Le Moyen-orient en 2017
Marquée par l’intensification des conflits au Yémen et en Syrie, la période 2016-2017 l’est aussi par les tensions grandissantes de la « guerre froide » entre l’arabie saoudite et l’iran, de laquelle semble dépendre toute décision importante concernant l’avenir immédiat du Moyen-orient. Mais c’est sans doute l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche qui représente un défi pour la majorité des dirigeants de la région : si ces derniers n’appréciaient guère Barack Obama (2009-2017), ils se méfiaient d’un candidat républicain islamophobe. Pourtant, le président milliardaire fait les affaires des régimes en place (cf. carte 2).
Respectant le bon vieil adage diplomatique selon lequel il vaut mieux une dictature solide qu’une démocratie brinquebalante, Donald Trump s’est illustré en mai 2017 en se rendant en visite officielle en Arabie saoudite, « berceau » du terrorisme international selon le républicain. Soudain, il est le meilleur ami d’un royaume uni aux États-unis depuis 1945. Car, finalement, l’« America First » de Donald Trump répond à des relations commerciales et financières, peu importe le régime politique du partenaire (cf. carte 3).
• L’argent avant tout
Le 21 mai 2017, dans un discours prononcé devant les principaux dirigeants sunnites de la région, il pointe la République islamique d’iran comme un adversaire aussi important que l’organisation de l’état islamique (EI ou Daech) et Al-qaïda, renouant avec le vocabulaire manichéen de George W. Bush (20012009) d’un « axe du mal ». Donald Trump ferme ainsi le « chapitre Obama », qui avait vu en Téhéran un partenaire de l’avenir après l’accord sur le nucléaire de juillet 2015. Cette relation privilégiée avec l’arabie saoudite prend alors une forme financière, avec des transactions immédiates ou futures de 380 milliards de dollars, dont 110 milliards de contrats militaires. Le royaume, principal dépensier en armement de la planète, signe des chèques en blanc pour assurer sa sécurité et celle de la région « face aux menaces iraniennes, tout en renforçant [sa capacité] à contribuer aux opérations antiterroristes […], ce qui réduit la charge de la conduite de ces opérations pour l’armée américaine », selon la Maison Blanche. Les États-unis investissent également dans les secteurs des infrastructures, du pétrole et des hautes technologies.
C’est donc à la lumière de la nouvelle diplomatie américaine que l’on entrevoit des points communs entre l’arabie saoudite et Israël, où le président élu s’est rendu juste après Riyad. La « menace », la vraie, c’est l’expansionnisme iranien. Et ces deux pays sont les principaux partenaires économiques des États-unis. Cela est-il synonyme de paix ? Difficile à croire, tant les positions officielles du royaume sont propalestiniennes et celles du gouvernement de Benyamin Netanyahou (depuis 2009) sur l’expansion des colonies, inébranlables. Mais l’importance commerciale devrait aider l’administration Trump à ne pas changer de discours tous les jours, car le locataire de la Maison Blanche est connu pour son impulsivité. Ce trait de caractère s’est illustré en avril 2017, quand il a ordonné une attaque aérienne contre des positions de l’armée de Bachar al-assad à la suite de l’utilisation d’armes chimiques ; un pas que n’avait pas réussi à franchir Barack Obama. Ces « coups de sang » peuvent-ils constituer une menace pour les dirigeants du Moyen-orient, craignant un nouveau revirement ? Il semble que Riyad et Tel-aviv soient épargnés, alors que le « défi Trump » se complexifie pour Téhéran et Ankara, l’iran tentant de revenir sur la scène internationale et la Turquie étant un allié de L’OTAN. Contrairement à ce qu’il avait laissé entendre, Donald Trump ne pourra se défaire du Moyenorient. Il avait d’ailleurs promis d’en terminer avec L’EI. Sur le terrain, force est de constater que la coalition internationale a porté un coup dur à l’organisation, qui est loin de contrôler le « califat » promis en 2014 et doit reculer, y compris dans ses fiefs de Mossoul (Irak) et de Raqqa (Syrie) (cf. carte 1). Le « défi Trump » est aussi celui de comprendre comment la Maison Blanche entend en finir avec le terrorisme que Daech a réussi à éparpiller ici et là, y compris en Iran, touché pour la première fois par un attentat du groupe djihadiste le 7 juin 2017. G. Fourmont