Moto Verte

Les belles enduros de Pascal Le Floc’h…

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En 1980, à 16 ans, Pascal Le Floc’h achète une Aprilia 80 RC… À deux mois près, il aurait pu rouler en 125, avant la réforme du permis, passant à côté de motos d’enduro qui le faisaient rêver. Il rattrape désormais le temps perdu, au-delà même des références de l’époque.

À16 ans, Pascal le Floc’h était vendeur dans le textile. Quatre ans plus tard, porté par l’esprit d’entreprise et avec de l’enthousias­me à revendre, il créait sa propre affaire et prospérait dans le commerce des vêtements. De ses jeunes années, il se souvient comme si c’était hier.

« Le fait d’avoir été contraint d’acheter un 80 quand nombre de mes copains de la même génération roulaient en 125 a été un drame pour moi car à l’époque, le choix de motos dans cette cylindrée était impression­nant… J’y pense souvent, mais si j’avais eu une 125, que j’en avais pleinement profité, je ne ressentira­is peut-être pas aujourd’hui le besoin de combler ce manque et de remonter le temps en préservant les motos des années

1980 et 1981 sur lesquelles je lorgnais. Pire, je serais peut-être sevré de toutterrai­n… » Pascal n’a pas remis la main sur son Aprilia 80 RC. Mais il ne désespère pas de la récupérer.

« Je sais où elle est, abandonnée dans une grange, en pièces détachées, chez le propriétai­re qui me l’a achetée en 1983. À la vue des innombrabl­es demandes que j’ai faites directemen­t et indirectem­ent, il doit penser être en possession d’une oeuvre d’art et fait monter les enchères. Je lui ai même proposé de m’échanger ce qui est devenu un tas de ferraille à l’abandon contre une Aprilia RC 80 refaite à neuf mais il ne veut pas. C’est têtu un Breton ! » (rires) Après son Aprilia, Pascal a enchaîné les motos : Honda 500 XLS et 250 CR, GasGas 250 EC, puis, dès 1997, toute une série de Yamaha 250 et 450 WR-Z et WR-F. Il roule actuelleme­nt en KTM 250 EXC TPI avec l’espoir qu’une Fantic vienne la rejoindre dans le garage « la marque mythique avec la fiabilité et la partiecycl­e Yamaha », précise Pascal qui a démarré la compétitio­n tardivemen­t, à 24 ans, sur quelques courses de cross avant d’aborder l’enduro deux ans plus tard. Un souvenir mémorable :

« Je roulais sur une Kawasaki 250 KDX deux-temps, sans aucune préparatio­n technique et physique. Je devais faire deux tours en 5 h 30. Le premier CH était à une heure du départ. J’ai mis quatre heures pour y arriver tellement le tracé était difficile, et en plus, il pleuvait ! Du coup, je me suis rendu plusieurs fois en Ardèche chez Albert Adesso pour apprendre le franchisse­ment et depuis 1995, je me prépare physiqueme­nt (vélo de route, VTT deux fois par semaine) pour ne pas subir le terrain et pleinement profiter de mes motos. »

Depuis 2005, année où il a couru le Dakar (il a dû abandonner après neuf jours de course, moteur cassé), un rallye qui le faisait rêver, il n’a jamais manqué une seule édition du Trèfle Lozérien, « une course exceptionn­elle pour la variété des trois circuits et une organisati­on au top »

et participe au championna­t de Bretagne, aux classiques, au Casteu Trophy au Maroc et à certains rounds du championna­t de France d’enduro à l’ancienne. Et il sera au départ du Trophée ISDE Vintage à l’Île d’Elbe fin octobre 2021. Une épreuve dans laquelle il s’est illustré en 2019 au Portugal, montant sur la troisième marche du podium de la catégorie Vétéran Trophy (trois pilotes âgés de plus de 50 ans, roulant dans deux catégories distinctes) aux côtés d’Éric Jacob et Bernard Deffradas, derrière le team allemand (Jens BossdorfJo­hannes Steinel-Uwe Weber) et italien (Giovanni Sala-Mario Rinaldi-Stefano Passeri). Il raconte :

« À l’époque, nous n’avions pas la moindre ambition de faire un résultat. Beaucoup de fédération­s nationales où l’enduro fonctionne bien

« PASCAL LE FLOC’H NE SE PREND PAS AU SÉRIEUX MAIS FAIT LES CHOSES AVEC SÉRIEUX… »

avaient intégré dans les équipes officielle­s des top pilotes pour participer aux ISDE Vintage. Claude Auriac, responsabl­e des pilotes sur le championna­t de France, a été avisé en abordant la question de façon différente. Pour gagner ou être bien classé, il fallait sélectionn­er de bons pilotes avec des motos fiables et quasi certaines d’être à l’arrivée. Un autre élément nous a permis de ramener des médailles de bronze : la pluie ! Elle a arrosé le sud du Portugal et mis à mal les machines des nations pronostiqu­ées sur le podium. J’ai roulé avec ma SWM 250 TF3 en m’assurant de pointer à l’heure et de ne pas tomber. Sous une pluie glaciale, les seuls Français sur le podium des ISDE 2019 étaient ceux du Vintage. Il y a une fierté qui monte en toi quand tu es sur le podium, que tu as été choisi pour représente­r les couleurs de ton pays, que le drapeau de ta nation est hissé. À Brioude, aux ISDT Vintage 2020, un officiel de la FIM m’a demandé de porter le maillot France pour représente­r notre pays. J’ai pris cette récompense comme elle est venue, ravi d’avoir avec les personnes présentes encore des liens. Je ne sais pas si l’on peut être plus passionné que moi ! » (rires)

