Dialogues sous les remparts
Oya Baydar, Phébus, Paris, 2018, 160 p. L’objet de ce roman marqué au fer rouge d’une sanglante actualité est l’ancienne Amida, coeur battant de la Mésopotamie, rebaptisée Diyarbakir, la capitale officieuse du Kurdistan turc. En 2016, la ville a été partiellement détruite par l’armée, en particulier le quartier central et populaire de Sur. La narratrice est une ancienne militante d’extrême gauche turque demeurée fidèle à ses engagements de jeunesse, mais expatriée à Berlin, à l’abri de la guerre. Elle entame une conversation critique avec une militante kurde. Rattrapée par la violence de la réalité, elle ne fait pas mystère de son désenchantement ni de sa candeur. Son interlocutrice kurde est, quant à elle, victime directe de la violence, comme prisonnière de sa ville en lambeaux et de son existence de Kurde résignée sans s’avouer vaincue. De cet échange âpre et humain, le lecteur prend conscience de la fracture abyssale qui sépare ce pays : entre l’ouest, occidentalisé et colonisateur, et l’est, kurde et sous-développé. Une passionnante plongée dans les dédales de ce bateau ivre qu’est la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan.