l’après-midi. » Comme à la GLC, il y aura un enduro matinal. Mais différent : ici, ce seront deux boucles d’une heure avec deux spéciales chrono. « Le matin, ce sera de l’enduro assez facile », poursuit Pierre. « Les classement­s des deux spéciales donneront l’ordre des départs de l’après-midi pour les 200 pilotes, un par un toutes les 10 secondes. » Le parcours de l’après-midi est bien plus costaud. Environ 120 kilomètres à faire deux fois avant de s’achever au mythique Corbeau Mort (enfin, les survivants…). En ce samedi « estival » donc, la petite bande part pour reconnaîtr­e en partie la boucle de l’après-midi. Une fois les gars habillés pour affronter l’enfer du Limousin (certains en ciré jaune), toute la bande met les gaz vers les bois environnan­ts avant de s’enfoncer entre les arbres. Et des arbres, ici, il y en a autant que des bagnoles sur le périph’ un jour de grève de la RATP ! Une bonne partie de la Haute-Vienne n’est qu’une immense forêt de feuillus à l’état sauvage et de plantation­s de pins bien alignés. Notre premier spot ressemble à la jungle amazonienn­e placée sous climatisat­ion : 99 % d’humidité et 6° Celsius. Au milieu de cet entrelacs d’arbres droits ou couchés, emmêlés, voire en décomposit­ion, se trouve une espèce de bâtiment abandonné que traversera la course. Une sorte de blockhaus qui donne le ton : noir, c’est noir à l’intérieur. Une demi-heure plus tard, on les retrouve au pierrier du Puy Lenty. Une sorte de mini-bois de Crozat (désormais protégé) traversé par une trace ancienne. Les gars sont chauds et s’en envoient une partie plutôt facilement. Pas l’autre, qui est vierge comme Madonna avant 1985 et dont les rochers sont bien moussus. Là, ça commence à s’agacer, à patiner, à pousser pour certains aussi (mais je tairai les noms, hein, Mathieu !). Ah là, ça rigole moins. Et ce n’est que le début. Histoire de gagner un peu de temps, je laisse de côté le shooting du pont de la Brebis et la côte des Boeufs (bien pourris pourtant, aux dires des pilotes) pour me rendre à la côte à Ricard. Faut marcher un peu pour y accéder et pendant ce temps-là, nos compères arrivent. Déjà bien sales et mouillés comme il faut. Devant nous, une trace file entre les arbres dans une pente pas dégueu. « Monte plus haut », me lance Pierre. « Après le virage c’est mieux. » Oui, y’a un virage pas simple au milieu de la côte d’où je découvre une pente

Il y a un pif-paf compliqué qui renvoie sur une autre côte carrément méchante...

On rejoint les gars au pierrier de l’Âne. Mais au pierrier, point d’âne. Que du caillou!

bien plus dingue qui mène à de gros rochers. Certains se coincent déjà dans ce passage. Passage qui en fait se révèle être un pif-paf super compliqué qui renvoie sur une autre côte carrément méchante. Roscoe s’envoie tout ça comme au bon vieux temps et sans trop s’arrêter. Jordan Curvalle doit y mettre du sien pour franchir l’ensemble. Et les traceurs auront bien du mal à se hisser tout en haut. L’occasion de faire un mini-briefing entre eux et de prévoir peut-être une déviation, sinon la course pourrait bien s’arrêter là pour 80 % des pilotes engagés ! C’est dire le niveau, et surtout la complexité de la chose, par temps humide. Et le 15 février, l’humidité pourrait bien se transforme­r en verglas ou en neige épaisse…

Tupperware

Il est temps de passer par Peyrat faire une pause et un p’tit ravitaille­ment. On nous y offre café chaud et viennoiser­ies (Merci !). Ça permet de se mettre à l’abri sous la tour carrée du XVe siècle, l’un des sites touristiqu­es du village. Y’a déjà des marques sur les visages des traceurs et un grand sourire sous le casque de Roscoe Charbonnel. « Ça me rappelle de bons souvenirs tout ça ! », lance le Lozérien en dévorant un croissant. Allez, pas le moment de se refroidir. Retour au turbin les gars. Y’a encore la côte des Taupes à grimper, celle du Terrier aussi, plus une poignée de pierriers et de descentes couillues. En tout, la Peyratoise traverse six communes et plus de 300 parcelles privées : St-Julien-le-Petit, Bujaleuf, Beaumont-du-Lac, Nedde et StAmand-le-Petit, avant de revenir sur Peyrat. C’est ce que m’explique François, l’un des « anciens » de la bande de la GLC, toujours très impliqué dans l’organisati­on de cette nouvelle mouture. « Évidemment, tout pilote qu’on surprendra à faire des reconnaiss­ances à moto avant le 15 février sera exclu », me précise-t-il. C’était valable à l’époque de la GLC, pas de raisons que ce ne soit pas pareil de nos jours. D’autant que ce n’est pas simple de refaire en 2020 une course se déroulant en grande partie dans des sentiers oubliés. Une quinzaine de ponts a été aménagée sur les cours d’eau. Et les mythiques moulards, ces tourbières en formation qui faisaient la réputation de la GLC, sont désormais contournés. « Mais avec l’eau qui tombe, ça ne manquera pas de bourbiers quand même », rajoute Couette en rigolant. On rejoint les gars au pierrier de l’Âne. Mais au pierrier, point d’âne. Que du caillou. Bien moussu, glissant et en pente. Au loin déjà, on entend un moteur au rupteur. C’est bon signe, ah, ah. Dix minutes plus tard, alors qu’on trépigne un peu sous l’effet du froid et de la flotte qui essaie toujours de noyer mes Canon, Jordan Curvalle pointe en tête. Repeint des pieds à la tête. Il s’est scotché dans un bourbier infâme, « bien » guidé par un petit malin de la bande qui lui a indiqué une trace un peu trop directe. « Je m’y suis mis jusqu’à la selle. Et c’est Roscoe qui m’a sorti de là ! », lance un Jordan encore sous l’effet de la surprise. Un Roscoe qui lui a dit : « T’as de la chance, j’en ai pas tiré beaucoup des gars par ici… » J’en rigole encore quand débarquent les autres, espacés parfois de plusieurs minutes. Apparemmen­t, le secteur était chaud. Et puis, ça commence à tirer. Et cette météo qui n’arrange rien. Sauf pour Charbonnel, qui s’amuse dans ce pierrier en descente infernal, coupe à travers histoire de me faire une belle image et semble aussi étanche qu’un Tupperware. La flotte, connaît pas. Le froid, un truc de résidents en EHPAD. Et les cailloux gros comme des cocottes-minute et glissants comme une mauvaise vanne de Trump ? « Tu sais, avec ces motos et les pneus d’aujourd’hui, c’est super-facile ! » S’il le dit…