Chercher, rénover, rouler…

Depuis quelques années, Pascal s’est mis en quête de motos qui l’empêchaien­t de trouver le sommeil. Il détient toute la gamme Aprilia enduro, des SWM de la 175 à la 440, millésimes 1978, 1979, 1980, 1981, quelques Puch de cross et d’enduro… Vous l’aurez compris, c’est vers les transalpin­es que son coeur balance.

« J’aimerais avoir toutes les enduros italiennes de 250 à 500 des années 1979 à 1983, mais je ne me fâche pas lorsque l’on me propose une belle Suédoise ou une rare Allemande de l’Est comme une MZ 250. » Pour enrichir sa collection (il recherche une SWM 347 TF1, Puch 347 F3, SWM 440 TF3), Pascal ne reste pas les deux pieds dans le même sabot. « Je consulte quatre ou cinq fois par jour le site Squadra Regolarita Club de France, à mon avis le meilleur pour dénicher des Italiennes, où je peux échanger anecdotes et infos avec mes potes. Je reçois des SMS de copains qui me proposent des pièces, parfois des motos, sachant que je ne suis pas un spéculateu­r, que je les restaure pour les faire rouler plus que pour les exposer dans un musée. J’ai rentré il y a peu une SWM 440 TF1 neuve, elle dormait chez un passionné depuis 2000. Un ami m’a permis de la récupérer, avec le désir qu’elle soit transmise à un passionné. » Parmi sa vingtaine de motos, Pascal possède une Fantic 125 RC de 1981 ayant appartenu

« PASCAL A UN FAIBLE POUR LES ITALIENNES. IL LUI EST DIFFICILE DE RÉSISTER À LA TENTATION. »

à Gualtiero Brissoni, l’une des légendes italiennes de l’enduro. « Je l’avais découverte sur une annonce via Subito, je contacte le vendeur et avec l’aide de sa fille qui baragouina­it le français autant que moi l’italien, je parviens à comprendre qu’il habitait Venise, qu’il fallait que je prenne les deux Fantic à vendre, dont une de 1979, et que je devais venir tout de suite car quelqu’un était sur le coup et passerait certaineme­nt le lendemain après-midi. J’ai pris le gars au mot, je suis parti sur le champ de Bretagne pour

1 500 kilomètres de route, pied au plancher vers Venise. Et là, j’ai découvert les motos dans un petit bouclard dédié à l’enduro. C’était en 2005, le prix des Fantic était très raisonnabl­e, je n’ai pas négocié, j’ai embarqué les deux motos et j’ai revendu l’an passé le millésime 1979 que j’avais restauré entre-temps. Le vendeur m’affirmait que le modèle de 1981 était une ex-Brissoni, mais je me méfiais de ce beau parleur et en Italie, toutes les motos sont soi-disant des ex de champions. (rires) Grâce à Alessandro Pennati, j’ai pu valider le fait que c’était bien une moto d’usine, ce qui m’a été confirmé par Gualtiero Brissoni lui-même qui a reconnu son réservoir cross et d’autres détails spécifique­s. Le moteur, couplé à un allumage cross était hyper puissant, avec tous les chevaux en haut, rien en bas, inconduisi­ble pour moi.

Je l’ai démonté et remplacé par un bloc de FM 260 pour l’utiliser plus paisibleme­nt et j’ai conservé le moteur d’usine comme souvenir sur mon établi. » Dans le même esprit, Pascal achète à un ami une SWM RS 175 GS de 1980 avant de découvrir, via quelques indices, qu’elle appartenai­t à Francis Guérand, officiel de la marque qui l’avait faite courir aux ISDT 1980 à Brioude. Quarante ans plus tard, Pascal prête cette même moto à Francis pour refaire les ISDT Vintage à Brioude. La boucle est bouclée et l’histoire est belle. Dernière piste en date, à huit kilomètres de chez lui, une KTM 175 GS de 1977 qui, après être passée par l’Allemagne, pourrait avoir appartenu à Joël Queirel. « Ce n’est pas certain à 100 %, mais j’enquête », avoue-t-il avec le sourire.

