INTERVIEW
Dylan Ferrandis raconte sa première saison 450…
La septième place finale, un podium à Houston, une fin de championnat solide, Dylan Ferrandis en a terminé avec sa saison de rookie en Supercross. Alors qu’il se prépare activement pour l’ouverture de l’outdoor, l’officiel Yamaha Star Racing Monster analyse ses six premiers mois chez les gros bras.
► La septième place du classement final, un podium, huit top dix, quatre top cinq, c’est le bilan de ta première saison 450 SX, heureux?
« Quand tu termines septième et que tu es un compétiteur, c’est difficile de répondre oui à cette question. Mais d’un autre côté, quand tu découvres une nouvelle catégorie, une nouvelle cylindrée, que tu es dans l’apprentissage de pas mal de choses, que ta préparation a été perturbée par une blessure juste avant le début du championnat, c’est délicat aussi de dire non. Il y a eu du bon, du moins bon, mais j’ai engrangé beaucoup d’expérience. »
► Tu t’attendais à peu près à cela ou tu espérais mieux?
« Au fond de moi, forcément, j’espérais faire mieux. Toute la saison, une chose est sûre, j’ai tout donné. Je ne me suis jamais économisé. Comme j’ai loupé un mois entre fin novembre et fin décembre avec ma blessure, j’ai perdu beaucoup de temps pour développer mon YZ-F. Du coup, les courses ont servi de test grandeur nature. Et forcément, parfois, ça n’a pas très bien fonctionné. Mentalement, ça n’était pas toujours évident. J’ai repoussé mes limites, j’ai commis quelques erreurs. Au final, je n’ai pas de regrets, mais j’avoue que j’aurais bien aimé réussir plus de podiums. »
► As-tu été surpris par certains trucs que tu n’imaginais pas, des choses plus compliquées que prévu, d’autres plus simples?
« Pas vraiment. Je savais à peu près à quoi m’attendre. Le truc qui change vraiment quand tu arrives du championnat 250, c’est l’exigence des pistes. C’est le plus gros changement. Quand la terre est meuble, les derniers tours des finales, c’est vraiment l’enfer. Quand on regarde les courses à la TV, on ne s’en rend pas compte. Mais tout le monde souffre physiquement, il y a des ornières partout, il faut rester hyper vigilant pour ne pas se faire surprendre. Celui qui gagne est souvent celui qui a aussi trouvé le meilleur compromis avec sa moto. » ► Mentalement, passer de deux ans où tu domines ton sujet à une année d’apprentissage, c’est dur? « Quand tu donnes tout, ce n’est jamais facile de terminer sixième ou septième, c’est évident. Le championnat 450 SX, c’est le top niveau. On connaît l’homogénéité du plateau. Je savais que ça serait dur, bien sûr. Je l’avais intégré. Malgré tout, c’est très frustrant.
J’ai payé mon manque de testing, mais il fallait en passer par là. »
► En Mondial, la transition MX2/MXGP est souvent bien assimilée. Febvre, Gajser, Herlings, Prado l’ont prouvé ces dernières années. Le gap 250/450 SX, il est plus important selon toi?
« Sans aucun doute, aux US, le championnat 250 est séparé en deux côtes, tous les meilleurs ne se retrouvent qu’une fois lors du showdown. Il n’y a que neuf finales contre 17, elles sont moins longues. Le gap est énorme. En GP, tu as déjà le même nombre d’épreuves, les pistes évoluent moins entre les manches. Ceux qui dominent vraiment en MX2 sont bons en MXGP, les noms cités dans la question l’attestent. Aux US, tous les pilotes qui roulent devant ont aussi été champions 250. C’est le cas des neuf premiers du classement final de cette année. Mais la transition n’est évidente pour personne. » ► Lors des six dernières saisons, c’est seulement la troisième fois que le
rookie termine dans le top dix. Musquin l’avait fait en 2016 (7e) et Savatgy (8e) en 2018. Webb, Cianciarulo, et Plessinger ont tous fait moins bien. Ça prouve que le challenge est important!
« Évidemment, je le répète, c’est un autre monde. Il y a une foule de nouveaux paramètres à prendre en compte. Quand tu arrives, tu as parfois l’envie de trop bien faire et ça conduit à des erreurs. C’est là que la frustration arrive. Alors oui, terminer rookie of the year, c’est sympa, mais ce n’est pas une fin en soi. Ça m’énerve par exemple de savoir que Sexton a réussi plus de podiums que moi. Même s’il a débuté l’année avec un peu plus d’expérience en 450 après l’outdoor 2020. »
► Comme toi, Marvin a débuté par une septième place avant de monter sur le podium final un an plus tard. Ce sera l’objectif de 2022 ?
« On a tous le même objectif, être le meilleur, jouer devant, se battre pour les podiums, gagner des titres ! En 2022, ça sera bien évidemment le but, progresser, être le plus souvent possible dans le top trois. Je vais devoir bosser intelligemment l’hiver prochain, tenir compte de ce que j’ai appris, régler ma moto du mieux possible. C’est l’évolution logique. »
► Quelles sont les choses les plus importantes que tu as apprises depuis janvier dernier?
« Rien de vraiment nouveau. Le plus important pour moi, c’est la capacité de se remettre en question, de savoir s’adapter aux nouvelles situations tout en prenant en compte ses erreurs. Il faut rester positif et avancer. Le SX 450 est une discipline très exigeante, mais je donne tout pour m’imposer. »
► En 450 comme en 250, tu restes l’un des pilotes les plus rapides dans les whoops. C’est un truc que tu aimes particulièrement, que tu bosses depuis longtemps?
« Je ne suis pas vraiment d’accord. En fait, j’étais rapide, mais pas franchement à l’aise comme je l’étais ces dernières années. Il y a une très grosse différence. En 250, tu entres dans les whoops à fond et ça le fait quand tu as la bonne technique. Avec la 450, ça ne se passe pas du tout comme ça. Il faut apprendre à gérer l’ouverture des gaz, ça n’a rien à voir. Cette année, c’est sûrement ce qui m’a posé le plus de problèmes. Intégrer la puissance et réussir à la faire passer au sol. Ça demande de l’entraînement, beaucoup d’expérience, quelques mois ne suffisent pas pour trouver tous ces nouveaux repères. Ça fait partie des axes à travailler. »
► Malgré ta blessure quelques semaines avant Houston, tu as su te montrer compétitif immédiatement. Tu es toujours revenu très vite après tes pépins physiques, tu as un secret?
« Je sais pas trop, l’expérience peut-être,
« LES DERNIERS TOURS D’UNE FINALE 450 SX, C’EST VRAIMENT L’ENFER. »
je commence à bien me connaître. Je roule depuis que je suis tout jeune, les automatismes reviennent relativement vite même après une période d’arrêt. Mais bon, mon pépin de novembre dernier m’a quand même bien handicapé. Rester un mois plein sans rouler à quelques semaines de la première course, ce n’est quand même pas l’idéal ! »
► Tu t’infliges une hygiène draconienne. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton mode de vie, tes habitudes alimentaires, ta récupération ?
« On doit en passer par là pour se mettre dans les meilleures conditions. Ça fait partie de ma routine. Se coucher tôt, soigner son alimentation et trouver celle qui te convient. Tous les petits détails comptent. Cette année, j’étais un peu moins strict avec moi-même car en 450, tu peux te permettre quelques kilos supplémentaires. Mais il ne faut pas rêver, pour faire partie des meilleurs, ça passe par de gros sacrifices. Je suis aux US pour cela et je suis toujours dans cet état d’esprit, ne rien lâcher ! »
► C’était quoi le plus dur cette année: le physique, l’enchaînement des courses, le rythme et la longueur des finales, l’adversité?
« Je dirais la charge mentale procurée par les trois courses en une semaine. Avec ce nouveau format, nous étions bloqués dix jours au même endroit. C’était long, on ne pouvait pas rouler entre les épreuves. Physiquement, la course du mardi n’était pas évidente. Et puis franchement, on s’ennuyait un peu pendant la semaine. Mais c’était aussi une nouvelle expérience. »
► Tu as pris du plaisir lors de cette première année 450?
« Franchement, pas vraiment, soyons honnêtes. Après mes deux dernières saisons 250 lors desquelles j’ai toujours roulé pour gagner, ça n’était plus la même. Ce qui me fait vibrer, me donne du plaisir, c’est la victoire, les podiums, rien d’autre. Je parlais de sacrifices dans une question précédente. Quand ils sont toujours là mais que la victoire, elle, ne l’est plus, c’est parfois un peu dur. C’est là que le mental entre en jeu. »
► Un mot sur les courses d’Atlanta et la piste XXL. C’est intéressant d’en avoir quelques-unes comme ça sur le championnat?
« Deux, ça me semble bien, un Daytona et un Atlanta par exemple, mais pas plus ! Franchement, je n’ai pas trouvé ça très intelligent de nous coller trois
épreuves comme Atlanta en une semaine. C’était la course la plus physique avec les portions rapides, les vagues, le sable. En fait, ça ressemblait un peu à un outdoor sauf que nous roulions avec des motos de SX et des suspensions béton. C’est aussi pour cela que l’on a vu pas mal de chutes là-bas. Sur la dernière course, nous étions tous bien entamés physiquement et ils ont mis une série de whoops monstrueuse. C’était moyen ! »
► Tu es chez Star Racing depuis cinq saisons maintenant. Le team s’est lancé en 450 cette année et place ses trois pilotes aux 5e, 6e et 7e places. Vous êtes sur la bonne voie ?