Au pied de la stèle

Plus tard, l’histoire s’achève au Corbeau Mort. Il est seize heures passées et mes guides ont ouvert les clôtures qui ferment ce spot mythique en haut comme en bas. Des bouffées de souvenirs m’assaillent, même si c’est de nuit qu’on venait photograph­ier les arrivées de la GLC. La longue montée était envahie de milliers de spectateur­s et l’ambiance était juste dingue. Aujourd’hui se dressent des centaines sapins de part et d’autre, alors que la troupe de bénévoles s’est réunie en haut, au pied de la stèle à la mémoire de Gilles Lalay et de sa course fétiche. Les pilotes arrivent au pied de la montée et se lancent l’un après l’autre, Roscoe en tête. Laurent taille dans la pente gaz en grand et, sans couper, franchit le dernier palier, sans s’arrêter ni poser un pied. Suivi comme son ombre par Jordan Curvalle et les trois traceurs. De jour, sur un terrain pas défoncé, la côte se révèle loin d’être infernale. Pas la même quand la nuit et la fatigue sont cumulées. Alors Roscoe, content ? « C’est génial, je l’avais jamais faite de jour, cette côte. Et puis surtout, maintenant, ça m’en fait dix des Corbeaux Morts… » En tant que seul pilote à avoir terminé les neuf GLC, le voilà affublé d’un nouveau record perso. Et surtout, tout chamboulé d’avoir retrempé dans l’histoire avec un grand H. Et vous, vous faites quoi le samedi 15 février 2020 ? ❚

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 ??  ?? Même en descente, certains pierriers naturels se méritent. Catherine Lalay préside toujours le MC Peyratois, organisate­ur de l’Extrême Peyratoise.
Même en descente, certains pierriers naturels se méritent. Catherine Lalay préside toujours le MC Peyratois, organisate­ur de l’Extrême Peyratoise.
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 ??  ?? Beaucoup de pierriers naturels dans les bois du Limousin. Va falloir choisir les bons pneus et se faire une condition physique de gladiateur.
Beaucoup de pierriers naturels dans les bois du Limousin. Va falloir choisir les bons pneus et se faire une condition physique de gladiateur.
 ??  ?? On a fait un ravitaille­ment près de la célèbre tour carrée de Peyrat-leChâteau. Fallait bien laisser refroidir les moteurs et les organismes…
On a fait un ravitaille­ment près de la célèbre tour carrée de Peyrat-leChâteau. Fallait bien laisser refroidir les moteurs et les organismes…
 ??  ?? La pause café-croissant était la bienvenue. Normal, des viennoiser­ies en Haute-Vienne !
La pause café-croissant était la bienvenue. Normal, des viennoiser­ies en Haute-Vienne !
 ??  ?? Le parcours traverse d’anciennes ruines après le départ d’Auphelle. Pour le reste, c’est du 100 % naturel à la Peyratoise.
Le parcours traverse d’anciennes ruines après le départ d’Auphelle. Pour le reste, c’est du 100 % naturel à la Peyratoise.
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 ??  ?? L’équipe du jour au pied de la stèle du Corbeau Mort : de g. à dr., Paul Pinto, Mathieu Poutaraud, Laurent Charbonnel, Pierre Malavaud et Jordan Curvalle.
L’équipe du jour au pied de la stèle du Corbeau Mort : de g. à dr., Paul Pinto, Mathieu Poutaraud, Laurent Charbonnel, Pierre Malavaud et Jordan Curvalle.
 ??  ?? La côte du Corbeau Mort où sera jugée l’arrivée, ne devrait pas voir beaucoup de pilotes, mais surtout du public.
La côte du Corbeau Mort où sera jugée l’arrivée, ne devrait pas voir beaucoup de pilotes, mais surtout du public.
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