À l’écoute de sa moto

Si Pascal n’a pas été emballé par la vivacité du moteur de la Fantic

125 de Brissoni, trop exclusif, il a en revanche fait une belle découverte au guidon de sa SWM

250 TF3, comme il s’en explique :

« Après pas mal de réglages, elle s’est révélée. Hormis les freins, quand je roule avec cette moto, j’ai l’impression d’être sur ma KTM 2020 tellement le moteur est agréable et les suspension­s au top. Actuelleme­nt, je prépare pour la course une Puch 250 F3 à bloc Rotax là aussi, une agréable surprise au niveau de la partie-cycle. » Cette comparaiso­n entre ancienne et moderne est l’opportunit­é d’interroger Pascal sur ce qui différenci­e les deux univers :

« Sur une moto moderne, tu ne te poses pas de questions au niveau de la fiabilité, du freinage, de la capacité de franchisse­ment. Tu te concentres plus sur ta condition physique afin de finir les courses et d’être le plus frais possible pour jeter toutes tes forces dans la spéciale, juge de paix entre les compétiteu­rs. En ancienne, tu écoutes la moto, tu roules moins vite, tu dois être précis, tu fais de la mécanique au bord du chemin, tu passes des heures à l’atelier pour anticiper les problèmes et la spéciale est

alors une récompense et un juge. » Côté restaurati­on, Pascal est ouvert à toute propositio­n, que la moto soit dans son jus ou rénovée, à condition que le prix soit celui du marché, celui de la passion. À l’atelier, il est capable d’entreprend­re une remise en état complète. « Je prends tout en photo au moment du démontage » pour remettre la moto conforme à ce qu’elle était à l’origine, s’appuyant sur quelques artisans de renom et entreprise­s spécialisé­es pour avancer plus vite (Gérard Delon, Laurent Lecuyer, JeanYves le Melun, René Pennec, la société Abratech pour le traitement des métaux et la peinture, Vintage Art Plastics, ID Vintage, le Registro Storico SWM en Italie…). « Ce que j’aime, c’est découvrir la moto, la désosser et me lancer à la recherche de pièces avant d’avoir la satisfacti­on de la remonter. J’aime moins le moment où je peux l’entreposer avec les autres car je vais la délaisser, heureuseme­nt à ce moment, je suis porté par un nouveau projet. Il m’arrive de quitter mon bureau et de m’isoler dans mon atelier pour travailler sur une moto, cela me permet de réfléchir et de revenir au boulot avec la bonne décision. Je ne restaure qu’une moto à la fois. Si elle n’est pas finie, je ne regarde pas les annonces, enfin, en théorie (rires). Une rénovation, c’est une année de travail. Je ne suis pas d’un naturel très patient, mais là, tu es obligé car tu peux attendre plusieurs mois avant de dénicher des pièces manquantes. » Habité par sa passion de l’enduro à l’ancienne, Pascal Le Floc’h entend s’orienter vers des motos plus rares « mais pas plus vieilles, je ne m’imagine pas piloter des motos d’avant 1978 car elles ne m’ont pas fait rêver ». Autre piste qu’il pourrait explorer, les motos du Dakar, pour de nouvelles aventures et sensations !

« PARFOIS, PASCAL QUITTE LE BUREAU POUR BOSSER SUR SES MOTOS ET TROUVER L’INSPIRATIO­N. »

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 ??  ?? Pascal Le Floc’h se donne le temps de restaurer ses motos. Ici une SWM 250 TF1 de 1979.
Pascal Le Floc’h se donne le temps de restaurer ses motos. Ici une SWM 250 TF1 de 1979.
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 ??  ?? SWM 250 TF3 1980. Au guidon de la Fantic 125 Brissoni 1981 aux ISDE Vintage en Espagne en 2017.
SWM 250 TF3 1980. Au guidon de la Fantic 125 Brissoni 1981 aux ISDE Vintage en Espagne en 2017.
 ??  ?? Duo d’Aprilia (dont l’intérêt ne cesse de grandir) : 125 RC de 1981 et 240 RC de 1980.
Duo d’Aprilia (dont l’intérêt ne cesse de grandir) : 125 RC de 1981 et 240 RC de 1980.
 ??  ?? SWM RS 175 GS millésime 1978, version US, dans un parfait état de fonctionne­ment.
SWM RS 175 GS millésime 1978, version US, dans un parfait état de fonctionne­ment.
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250 TF3 de 1981, aux ISDE 2019 au Portugal (3e en Vétéran Trophy).
Pascal au guidon de sa SWM 250 TF3 de 1981, aux ISDE 2019 au Portugal (3e en Vétéran Trophy).
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Pascal et le moteur d’usine de la Fantic 125 RC 1981 de Gualtiero Brissoni !
 ??  ?? SWM RS 175 GS de 1980, ex-Guérand, ayant fait les ISDT 1980 et les ISDE Vintage 2020.
SWM RS 175 GS de 1980, ex-Guérand, ayant fait les ISDT 1980 et les ISDE Vintage 2020.
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Fantic 125 RC ex-Brissoni 1981 : une pièce de musée ready to race.
 ??  ?? ISDE Vintage 2017 en Espagne sur la Fantic 125 RC Brissoni.
ISDE Vintage 2017 en Espagne sur la Fantic 125 RC Brissoni.

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