Moyen-Orient

Éditorial

- Par Guillaume FOURMONT

AAu début du XX siècle, un homme aux traits européens apparaît régulièrem­ent aux côtés d’un chef arabe qui allait devenir l’un des hommes les plus puissants du Moyen-orient. Non, il ne s’agit pas de Thomas E. Lawrence, dit « Lawrence d’arabie » (1888-1935), ni de l'émir hachémite Fayçal bin Hussein (1885-1933), leader de la grande révolte arabe (1916-1918) et premier roi d’irak (1921-1933). Durant de longues années, Harry St. John Philby (1885-1960) servit les intérêts d’abdulaziz ibn Saoud (v. 1880-1953), fondateur de l’arabie saoudite en 1932 ; c’est lui qui, après avoir travaillé pour les services secrets britanniqu­es, conseilla au souverain de s’intéresser au sous-sol de son royaume, riche en pétrole. Philby resta dans l’ombre, mais son action bouleversa l’avenir du pays.

Ce genre d’histoires, qui ont changé la face du Moyen-orient, on pourrait en raconter des centaines, tant le monde du renseignem­ent se pencha, en raison de sa géographie (Suez, Ormuz) et de ses richesses, sur cette région qui a de tout temps attiré colons, explorateu­rs et hommes d'affaires. Sans oublier que la création de l’état d’israël en 1948 déclencha plusieurs guerres avec les voisins arabes, conflits dans lesquels le renseignem­ent fut primordial. L’espion, l’agent secret, devint alors une figure importante non seulement pour observer les évolutions de la région, depuis la naissance de la République islamique d’iran en 1979 jusqu’à la guerre en Irak en 2003, mais aussi et surtout pour soutenir des régimes présentés comme amis de l’occident bien qu’étant la plupart du temps de féroces dictatures.

Le monde du secret fascine et dérange, notamment dans un Moyenorien­t « compliqué », friand de complots et prompt à une certaine paranoïa. La faute sans doute à Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi et autres « fous », à qui on a laissé les rênes de pays aujourd’hui décomposés. Comment expliquer que des services pourtant puissants n’aient pas informé de la gravité de l’invasion de l’irak en 2003 ? Comment ces derniers n’ont-ils pas pu prévoir les révolution­s arabes de 2011 ? S’il est parfois délicat de juger et analyser le travail du renseignem­ent occidental et local au Moyen-orient, il reste néanmoins nécessaire pour avancer vers la paix. À tout aspirant espion, on ne saurait donc que recommande­r ce qu’avait fait, en son temps, le jeune Philby : apprendre des langues, les parler comme là où elles se pratiquent, se plonger dans l’histoire et arpenter la géographie d’un monde arabo-islamique finalement mal connu.

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