Bras de fer avec JCO
Christian Rayer et Jean-Claude Olivier entretenaient une relation « entre complicité et rigueur », parfois en désaccord sur la stratégie à employer pour gérer les courses. Agacé par des remarques de JCO, Christian lui lance : « Venezvous rendre compte par vous-même de ce qu’est l’enduro en course ! » JCO, piqué au vif, relève le challenge. Récit : « C’était une manche très difficile, en montagne : chance pour moi dans des conditions épouvantables, neige, froid sibérien, etc. Et je remporte, ce jour-là, brillamment la victoire ! Lui-même en a bien bavé… Il a dû finir très loin au classement débutants et du coup, il commence certainement à mieux mesurer le problème, au point que le soir, à l’hôtel, après la remise des prix, dans l’enthousiasme de la victoire de Yamaha, il me demanda, discrètement, la faveur que nous refassions ensemble, le lendemain (seuls, tous les deux), un tour complet du circuit de 50 kilomètres dans la montagne. Il voulait comprendre comment je pouvais rouler aussi vite dans les chemins, dans des conditions pareilles. Je buvais du petit-lait bien sûr. Le lendemain, nous roulons ensemble depuis un bon moment dans la première épreuve spéciale, ce n’est qu’une vaste ornière de boue : hyper glissante cette spéciale ! Un chemin de montagne qui grimpe en espaliers, sur des kilomètres avec virages à angle droit, le tout dans la neige à plus de mille mètres d’altitude. Je le sens très excité à sa façon de piloter, il s’accroche pour me suivre et faire bonne figure, peut-être un peu aussi pour me prouver qu’il est capable d’assurer, qu’il sait rouler et qu’il connaît la musique. Nos machines (NDR : une 360 MX de cross pour Christian), par exemple, elles sont très différentes (nous n’étions pas toujours d’accord sur le choix du matériel) donc je décide que c’est le moment, un peu comme un coureur du Tour de France dans le Tourmalet qui décide d’accélérer alors que tout le monde est déjà sur les rotules ; je mets donc le booster, et c’est dans un enchaînement de virages en dérapages et accélérations sur la roue arrière, que je le laisse sur-place pendant une bonne dizaine de kilomètres sans souffler. J’arrive au sommet de la montagne et décide de m’arrêter là pour attendre mon illustre compagnon et recueillir à chaud ses impressions. Je me doutais bien qu’il était maintenant loin derrière. Effectivement, en regardant le chemin vers la vallée, je peux l’apercevoir, tout petit, et l’entendre arriver très au loin se battant avec sa machine comme un beau diable dans les nombreux lacets et les ornières de ce chemin qui n’en finit plus. À son arrivée, bien en sueur, après avoir difficilement repris son souffle, il retire son casque et il y a un silence entre nous qui dure quelques secondes. Il regarde ma machine et me dit avec un sourire entendu : “D’accord, d’accord, j’ai compris la leçon !… OK, c’est toi qui avais raison ! Il est vrai qu’il faut d’abord un moteur puissant. Désormais pour la préparation du matériel, je te demanderai conseil, nous prendrons les bonnes décisions ensemble.” » Et Christian Rayer d’ajouter : « À partir de ce moment, notre relationnel a complètement changé, nous sommes devenus vraiment des amis. »