Moyen-Orient

Éditorial

- Par Guillaume FOURMONT

YY a-t-il un pilote pour diriger l’algérie ? Cette question au ton comique – en référence au film Y a-t-il un pilote dans l’avion ? (1980) – est sur les lèvres de tous les analystes quand ils observent le président Abdelaziz Bouteflika partir en soin à l’étranger, comme en août 2018. L’homme, au pouvoir depuis 1999 et dans les hautes sphères du régime depuis l’indépendan­ce (1962), né en 1937 et très affaibli, ne serait plus en mesure de gouverner. Soyons réalistes : en Algérie, le processus de décision de l’exécutif est collectif mais autoritair­e, avec une justice et un Parlement marginalis­és, une rente en hydrocarbu­res permettant d’acheter la paix sociale sur fond de clientélis­me, une armée omniprésen­te mais dont on sait si peu de choses. Trente ans après le premier « printemps arabe » constitué par les mobilisati­ons d’octobre 1988 appelant à une véritable démocratie, le régime tient, telle une forteresse imprenable. Il faut dire que le nationalis­me algérien depuis 1962 agit comme un facteur de légitimité ; le pouvoir en place est l’héritier de la révolution ayant mis fin au colonialis­me français (1830-1962) et de la paix apportée après la décennie noire de la guerre civile (1992-2002). Faut-il avoir encore peur de remettre en cause cette double légitimité mémorielle pour avancer ? Faut-il se résigner au système en place ? Des questions que se posent nombre d’algériens en manque de perspectiv­es ; les jeunes, qui constituen­t la majorité de la population, attendent leur tour et aspirent au changement, pour ne plus avoir à penser à « se brûler », c’est-à-dire à prendre la mer pour rejoindre une Europe fantasmée.

L’épidémie de choléra, en septembre 2018, serait-elle une métaphore d’un pays malade ? Avec son gaz et son pétrole, l’algérie devrait posséder des infrastruc­tures développée­s. Or, selon l’organisati­on mondiale de la santé (OMS), la présence de choléra est un bon indicateur de développem­ent, car la maladie est liée au manque d’hygiène, à un accès à une eau malsaine et à des conditions d’assainisse­ment insuffisan­tes. Il n’est donc pas étonnant que la société civile, déjà méfiante à l’égard de ses dirigeants, pointe du doigt l’incompéten­ce du pouvoir face à une telle crise.

Cette situation intervient alors que l’état français a officielle­ment reconnu, le 13 septembre 2018, sa responsabi­lité dans la disparitio­n de Maurice Audin, en juin 1957. Un acte majeur dans ce long et douloureux processus de mémoire d’une guerre (1954-1962) qui a marqué les esprits et les corps des deux côtés de la Méditerran­ée. Puisse cette reconnaiss­ance répondre aux exigences de vérité que formulent les sociétés française et algérienne.

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