Moto Verte

Honda NXR 750 1986

Le twin de tous les exploits

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Un autre ovni que cette NXR synonyme de prouesse technique de la part du HRC. En effet, comment imaginer que l’on puisse créer une machine « from scratch » et faire le doublé sur une épreuve comme le Dakar un an plus tard ?

Certes, il ne s’était alors pas agi de chercher la puissance absolue mais un rapport performanc­e/fiabilité pour battre les BMW bicylindre victorieus­es de 1983 à 1985 sur le Dakar. Au lendemain de l’édition 1985, le 23 janvier, un meeting entre trois ingénieurs du HRC et les pilotes, les technicien­s et le manager de Honda France donne le départ d’une course folle. Les rallymen veulent 180 km/h de vitesse de pointe pour enquiller dans le désert, de la fiabilité pour finir les trois semaines de course et de la praticité pour réparer en cas de chute. Une task force se monte au Japon, cinq personnes sont attachées au programme NXR (pour New XR).

Les motoristes étudient d’abord un flat-twin à embiellage vertical et bielles à plat, vite délaissé car trop typé BMW. Ils écartent ensuite le V-twin de la RS 750 de dirt à cause de problèmes de chauffe sur ce bloc refroidi par air. Ils conçoivent alors un bicylindre en V de 780 cm3 refroidi par eau avec la perspectiv­e de voir ces solutions appliquées sur des modèles de série, une sorte de laboratoir­e pour l’étude de moteurs basse friction.

Course contre la montre

En quelques semaines, les pièces sont dessinées, produites et assemblées pour aboutir à un bloc monté en mai et prêt à tourner au banc en juin.

Bien que basique en architectu­re, il fourmille de solutions techniques pour obtenir une fiabilité sans faille et accepter essence et huile de mauvaise qualité, tout en offrant une puissance suffisante. Ce V-twin à 52° à simple ACT et 4 soupapes qui peut cracher 120 ch est dégonflé pour être facile à piloter, moins consommer et ne pas martyriser les pneus : il cube 779 cm3 (83 mm x 72 mm), développe 75 ch à 7 000 tr/min et 8,25 mkg de couple à 5 500 tr/min. Boîte 5 rapports, démarrage au kick, carbus Keihin

Ø 36 mm, radiateurs indépendan­ts, ce schéma classique contraste avec le travail effectué par ailleurs : cylindres à revêtement spécial, pistons traités antifricti­on à calotte concave pour obtenir une chambre de combustion

« UN AUTRE SERVICE COURSE AURAIT-IL PU CONSTRUIRE DE A À Z UNE MOTO INVINCIBLE EN À PEINE 8 MOIS ? »

lenticulai­re acceptant les essences les plus pauvres, vilebrequi­n à 26 pastilles amovibles pour modifier le comporteme­nt moteur, bielles monobloc qui sont ensuite fracturées et tournent sur des aiguilles, plus des aciers et alliages spéciaux…

« Tout était spécial sur ce moteur ! » confesse Guy Coulon, un des technicien­s français attachés au projet NXR.

De leur côté, les ingénieurs châssis élaborent une partie-cycle convention­nelle qui doit surtout permettre d’emmener un maximum d’essence avec la meilleure ergonomie et répartitio­n des masses possible.

Avec deux réservoirs avant en acier de 16 litres chacun (montés sur charnière pour accéder facilement au moteur), plus un arrière dédoublé en plastique de 25 litres, l’emport des 57 litres de carburant autorise 450 km d’autonomie. La partie-cycle n’est pas dingue mais efficace avec pas mal d’astuces pour intervenir dessus : solide cadre double berceau en acier, bras oscillant alu, fourche Showa classique qui débat sur 280 mm comme le Pro-Link, disque avant

Ø 270 mm (mais tambour arrière faute d’avoir pu tester longuement un disque), ou encore roue avant de 21 pouces avec option en 19’ dès 1988. Avec 1 590 mm d’empattemen­t et un angle de chasse réglable à Ă ou - 0,5°, la NXR est un subtil cocktail entre agilité et stabilité malgré ses 235 kg tous pleins faits (essence, huile, eau et outils) soit environ 180 kg à vide.

Un doublé d’entrée !

Guy Coulon et Jean-Louis Guillou, le manager du team, découvrent la moto au Japon début août, soit sept mois après le débriefing sénégalais ! Les deux hommes font corriger certains détails avant de retrouver le staff nippon et celui de Michelin miseptembr­e pour une semaine de tests au Niger. Sept jours déterminan­ts avant un retour des NXR au HRC pour des réajusteme­nts : refroidiss­ement, amortisseu­r, bras oscillant, angle de colonne sont revus à la demande des pilotes. En octobre, des essais dans les Landes permettent de figer la partie-cycle. De retour au Japon, les motos sont démontées pour subir de nouveaux tests de résistance pour certaines pièces comme les carters qui passent du magnésium à l’alu ou l’embiellage encore retravaill­é. Chaque jour est une occasion pour les hommes du HRC de peaufiner cette NXR qui attaque le Dakar 1986 sans avoir jamais accompli le moindre mètre en course. Le reste appartient à l’histoire : quatre victoires en quatre participat­ions dont deux doublés.

Trop fort.

 ??  ?? Une arme étudiée uniquement pour le rallye-raid que cette NXR qui associe solutions classiques pour sa partie-cycle à un moteur conçu pour résister à toutes les épreuves.
Une arme étudiée uniquement pour le rallye-raid que cette NXR qui associe solutions classiques pour sa partie-cycle à un moteur conçu pour résister à toutes les épreuves.
 ??  ?? La NXR est parée en autonomie avec 57 litres. Le carénage est solidaire du cadre supportant l’instrument­ation pour ne pas alourdir le train avant, quant au double silencieux il deviendra un 2 en 1 dès 1987.
La NXR est parée en autonomie avec 57 litres. Le carénage est solidaire du cadre supportant l’instrument­ation pour ne pas alourdir le train avant, quant au double silencieux il deviendra un 2 en 1 dès 1987.
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 ??  ?? À la fois étude pour les basses frictions et laboratoir­e ambulant pour des solutions techniques non dévoilées, le bloc NXR combinait une puissance de 75 ch à une fiabilité hors pair.
À la fois étude pour les basses frictions et laboratoir­e ambulant pour des solutions techniques non dévoilées, le bloc NXR combinait une puissance de 75 ch à une fiabilité hors pair.

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