« Oui, nous sommes tous les trois bien placés au championnat. Chacun est monté sur le podium, il y a aussi eu des victoires en heat, personne ne s’est blessé. Bien sûr, nous aurions aimé faire encore mieux, plus de top trois par exemple, mais ça reste positif. Il faut vraiment rappeler que le team 450, c’est tout nouveau pour Star Racing. Nous avons tous beaucoup appris en 2021 et le boulot portera ses fruits l’an prochain. »
► Le dernier titre de la 450 YZ-F remonte à 2009 avec Stewart alors que la 250 enchaînent les titres en SX comme en MX. Mettre une 450 au point, c’est plus dur?
« Avec la 450, la puissance et l’inertie influent beaucoup plus sur le comportement des suspensions. Le team Star Racing a mis des années pour faire évoluer la 250 et lui permettre d’être désormais la machine de référence dans la catégorie. Ce n’est pas arrivé du jour au lendemain. Le team a le soutien de Yamaha, mais le développement se fait dans notre workshop. C’est aujourd’hui la même chose pour le programme 450. Nous ne sommes pas partis d’une feuille blanche, Yamaha USA a donné des infos sur les datas de l’année dernière, mais ça reste un tout nouveau projet. Ce qui est bien, c’est qu’aujourd’hui tous les techniciens qui ont bossé sur la 250 sont affectés à la structure 450. Au début, on a essayé de faire un peu du copier/ coller 250/450 en termes de réglages, mais ça n’a pas fonctionné. Nous avons réagi par la suite mais en testant pendant les courses. Depuis Daytona, nous avons passé un cap et nous avions une très bonne moto pour la fin du championnat. »
► Comment s’est passée l’entente avec tes teammates. Être trois riders du même niveau, ça pousse encore plus, vous échangiez un peu ou c’est chacun pour soi?
« L’ambiance est excellente. Je me suis juste un peu pris la tête avec Malcolm Stewart qui m’a sorti sans raison lors d’une série à Orlando. Et puis tout est rentré dans l’ordre. Au niveau du développement, nous n’échangeons pas vraiment, tout simplement car nous avons tous des pilotages différents, des gabarits différents. Mookie est plus lourd qu’Aaron et moi, AP n’a pas trop de feeling pour le testing. Du coup, chacun bosse pour trouver le compromis qui lui convient. Et quand il faut partager des choses, on le fait en toute transparence. »
► Le boss du team a récemment racheté le complexe de Carmichael en Floride. L’équipe possède désormais une base sur place. Tu as aussi investi dans une maison en Floride. Comment comptes-tu t’organiser dans les prochains mois?
« C’est un vrai plus de pouvoir avoir deux bases pour travailler. Après la finale SX de Salt Lake City, nous sommes rentrés en Californie pour préparer le début de l’outdoor qui a lieu à Pala. Quand le championnat MX basculera à l’Est, nous retournerons nous installer en Floride. C’est mieux pour s’acclimater au climat humide, aux trois heures de décalage horaire. Dans l’idée, nous devrions aussi passer l’hiver là-bas pour préparer la saison SX 2022. Les installations dont nous disposons sont exceptionnelles, le rêve de n’importe quel pilote ! »
► Tu es champion 250 outdoor en titre, l’an passé, Cianciarulo et Sexton étaient dans le coup d’entrée pour jouer les podiums. Ça sera l’objectif? Tu as déjà roulé un peu en cross avec la 450?
« J’arrive sur le championnat MX avec plus de confiance qu’en SX, c’est normal. Oui, j’ai déjà un peu roulé en cross avec la 450 pendant le break et je me sens bien. Sur l’outdoor, il y a deux manches, les courses sont plus longues, le physique est important, ça donne plus d’opportunités. J’y vais avec l’objectif de jouer les podiums tous les week-ends, de me battre pour gagner. Encore une fois, ça va être dur, tout le monde sera là, mais je serai prêt. »
► Tu places le motocross au même niveau que le supercross?
« Oui, je ne fais pas de différence entre les deux championnats, l’outdoor est très important aussi, pour moi comme pour le team. Je ne privilégie pas l’un ou l’autre et je me prépare avec la même conviction. Après dix-sept SX, c’est cool de passer à autre chose. »
► Avec la pandémie, tu n’es pas rentré en France depuis novembre 2019. Ce n’est pas trop dur?
« Si, forcément, ce n’est pas évident. Avec le décalage horaire, c’est même dur de rester en contact régulier avec ses proches. Mais c’est comme ça.
Cette situation de pandémie est arrivée du jour au lendemain, il faut gérer. Maintenant, de mon côté, je savais en venant m’installer ici aux USA que tout ne serait pas rose. C’est mon choix, je l’assume, je suis ici pour gagner des courses, des titres, je ne vis que pour cela et je reste focus là-dessus ! »
« JE NE FAIS PAS DE DIFFÉRENCE ENTRE LE SX ET L’OUTDOOR, LA MOTIVATION EST LA MÊME. »